Depuis les errances bleutées de Mike Flanagan au pays de la mélancolie dans The Haunting of Hill House et Bly Manor, aucun programme horrifique n’a su gagner sa place au Panthéon de l’angoisse.
Il n’y a guère que la dernière saison d’American Horror Story qui a su nous aspirer brièvement, avant de livrer une fin en forme de pétard mouillé.
À quelques jours du lancement de l’édition 2022 du festival du film fantastique de Gérardmer, il est l’heure de tirer un constat désolant : si le cinéma regorge de merveilles horrifiques, rares sont les séries de genre qui séduisent à leur mesure.
Mais qu’en est-il de Archive 81, créée par Rebecca Sonnenshine (autrice pour The Boys) ? Ce programme américain en huit épisodes comble t-il les lacunes de ses pairs ?
Archive 81, rembobinez s’il vous plait !
Vous n’avez pas vu une VHS depuis 10 ans ?
C’est normal, elles sont désormais absentes de la plupart des foyers, ceux-ci leur préférant les plateformes de SVoD ou les DVD pour les plus pointus d’entre eux.
Indifférent aux modes, Dan Turner, le héros d’Archive 81, est un passionné de VHS, un archiviste fringuant dont on apprend rapidement et dans le désordre qu’il a du mal à gérer sa récente séparation et qu’il a déjà eu, par le passé, des troubles de santé mentale.
S’il passe son temps à acheter des VHS pour les restaurer et les archiver, il ne se doutait sans doute pas que l’une d’entre elle allait changer le cours de sa vie.
En effet, une société mystérieuse, dont aucune mention n’est faite ni sur le web ni nulle part ailleurs, lui propose de restaurer une série de cassettes à moitié fondues car rescapées de l’incendie meurtrier de l’immeuble Visser — lui-même construit sur les décombres d’un premier incendie.
Pour mener sa mission à bien, Dan doit non pas travailler de chez lui comme tout le monde mais se rendre dans les bureaux derniers cris de l’entreprise secrète qui l’emploie, à la campagne, sur un domaine où il est seul, où il n’y a pas de réseau et… pas Internet (une entreprise à la pointe de la technologie sans la fibre, vreument ?).
Là, il visionne toutes les vidéos tournées avant l’incendie, par Melody Pandras, une jeune documentariste qui avait décidé de faire un reportage sur l’immeuble Visser.
Il découvre les anciens habitants de l’immeuble (portés disparus depuis) les uns après les autres, chacun étant évidemment plus étrange que le précédent.
Il s’attache surtout à la jeune documentariste, une jeune femme « sexy » d’après son meilleur pote, qui mène ses interviews avec humanisme.
L’histoire de Dan et celle de Melody finissent évidemment par s’imbriquer jusqu’à former un puzzle complet plutôt prenant bien que rigoureusement non-novateur.
Archive 81, une navigation agréable sur le terrain des clichés
L’horreur a beau être un genre en pleine mouvance, avec notamment de nouveaux codes imposés par « l’elevated horror » — une sorte de sous-genre qu’on traduirait en Français par « l’horreur à messages », qui tend à fabriquer une nouvelle forme d’horreur, plus sociale, plus engagée, plus viscérale — elle n’en demeure pas moins profondément marquée par des codes plus classiques qui font ses fondamentaux. Et qui pavent la série Archive 81.
Si vous souhaitez, d’ailleurs, consommer un programme aux engrenages sinueux et aux thématiques viscérales, passez votre tour : Archive 81 est résolument classique.
Ainsi, point de fantômes manipulateurs et pervers ou de cancéreuse jalouse comme dans The Haunting of Bly Manor dans cette nouvelle série, mais un bon found footage comme le cinéma en a raffolé dans les années 2000 après que Le Projet Blair Witch a cartonné tout en ayant coûté peu d’argent (on en aura soupé, ensuite, des Paranormal Activity et autres Rec).
Heureusement, et parce qu’on est un peu sortis de cette mode infernale du film 100% found footage, Archive 81 a le bon goût d’alterner les images de la caméra de Melody et de vrais beaux plans en prise de vue réelle classiques.
C’est là d’ailleurs toute la saveur du programme, qui déroule ses deux intrigues en parallèle avant de les faire fondre en une seule.
Mais si l’idée est bonne et son application divertissante, elle n’en demeure pas moins bardée de clichés, comme c’est souvent et malheureusement le cas dans le cinéma d’épouvante.
Une maison sans Internet dans la forêt, une absence de réseau, une mission secrète, un employé mystère, des bandes-vidéos brûlées, un type en dépression : Archive 81 est un mélange de Cabin Fever, Shining (auquel la série ne cesse de faire référence) et autres Sinister.
Plutôt le haut du panier de l’horreur, vous nous direz… Oui, mais à force de vouloir conjuguer les références et les gimmicks, on affadit un tout. On finit par faire de son programme un produit de fan service.
Archive 81, si elle est loin d’être sans charmes, voit donc son concept s’éroder à mesure que son intrigue se précise.
Toutefois, les deux personnages principaux, emmenés par Mamoudou Athie et Dina Shihabi, créent suffisamment l’empathie — notamment via leur fragilité psychologique à tous deux — pour qu’on s’accroche au programme jusqu’à la fin.
La faute, aussi, à un détail qui fait toute la différence…
Archive 81, inspiré d’un podcast
Archive 81 est en effet l’adaptation du podcast américain éponyme, créé par Dead Signals, qui a connu un succès retentissant dans son pays d’origine.
Émission fictive, elle imagine des histoires sordides basées intégralement sur une expérience auditive singulière. Ainsi donc, elle est parcourue de musiques glaçantes, de voix et grésillements, qui font trembler bien davantage que certains films.
Preuve supplémentaire que l’horreur peut très bien se priver d’images pour exister et grossir.
La série Archive 81 porte la patte du programme à qui il empreinte le concept, et prête une attention toute particulière aux sons, aux voix, aux musiques.
Bref, on est vite aspirée dans ce programme, happée par l’ambiance sonore, bien que l’intrigue mette trop de temps à dévoiler ses enjeux majeurs.
Archive 81 explore les drames de ses personnages
Archive 81 a également ceci de précieux qu’elle ne se contente pas de faire un vague gribouillage de ses protagonistes. Elle prend au contraire le temps de disséquer leurs bobos au cœur et au moral.
Comme tout bon programme horrifique qui se respecte, on apprend finalement qu’un personnage n’est pas qu’un visage, et qu’il est un porteur ambulant de drames, les dissimule comme il le peut, avant que ceux-ci ne le rongent entièrement.
Archive 81 propose donc une plongée (gentille mais réjouissante) dans la psyché de ses protagonistes, explorant leurs drames familiaux et amoureux, et c’est sans doute ce qui le rend efficace.
Pour apprécier comme il se doit le show dans son entièreté, il convient donc de fermer les yeux sur son amoncellement de clichés horrifiques et de se concentrer sur les ambivalences de Dan et Melody.
Peut-être serez vous ainsi absorbée par Archive 81. Pas autant que vous l’avez été par The Haunting of Bly Manor bien sûr, ni même par American Horror Story, mais c’est un début !
On attend en tout cas toujours LA série qui remplacera celles de Mike Flanagan dans nos cœurs.
À lire aussi : « The Haunting of Bly Manor » est une réussite… Quand on sait la regarder !
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.