Nous allons parler ici de crises, de pétages de plomb, de cris et de hurlements au sol des enfants. Mais tout d’abord pas tous les enfants, pas les jeunes bébés, qui pleurent pour demander de l’aide (pour tout un tas de raisons d’ailleurs) mais bien de jeunes enfants en âge de comprendre ce qu’on leur dit et qui ont du mal à gérer leur frustration.
De plus, nous parlerons de ces effusions d’émotions, en public uniquement ! Car rien n’est plus agréable en tant que parent que d’être au supermarché avec un enfant dont on ne parvient pas à canaliser les émotions. Et qu’en prime, on a une dizaine de paires d’yeux braqués sur soi, avec un air réprobateur.
Mais comment agir concrètement quand on est au bout du roul’, qu’on se sent complètement dépassée par les événements ?
Nos parents nous diraient peut-être : « bah qu’il pleure, il pissera moins ! » Mais l’époque n’est plus la même et la bienveillance est de mise.
Les années 8O versus maintenant
Dans les années 1980, on aurait peut-être traîné le gosse par la peau du cou dans les couloirs du supermarché pour qu’au moins il suive le cadis, pas de temps à perdre (j’exagère un peu). Mais maintenant, on essaie de fixer un cadre, tout en faisant preuve de bienveillance. Ce qui n’est parfois pas chose aisée.
En parlant de ce sujet avec des collègues, chacune et chacun a des expériences dans sa propre enfance, un parent qui a fait semblant de partir, qui a menacé de l’abandonner pour toujours ou même encore qui lui a collé une tarte.
Dans mon cas, vers 7-8 ans, quand je faisais des crises, « des caprices » disait-on, on me faisait prendre une douche d’eau froide, habillée. Ce qui me laisse un bien mauvais souvenir… Ce sont des pratiques condamnées de nos jours, à raison !
Mais alors que faire et doit-on arrêter la crise à tout prix ?
Anticiper la crise en posant un cadre
Léonie Cance, psychologue, nous explique que pour que la crise ne survienne pas, il faut agir en amont :
« Pour le supermarché par exemple, cela dépend de ce qu’il veut notamment.
La crise, il faut l’anticiper. Dès qu’ils comprennent ce que l’on dit et ça arrive assez vite, on peut poser les bases.
Si mon fils commence les courses en disant qu’il veut une sucette, par exemple, je lui dis d’arrêter de s’énerver, qu’on fait les courses dans le calme et que s’il se comporte bien pendant les courses, je lui explique que j’achèterai un paquet de sucettes et qu’il aura le droit à une sucette après le repas. Il faut expliquer. »
Quand on fait des courses, il faut donc anticiper. Marie Chetrit, docteure en sciences, qui vient de publier Éducation positive : une question d’équilibre ? Démêler le vrai du faux de la parentalité bienveillante, nous le conseille également :
« Quand on va faire des courses ensemble, je leur dis : ”tu as le droit à une chose que tu peux choisir.” »
Léonie Cance prend également un autre exemple, celui du parc, et du départ parfois difficile à vivre pour les enfants :
« Pour le parc, il faut être dans l’anticipation et prendre en compte les antécédents.
Il faut expliquer par exemple qu’il reste encore trois tours de toboggan ou deux tours de vélo et on y va.
Si ça part en crise, reposer la règle, expliquer que ce n’est pas un comportement acceptable. Dire que si on peut partir dans le calme, on reviendra, autrement si c’est trop compliqué et que ça génère des conflits, on reviendra moins souvent. »
Pour empêcher les crises, le maître-mot est donc l’anticipation :
« C’est surtout en anticipant, en expliquant les règles, le comportement qu’on attend, et en renforçant les bons comportements verbalement qu’il y aura moins ou plus du tout de crises qui vont se produire par la suite. »
Après, toujours dans l’idée d’anticiper les prochaines crises, Léonie Cance nous dit qu’il est bon de revenir sur l’événement ensuite à la maison :
« On revient dessus, on en discute à la maison, après coup. »
La crise doit donc être anticipée, empêchée avant qu’elle ne survienne, mais si l’on est pas parvenue à cela, que faire ?
La crise est là… faire fi des jugements
Quand la crise se produit en public, le fait d’être regardée, scrutée et bien souvent jugée peut nous faire perdre nos moyens et aggraver la crise en cours. Marie Chetrit nous le dit, il faut essayer de faire abstraction du regard d’autrui :
« Il faut rester droit dans ses bottes. La question est toujours le regard de l’autre. Il faut parvenir à s’en émanciper.
Ma fille avait fait une crise dans un rayon d’un supermarché car elle voulait quelque chose. Elle s’est couchée par terre en tapant des pieds. Je l’ai prise comme ça et je l’ai amenée à la caisse. Elle continuait à hurler.
Il faut faire comme on le sent, en faisant abstraction du regard des autres, qui ne sont pas à votre place, qui ne connaissent pas votre enfant. »
Pour Léonie Cance aussi, une fois que la crise est là, il n’y a plus grand-chose à faire, concrètement :
« Soit on ignore l’enfant et on attend que ça passe. Si ce n’est pas possible, tu le prends comme un sac à patates, et tu l’emmènes dans la poussette, dans la voiture, etc. pour rentrer à la maison. »
Marie Chetrit nous le dit, gérer sa frustration, c’est aussi un apprentissage :
« Tous les désirs de l’enfant n’ont pas à être satisfaits à l’instant même. C’est plus dur pour lui que pour nous de maîtriser la frustration, c’est un peu l’apprentissage de la vie aussi. »
On peut tout de même essayer d’agir, ou bien de lâcher du lest et d’accéder à sa demande, aussi absurde et dérangeante soit-elle…
Accéder à la demande pour avoir la paix ou tenter d’arrêter la crise
On peut tenter des techniques comme l’ignorance. Comme nous le dit Léonie Cance :
« L’ignorance, c’est une des choses les plus efficaces. Quand on tente plein de choses, on s’agace. Ça empire les choses.
Ça peut limiter la crise dans le temps. Tant qu’il hurlera et tapera par terre, toutes les tentatives de contacts physiques, câlins, etc., cela risque de renforcer la crise. Il n’est pas non plus dans un état psychique où il est capable de raisonner. »
On peut aussi accéder à sa demande, même si c’était pas du tout ce qui était acceptable au départ, comme nous l’explique Marie Chetrit :
« On peut aussi craquer et accéder à sa demande. Rien n’est définitif dans l’éducation d’un enfant. On l’a tous fait, ça n’a pas d’importance. On peut aussi s’économiser. »
On peut leur expliquer ensuite pourquoi. Parce qu’il y avait du monde, parce qu’on était pressés… mais la prochaine fois, je ne céderai pas. »
Revenir sur les événements donc, avec toujours l’optique d’empêcher les prochaines crises. En tout cas, il y a bien une chose dont on se passerait bien dans ces moments-là, c’est le jugement des autres. S’il vous plaît, passez votre chemin !
Les regards désapprobateurs, ce n’est pas très féministe
Dans le train, quand un enfant pleure ou crie, il y aura toujours quelqu’un ou quelqu’une pour soupirer et pester, et j’avoue avoir fait partie de ces personnes dans un bien lointain passé, mais aujourd’hui je m’en mords les doigts.
Que veut-on ? Que les enfants (et donc aussi les mères) disparaissent de l’espace public ? C’est un comportement bien peu féministe, comme nous l’expliquions d’ailleurs dans un récent article.
Marie Chetrit nous le dit aussi :
« Il y aura toujours quelqu’un pour critiquer, qu’on soit compréhensif et empathique, ça ne plaira pas. Et si on réagit fermement, il y aura aussi des critiques.
Comme on sera toujours jugée quoi qu’on fasse, autant faire ce qui nous convient à nous. »
Eve Simonet, autrice et réalisatrice du documentaire Post-Partum, a été confrontée à une crise de son fils en public. Elle décrit dans un post Instagram les passants au regards désapprobateurs mais remercie aussi une femme, qui a tenté de l’aider, la voyant désemparée. La sororité, ça fait du bien :
Pour résumer, en tant que parents, pour anticiper de possibles crises, il est bon de donner des règles avant la sortie, d’expliquer ce qui va se passer.
Et une fois la crise là, si on n’a pas réussi à l’éviter, on fait ce que l’on peut, on peut tester l’ignorance, tout en faisant bien attention à ce que l’enfant soit en sécurité, lui dire de se calmer (sans beaucoup d’espoir), le ramener à la maison, ou bien accéder à sa demande, aussi reloue soit-elle. Puis expliquer le pourquoi du comment on a cédé, de retour à la maison.
Pour les petits curieux qui matent : quand on assiste à une scène de ce type dans un lieu public, évitons les jugements, les yeux au ciel et autres mépris à peine dissimulés, car on aimerait bien vous y voir, vous ! Et puis, si le parent semble vraiment en difficulté et que vous vous sentez, eh bien pourquoi pas proposer votre aide !
À lire aussi : Comment aider son gosse à gérer la frustration alors qu’on a soi-même envie de casser des trucs
Image en une : © Monkey Business Images
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