En septembre 2023, l’annonce du départ de Sarah Burton de la tête de la direction artistique de la maison Alexander McQueen a grandement ému la sphère mode, avant que la nomination de son remplaçant en octobre n’interpelle : Seán McGirr, alors perçu comme l’homme de trop dans le mercato des DA où les femmes se font si rares. Le 2 mars 2024, l’Irlandais de 35 ans a présenté sa première collection pour la maison du groupe Kering.
Défilé Alexander McQueen automne-hiver 2024-2025, le premier sous la DA de Seán McGirr
C’est dans l’ancien entrepôt d’un marché asiatique du 13ᵉ arrondissement de Paris qu’il a choisi de défiler, comme pour renouer avec les débuts si grunge du fondateur, en particulier son défilé dans un marché londonien pour l’automne-hiver 1997-1998 « It’s a Jungle Out There ». Plusieurs clins d’œil à Lee se font sentir, à commencer par le premier look : une robe sans manches à col montant, que la mannequin Ali Dansky porte avec les mains comprimées contre elle dans les poches. C’est un geste qu’on retrouvait beaucoup dans la collection Alexander McQueen automne-hiver 1999-2000. Et la matière façon sac-poubelle rappelle que la collection Alexander McQueen automne-hiver 1993-1994 « Taxi Driver » avait fini à la poubelle juste après le défilé, par accident. Commencer par ce look revient presque à prétendre poursuivre le travail du fondateur en repartant de ses débuts.
Par ailleurs, les robes totalement rigides façon carrosserie automobile (les 3 looks de fin) rappellent non seulement que le père de Seán McGirr est mécanicien, mais aussi que celui de Lee était chauffeur de taxi, comme pour souligner le lien d’identité qui unirait les deux hommes britanniques.
Seán McGirr se réclame de Lee pour son premier défilé Alexander McQueen 2024-2025
Parmi les autres codes du fondateur que l’on retrouve dans cette première collection Alexander McQueen automne-hiver 2024-2025 par Seán McGirr, comptent évidemment l’art du tailleur hérité de Savile Row bien sûr, l’idée de bestiaire (beaucoup de fausses fourrures dans les looks, ainsi que des chaussures façon sabot de cheval, de bouc ou de satyre), ou encore le chapeau à la Jack L’Éventreur (la collection de fin d’études de Lee présentée en 1992 s’appelait justement Jack the Ripper Stalks His Victims). Autre référence directe : les pulls aux mailles oversize et col montant façon prépuce qui rappelle le look 27 du défilé Alexander McQueen automne-hiver 1999-2000. Et puis bien sûr la présence de Debra Shaw, muse historique de Lee, a également défilé pour ce premier opus Alexander McQueen par Seán McGirr.
En creux, on peut également lire cette collection comme une volonté de complètement se distancier du travail de Sarah Burton (discrète DA de la maison de 2010 à 2023), tout en se réclamant de son fondateur (qui s’est donné la mort en 2010). Mais est-il possible de s’éloigner d’elle quand c’est Lee lui-même qui l’a formée ? D’autant qu’il a assuré 18 ans à la tête de sa propre maison, puis elle 13. Que Seán McGirr semble ainsi rejeter l’héritage de Sarah Burton qui compte pourtant comme un bon tiers de l’histoire de la maison apparaît donc presque comme un affront aux yeux des fans d’Alexander McQueen. Une énième façon d’effacer les femmes des postes de pouvoir et de création de l’histoire de la mode.
Un premier défilé Alexander McQueen par Seán McGirr vivement critiqué
À l’échelle de la narration de l’ensemble du défilé, on peut comprendre la collection comme le récit de l’animalité qu’on tenterait de contenir en soi, à travers les premières silhouettes comprimées, allongées, et qui nous échappent parfois, par endroits, d’où la fausse-fourrure et les chaussures animalisantes). Retenons également la constriction sous forme de rubans qui enserrent tantôt un bras, tantôt les chevilles de pantalons.
Seulement, Seán McGirr a beau se réclamer de Lee, ce premier défilé a relativement déplu à beaucoup de critiques de mode, notamment parce que sa collection partirait dans trop de directions différentes, et rappelleraient trop son propre passé chez JW Anderson et Loewe. reste à voir si ce nouveau DA parviendra à transformer l’essai ou pas.
Les Commentaires
En ce qui me concerne je trouve les silhouettes jolies mais un peu sages et un peu trop tournées vers le passé, sans compter le manque de surprise avec par exemple cette robe buste moulé qu'on a déjà vu 1000 fois maintenant. J'ai un peu l'impression de voir un exercice de style genre "fais une collection Givenchy 1996.