Cinq ans déjà… Vous souvenez-vous où vous étiez le 13 novembre 2015 quand vous avez appris ce qu’il s’était passé au Bataclan, sur les terrasses parisiennes et au Stade de France ?
Il est probable que oui, comme l’immense majorité des personnes interrogées par le CNRS, l’Inserm et le Crédoc, dans le cadre d’un programme de recherche sur la mémoire collective des attentats terroristes du 13 novembre 2015 dans la société française.
Baptisé 13-Novembre, ce programme a pour but d’étudier la construction et l’évolution de la mémoire après les attentats, et en particulier l’articulation entre mémoire individuelle et mémoire collective d’un événement traumatique.
Pour étudier cela, les scientifiques vont interroger à plusieurs reprises pendant 12 ans un échantillon de 3.000 individus représentatif de la société française, en leur posant notamment la question suivante : « Pouvez-vous citer les actes terroristes commis dans le monde ou en France qui vous ont le plus marqué depuis l’an 2000 ? »
Comme l’explique les auteurs de l’étude, il ne s’agit pas de hiérarchiser les attentats en fonction de leur gravité mais bien de comprendre comment se forme la mémoire collective et ses intrications avec la mémoire de chacun.
« Quels sont les événements qui, au fil du temps, restent les plus présents dans les esprits ? Se forme-t-il une sorte de convergence ou au contraire une atomisation des mémoires ? ».
Les attentats du 13 Novembre 2015 : une place à part dans la mémoire collective
Les attentats du 13 novembre 2015 et ceux de janvier 2015 (Charlie hebdo et l’Hypercacher) semblent aujourd’hui occuper une place à part dans les mémoires des Français et Françaises. En effet, ce sont les actes terroristes qui sont les plus cités par les personnes interrogées, devant le 11 septembre 2001.
En 2019, 49% des personnes sondées font mention des attentats du 13 novembre et 51% évoquent les attentats de janvier 2015, contre 32% qui citent l’attentat contre le World Trade Center. (Plusieurs réponses pouvaient être données).
L’attaque au camion-bélier sur la Promenade des Anglais à Nice, le 14 juillet 2016, pourtant plus récente, n’est citée que par 25% des répondants. Voilà ce qu’on peut lire à ce propos dans le rapport publié en 2019.
« Les attentats de Nice constituent un marqueur mémoriel moins fort dans la population. La plus forte baisse [entre le sondage de 2017 et celui de 2019] s’enregistre d’ailleurs dans la région Provence-Alpes Côte d’Azur où ont eu lieu les attentats du 14 juillet 2016, signe que la proximité géographique avec les victimes et les lieux des attentats ne garantit pas qu’une fois passé le choc, la mémoire collective de l’évènement se forme. »
Les diplômés du supérieur ont été très marqués par les attentats du 13 novembre
Certains groupes de personnes semblent avoir été particulièrement marqués par les attentats du Bataclan, des terrasses parisiennes et du Stade de France, comme le notent les auteurs de l’étude.
« Dans certaines catégories de la population (hauts revenus, diplômés du supérieur, habitants d’Île-de-France, cadres et professions intellectuelles), les taux de citation du 13 Novembre sont plus élevés que la moyenne et avoisinent pour certains 80% !
Les personnes disposant de bas revenus, déclarant faire partie des défavorisés ou souhaitant des réformes radicales de la société affichent plus de distance avec ces événements. »
Autre élément intéressant, les jeunes Français et Françaises semblent avoir conservé des images plus précises des attentats que le reste de la société. Comme si ils et elles avaient été durablement marqué·es par la violence des événements, et en particulier par les images des victimes des attentats. Ainsi, 36% des moins de 25 ans ont en tête ce type d’image contre 31% dans l’ensemble de la population.
Polarisation des souvenirs des attentats sur le Bataclan
Quand les scientifiques demandent justement aux personnes sondées quelles images leur reviennent à l’esprit à propos des attentats, elles sont nombreuses à citer la salle de concert, comme le raconte le rapport.
« La mémoire collective tend à se focaliser sur la tuerie du Bataclan. La mention « Bataclan » revient à 294 reprises parmi les réponses et constitue souvent l’unique réponse des répondants. Lieu d’un massacre de masse, la salle de concert a fait l’objet de beaucoup d’attention après les attentats, notamment lors de sa réouverture un an après.
Si l’on interroge les Français sur les lieux des attentats du 13 novembre, on assiste à une condensation mémorielle. La référence au Stade de France et aux terrasses s’effondre, alors qu’elle se concentre sur une localisation floue (« Paris ») ou précise mais unique (« Bataclan »). »
Pour lire l’intégralité des enquêtes sur le sujet, rendez-vous sur le site 13-Novembre.
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