Comment rebondir après la campagne polémique des enfants avec le sac-peluche BDSM et le document sur la pédopornographie ? Le directeur artistique de la maison du groupe Kering a proposé un défilé Balenciaga automne-hiver 2023-2024 sans fioritures, pour revenir aux bases : le vêtement, dans toute son épure.
Circulez, il n’y a pas de scandale à voir : telle aurait pu être la devise du défilé profil bas Balenciaga automne-hiver 2023-2024 par Demna Gvasalia. Il l’avait annoncé dans Vogue en février : « Le show consistera davantage à montrer la collection qu’à créer un moment ». C’est donc sans surprise que le directeur artistique de cette maison du groupe Kering a choisi de présenter le 5 mars 2023, dans le cadre de la Paris Fashion Week, une collection épurée, avec une scénographie minimale. Une façon d’enterrer l’ère du scandale dont le pinacle a été une double campagne controversée en novembre 2022 avec, d’un côté, des enfants portant des sacs-peluche BDSM, et de l’autre, des femmes d’affaires dans des bureaux dont l’un était occupé par un document sur la pédopornographie.
Demna chez Balenciaga : huit ans de scandale et puis se calme
Retour aux fondamentaux donc, pour Demna (il ne veut plus qu’on utilise son nom de famille), à la tête de la direction artistique de Balenciaga depuis fin 2015. Huit ans, cela commence à faire long vu combien l‘industrie du luxe aime jouer aux chaises musicales avec les designers qui font trois petits ans (la longueur habituelle des contrats à ce poste) et puis s’en vont vers d’autres maisons.
Balenciaga automne-hiver 2023-2024, le défilé de la table-rase pour Demna
En huit ans, Demna avait habitué la sphère mode à des scénographies impressionnantes de moyens techniques, parfois scandaleuses (comme le défilé dans la boue, après celui qui recréait carrément une tempête de neige). Mais voilà que le designer géorgien a décidé de faire tabula-rasa, en choisissant de drapé de toile immaculée un auditorium, comme une nouvelle page blanche. Et ce n’était pas n’importe quel auditorium, mais bien celui du Carrousel du Louvre, justement construit dans les années 1990 pour y accueillir des défilés de mode : encore un signe de la volonté de Demna de repartir de zéro.
Demna tente de revenir à l’essence de Cristóbal Balenciaga
Comme il l’avait également annoncé à Vogue, Demna a voulu aussi, à travers ce nouveau défilé, revenir à l’essence même de Cristóbal Balenciaga (1895-1972), surnommé le « couturier des couturiers » tant ce chantre du noir qu’il savait sculpter de façon architecturale inspirait ses contemporains. Ainsi, les sept premiers looks étaient complètement noirs, avant que des nuances de gris n’apparaissent, puis du marine, et enfin davantage de couleurs (comme le total look jean du passage 16, le beige du trench du 18, des motifs floraux distordus pour les passages 27, 29, 31, 33, 35, du python pour le look 43 et du léopard pour le 45). L’ensemble de survêtements bleu cobalt (une tendance forte de 2023) aux épaules presque pagodes du look 40 était le passage le plus vif de la collection. On pouvait donc lire dans ce dévouement pour le noir, et le déploiement de la majorité des silhouettes qui étaient oversized, un hommage à Cristóbal Balenciaga. Et puisque ce dernier était un dieu de la coupe, Demna s’y frotte en détournant justement des pantalons pour recréer d’autres vêtements : si l’on regarde de plus près, on peut alors voir des passants de ceinture au bout des manches, par exemple, ou encore des jambes qui semblaient pendre d’épaules, comme si les mannequins marchaient à quatre pattes.
Pas de logo tape-à-l’œil, pas de people attrape-paparazzi au défilé Balenciaga post-scandale
Si l’assistance comptait près de 700 personnes pour ce défilé Balenciaga automne-hiver 2023-2024 post-scandale, vous ne l’avez sûrement pas vu matraqué partout sur les réseaux sociaux. Et cela s’explique en partie par le désir de discrétion du designer qui n’a d’ailleurs pas invité la foule de people habituelle pour ce genre d’événements. D’ailleurs, la collection ne comportait pas non plus de logos ostentatoires. On peut donc y lire une forme de rupture avec le culte de la marque bien visible instauré par Demna chez Balenciaga jusque-là. De quoi s’adresser à un autre public, moins logomaniaque. C’est donc la fin d’une ère, et le début d’une nouvelle pour Balenciaga et Demna.
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