Alors que les rues ne désemplissent pas et que la colère du peuple gronde, la première ministre Elisabeth Borne a annoncé jeudi 16 mars 2023, devant l’Assemblée, recourir au 49.3 pour faire adopter, sans vote, le projet de réforme des retraites qui prévoit le recul de l’âge légal de départ à 64 ans. Une pratique devenue quasiment monnaie courante : depuis la création de l’article, en 1958, il a été utilisé 100 fois. Qu’est-ce-que le 49.3 ? Pourquoi son recours est-il jugé anti-démocratique ? Les députés peuvent-ils rejeter son application ? Explications.
Qu’est-ce que le 49.3 ?
En l’absence d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, le gouvernement peut choisir de passer en force en utilisant l’article 49.3 de la Constitution.
Le site officiel Vie publique le définit ainsi :
Dans le cadre de l’examen d’un projet de loi en séance publique à l’Assemblée nationale, l’article 49 alinéa 3 (49.3) de la Constitution peut permettre l’adoption sans vote d’une loi.
L’article 49.3 de la Constitution permet à la Première ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d’un projet de loi controversé. Cela concerne les projets de loi de finances, de financements de la Sécurité sociale, ou de tout autre projet ou proposition de loi en débat à l’Assemblée nationale.
Quelles sont les conséquences de l’utilisation de l’article 49.3 ?
Le choix d’y recourir suspend immédiatement les discussions des députés et fait que le texte est considéré comme adopté d’office, à moins qu’une motion de censure ne soit déposée dans les 24 heures, suivant quelques conditions précises.
Pensé comme une mesure exceptionnelle, le 49.3 a pour vocation première d’offrir une porte de sortie en cas de blocage parlementaire. Dans la pratique, il est souvent révélateur d’un échec du gouvernement qui ne parvient pas à obtenir l’adhésion des parlementaires, comme l’explique Le Monde :
Le 49.3 est utilisé lorsque les débats s’enlisent à l’Assemblée nationale ou que le gouvernement veut faire passer une loi dans l’urgence. C’est souvent un aveu de faiblesse face au Parlement, et un outil pour affirmer la primauté de l’exécutif.
« Qu’est-ce que l’article 49.3 ? » Les Décodeurs, 10 mai 2016
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Combien de fois l’article 49.3 peut être utilisé ?
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le 49.3 ne peut être utilisé qu’une fois par session parlementaire, sur un texte. Cette limite ne concerne pas les projets de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale, pour lesquels le gouvernement peut recourir autant de fois qu’il le souhaite au 49.3. Il n’y a pas non plus de plafond quant à l’utilisation par mandat ou par gouvernement, et le 49.3 peut être utilisé à plusieurs reprises sur un même projet de loi lors de différentes sessions parlementaires.
Depuis 1958, l’article 49 alinéa 3 a été déclenché à 100 reprises : 33 fois par la droite, 56 fois par la gauche et 11 fois par la première ministre actuelle Elisabeth Borne. Le record est détenu par le socialiste Michel Rocard, qui l’a utilisé à 28 reprises, alors que son usage n’était pas encore encadré par la révision de 2008.
Une motion de censure peut-elle annuler l’utilisation du 49.3 ?
L’Assemblée nationale bénéficie de 24h pour déposer une motion de censure. Son dépôt requiert la signature d’un dixième des membres de l’Assemblée (un député peut dans ce cas de figure en signer autant qu’il veut au cours d’une session). Elle est alors discutée et votée 48h après son dépôt. La motion de censure doit obtenir la majorité absolue, donc réunir 289 voix pour être adoptée.
Si elle est adoptée, elle entraîne la démission du Gouvernement et le rejet du texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité.
À date, l’opposition a déposé 59 motions de censure, mais celles-ci n’ont jamais été adoptées.
Comme le détaillent nos confrères du Monde, si aucune motion de censure n’est déposée ou qu’elle n’obtient pas la majorité absolue, « la loi est adoptée en première lecture et poursuit son processus législatif au Sénat. Elle revient ensuite à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture, lors de laquelle le gouvernement peut de nouveau activer le 49.3 s’il le souhaite, dans les mêmes conditions ».
Pourquoi les oppositions dénoncent-elles un déni de démocratie ?
Suite à la décision de recourir au 49.3, les différents syndicats, unis contre la réforme des retraites, ont dénoncé « un déni de démocratie ». En effet, l’usage du 49.3 prive les députés, représentants du peuple, de tout débat démocratique parlementaire. Invité sur le plateau de franceInfo, le juriste Dominique Rousseau a alerté sur l’inconstitutionnalité possible de cette loi, dépourvue d’un « débat clair et sincère », qui constitue pourtant « une exigence constitutionnelle ».
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