Mise à jour du 21 juin 2021 —
C’est un procès qui sera suivi de très près qui s’ouvre ce lundi 21 juin à la cour d’assises de Saône-et-Loire. Pendant cinq jours, Valérie Bacot, 40 ans, devra s’expliquer du meurtre de son beau-père, qui l’a violé pendant son enfance, avant de devenir son compagnon et qui l’a pendant des années forcé à se prostituer.
La pétition qui demande sa libération a désormais largement dépassé les 500.000 signatures, montrant à quel point l’affaire émeut et révolte l’opinion.
Article publié le 27 mai 2021 —
Valérie Bacot, 40 ans, pourrait passer sa vie derrière les barreaux. Parce qu’elle a tué l’homme qui l’a brutalisée et violée toute sa vie,
elle risque aujourd’hui la prison à perpétuité.
Son procès doit avoir lieu du 21 au 25 juin prochain à la Cour d’assises de Chalon-sur-Saône, mais déjà la mobilisation s’organise. C’est notamment le témoignage qu’elle a livré début mai dans l’émission Sept à huit qui a permis au grand public de découvrir l’horreur de son histoire.
On vous explique pourquoi l’affaire Valérie Bacot représente un nouveau cas emblématique du traitement des violences conjugales en France, qui montre encore une fois que les victimes sont ignorées par la justice et la société.
1. De quoi Valérie Bacot est-elle accusée ?
Son crime, Valérie Bacot l’a reconnu : le 13 mars 2016, elle a abattu Daniel Paulette après avoir subi d’énièmes menaces alors que celui-ci l’avait une nouvelle fois forcée à se prostituer.
Elle affirme aujourd’hui l’avoir entendu demander à leur fille « comment » elle était « sexuellement ». C’est la menace de trop. Valérie Bacot a pu encaisser toutes les violences, tous les coups, toutes les insultes pendant des années, mais la peur de voir son bourreau se retourner contre ses enfants a été le moteur dans son geste.
Avec l’une des nombreuses armes de l’homme, elle tire et se sauve. Ses enfants l’aideront à enterrer le corps.
« J’ai enlevé la vie à quelqu’un, c’est normal que j’aille en prison pour ce que j’ai fait. Ce que je redoute, c’est d’abandonner mes enfants », estime-t-elle dans l’interview qu’elle a donné à Sept à huit.
2. Pour Valérie Bacot, « Tout le monde savait »
24 ans d’horreur, « en vase clos », décrit Valérie Bacot.
Celui par qui tout a débuté, c’est le compagnon de sa mère. Les viols commencent alors que Valérie Bacot a 11 ou 12 ans. Incarcéré plusieurs années, il revient quelques années après au domicile familial, comme si de rien n’était. Et de violeur, il devient le compagnon de la jeune femme. Alors qu’elle n’a que 17 ans, elle tombe enceinte de lui et se retrouve à emménager avec lui.
Tout le monde savait, c’est le titre du témoignage de Valérie Bacot publié chez Fayard. Et cela résume terriblement bien la situation. « Tout le monde se doutait. Beaucoup de gens avaient leur petite idée de ce qui pouvait m’arriver dans l’intimité du foyer. Les coups, la violence banalisée, les humiliations quotidiennes… », raconte-t-elle.
Et comme souvent,quand tout le monde sait, tout le monde se tait.
Forcée à se prostituer pendant quatorze ans, Valérie Bacot reste profondément marquée par une vie faite de violences.
« Porter plainte, c’était pas une solution », tranche-t-elle dans l’entretien qu’elle a accordé à l’émission Sept à huit. Parce que les conséquences d’une plainte la mettaient en danger, elle et ses enfants, parce qu’il fallait mieux encaisser les coups plutôt que de prendre le risque de se retrouver à la rue.
À nouveau, on comprend qu’il y a un manque de moyens criant pour s’adresser aux victimes de violences conjugales — pour leur permettre de parler, et surtout de pouvoir être en sécurité, elles et leurs enfants, une fois qu’elles ont porté plainte. Aujourd’hui, toutes ces conditions ne sont pas réunies.
3. Les ressemblances entre les affaires Jacqueline Sauvage et Valérie Bacot
Si l’affaire Valérie Bacot suscite autant d’émotion, c’est aussi parce qu’elle fait écho à l’histoire de Jacqueline Sauvage, qui avait tué son mari en 2012 après des années de violences conjugales. Elle a été condamnée à dix ans de réclusion criminelle, puis a été graciée par François Hollande en 2016.
Dans les deux cas, ce sont d’ailleurs les mêmes avocates qui ont pris le dossier : Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini.
Les deux affaires questionnent aussi la notion de la légitime défense et de la façon dont elle s’applique dans des cas où des victimes de violences conjugales tuent leur conjoint après des années de violences.
4. Le soutien à Valérie Bacot s’organise
Après un an en détention, Valérie Bacot est aujourd’hui en liberté conditionnelle. Un comité de soutien s’est organisé en novembre 2020, et se bat pour faire en sorte qu’elle ne retourne pas en prison :
« Même si elle a commis un meurtre en tuant son tortionnaire, et compte tenu des vingt-cinq années de souffrance qu’elle a subies et endurées dans l’indifférence générale, c’est sa liberté que nous demandons. »
Forte de ce soutien, après des années isolée face à son bourreau, Valérie Bacot affirme ne pas avoir peur d’aller en prison pour ce qu’elle a fait, et attendre ce procès qui va la confronter à ses actes, mais aussi à ceux de l’homme qu’elle a tué. « Mon dernier combat contre lui », affirme-t-elle.
À lire aussi : Les violences économiques, la face cachée des violences conjugales
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
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