Leur simple évocation vous donne très probablement envie de vous gratter… Pas plus grosses qu’un pépin de pomme lorsqu’elles sont gorgées de sang, les punaises de lit sont devenues, ces dernières années, un véritable problème de santé publique.
Selon un récent sondage réalisé par l’Ipsos pour le compte de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), 11 % des ménages français ont été infestés par les punaises de lit entre 2017 et 2022.
Au-delà du coût financier que représente une désinfestation (866 € en moyenne par foyer, selon l’Anses), ces parasites qui envahissent notre intimité en élisant domicile dans notre literie, nos vêtements ou encore nos bagages, ont aussi un réel impact sur notre bien-être et notre santé.
Peur de la stigmatisation, stress d’infester ses proches, perte de sommeil en raison des piqûres… Cinq lectrices nous ont confié – parfois anonymement – leur quotidien à compter du moment où les punaises de lit ont envahi leur intérieur et leur vie.
« Une punaise se promenait sur mon bras alors que je télétravaillais depuis mon canapé »
Je ne sais pas du tout comment j’ai attrapé des punaises de lit, je suppose que c’est dans le métro à Paris. J’en ai découvert début juillet dans mon salon. J’avais déjà repéré 2 ou 3 piqûres sur le bras et le dos au début du mois de juin, mais j’avais pensé à des moustiques.
Puis, fin juin, je suis tombée sur une petite bête marron sur un plaid à côté de mon canapé. Je me suis demandé ce que c’était, mais je n’ai pas été plus loin et je l’ai jetée dehors.
Ce qui m’a interpellée, c’est quand j’en ai revu une la semaine suivante, sur mon bras droit, alors que je télétravaillais depuis mon canapé… Je l’ai mise sous un verre et j’ai cherché sur internet ce que cela pouvait être. J’ai aussi rapidement senti un nouveau bouton arriver sur mon bras droit au niveau de l’aisselle. En regardant sur Google j’ai tout de suite reconnu une punaise de lit femelle, c’était exactement la petite bête que j’avais devant moi et très similaire à celle que j’avais trouvé la semaine précédente. J’ai donc fait le rapprochement avec les « piqûres de moustiques ». Je pensais n’en avoir que 2 ou 3 mais 48 heures plus tard, j’en ai eu une quinzaine qui sont apparues sur le corps, et ça a continué ensuite.
Quand je me suis rendu compte que j’avais été piquée par des punaises de lit, j’ai beaucoup pleuré. J’ai vite compris que ça allait être un combat compliqué, long et difficile. J’avais honte, très honte. J’avais peur qu’on me juge et d’être mise à l’écart par mes amis, mes collègues, ma famille. J’ai eu le sentiment d’être seule, et je l’ai encore aujourd’hui. J’en ai parlé à quelques amis, ainsi qu’à mes proches, mais même s’ils essayent de me soutenir, ils ont du mal à comprendre l’impact que les punaises ont sur ma vie et mon quotidien, et la difficulté que j’ai à m’en débarrasser.
Je pense qu’il y aura un avant et un après punaises de lit, c’est comme si j’avais perdu une partie de mon innocence, je ne sais pas comment je vais revivre normalement, je pense que je vais désormais tout le temps avoir peur d’en avoir de nouveau chez moi, même si je déménage. Je dors très mal la nuit car j’ai tout le temps l’impression d’avoir des punaises sur moi, je me réveille sans arrêt. J’ai souvent des crises de larmes quand je vois que j’ai de nouvelles piqûres, et j’ai l’impression que cela ne va jamais se terminer… Je sais que je vais devoir faire un gros travail sur moi pour pouvoir un jour inviter de nouveau des gens dans mon appartement par peur de leurs en donner ou qu’ils en ramènent dans mon logement. Comme je le disais plus haut, j’ai un énorme sentiment de solitude et je me suis isolée socialement car j’ai peur d’en donner aux autres, d’être jugée…
Le jour où j’ai su que j’avais des punaises j’ai foncé dans un magasin spécialisé pour acheter des produits afin de les éradiquer. J’ai aussi lu tous les conseils que j’ai trouvés sur internet.
J’ai ensuite essayé d’être la plus méthodique possible. J’ai d’abord aspiré chaque millimètre de mon appart avec l’embout plastique de l’aspirateur et j’ai immédiatement jeté le sac, j’ai utilisé un petit nettoyant vapeur que j’avais et ai acheté un spray acaricide pour traiter les tissus du canapé, mon matelas et mon sommier, j’en ai mis partout, deux fois par jour pendant 4 jours.
J’ai aussi acheté un spray insecticide spécial punaises de lit que j’ai mis autour des portes de placards, fenêtres, portes de mon appartement, plinthes, bas de meubles, rainures du parquet… J’ai mis tous mes vêtements dans des sacs poubelles doubles : les vêtements dans un premier sac bien fermé, avec autour un deuxième sac dans lequel je mettais du spray insecticide au cas où certaines punaises essaieraient de rentrer ou sortir.
J’ai aussi mis de la terre de diatomée pendant 48 heures sur mon canapé et mon matelas avant d’aspirer de nouveau (et de jeter le sac aspirateur…). J’ai aussi mis de la terre de diatomée autour de mon lit (et dans des fonds de bouteilles que j’ai découpés et que j’ai mis autour de mes pieds de lit) et mon canapé ou dans mes placards. Enfin, j’ai placé deux fumigènes insecticides à une semaine d’écart.
Malgré tous ces efforts, je suis toujours piquée quand je m’assois sur mon canapé… J’ai demandé des devis auprès d’entreprises spécialisées pour pouvoir faire intervenir des professionnels. Je suis encore étudiante et j’ai eu la chance d’avoir mes parents. Ils m’ont un peu aidée financièrement pour acheter tous les produits, c’est un gros budget ! Tout compris, cela m’a coûté 200 € ce mois-ci.
C’est aussi un gros investissement physique, de bouger tous les meubles, aspirer, nettoyer, frotter tous les jours tout l’appartement dans ses moindres recoins, et encore plus avec les fortes chaleurs. Et de faire tout ça sans être sûre que cela va fonctionner. J’essaye d’être optimiste et de me dire que je vais en venir à bout mais je me sens épuisée moralement et physiquement.
Marguerite*
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« Mon lit, qui est d’habitude mon meilleur ami, était devenu un lieu d’angoisse »
Brrrr, rien qu’écrire le nom ça me dégoûte et ça m’effraie, j’ose à peine en parler tellement c’était l’enfer, j’ai pas mal hésité avant d’écrire. Mais oui, j’ai eu des punaises pendant quelques mois et c’était horrible.
C’est mon ex qui les a rapportées de son logement à Marseille et pendant longtemps, on pensait que ça n’en était pas, même si on était piqués de temps en temps. Lui était encore plus dans le déni que moi alors ça nous a pris longtemps, elles ont eu le temps de prospérer. On a d’abord commencé par tout nettoyer avec aspirateur et bombe… Mais le lendemain, on a aperçu une punaise sur le mur des toilettes ! On a alors utilisé des fumigènes et mis tous nos vêtements dans des sacs poubelle, mais ça n’a toujours pas fonctionné.
On a fini par se faire aider par nos parents pour faire appel à un professionnel qui nous a conseillé de jeter mon matelas et mon canapé. Pendant des semaines, c’était le bordel à la maison, tout était en vrac, laid, déprimant. On a mis tous nos vêtements dans des sacs fermés avec du scotch aussi serré que possible. Mais malgré ça, je psychotais. Surtout qu’après son premier passage, j’ai continué à me faire piquer. Mon lit, qui est d’habitude mon meilleur ami, était devenu un lieu d’angoisse. Je ne savais pas où elles se cachaient mais elles peuvent venir de n’importe où, même dans les prises, les livres, les meubles…
Après des mois à psychoter, et malgré deux passages du professionnel, j’ai finalement décidé de tout jeter. Mes bibliothèques, mon canapé, mon lit, mon armoire, ma table… C’est un crève-cœur mais plus jamais je ne veux avoir des punaises.
Aujourd’hui je suis encore traumatisée. Dès que je vois ce mot, je fais un arrêt sur image et mon cœur bat à mille à l’heure. À la moindre piqûre bizarre, je ne peux pas dormir. J’ai peur dès qu’un de mes colocs revient de voyage, ou que je vais à l’hôtel. Je n’envisage même plus d’acheter des trucs d’occasion, même des vêtements.
Floriane
« J’ai dépensé pratiquement 700 € pour m’en débarrasser »
J’ai attrapé des punaises de lit en octobre 2022, lors d’un super week-end d’intégration organisé par le BDE pour la première année de Master. Au réveil, je suis tombée sur une punaise de lit mais je n’étais pas particulièrement affolée parce que j’avais l’impression de ne pas avoir été piquée. Trois jours après être rentrée, j’ai eu des boutons partout sur le menton. C’est là que le cauchemar a commencé. J’ai dû laver tous mes vêtements à 60° dans une laverie, la plupart ont rétréci. Toutes mes vestes de tailleur ont été amenées au pressing.
J’ai appelé une entreprise pour venir tuer les punaises. Il y a eu deux passages à 15 jours d’intervalle. Entretemps, il ne fallait surtout pas nettoyer le sol. Il était donc glissant et collant. Il fallait aussi garder mes vêtements dans des sacs poubelles et en hauteur.
J’ai donc passé 1 mois à fouiller tous les matins dans des sacs remplis pour essayer de trouver un vêtement pas trop froissé. J’étais dépitée.
Mentalement, c’est aussi très compliqué. On a l’impression d’être piquée dans tous les sens, de voir des punaises de partout. On a peur de coller les gens, de peur de les refiler. Après le premier passage de l’entreprise, il faut redormir dans son lit pour justement « attirer les punaises » et « les faire sortir ». Je n’ai pas passé ma meilleure nuit !
En tout et pour tout, j’ai dépensé pratiquement 700 €. L’organisme qui s’est occupé d’organiser le week-end d’intégration n’a jamais voulu me rembourser. Maintenant, dès que je dors dans un endroit entouré de bois, je vérifie toujours en dessous du matelas, sous les draps, etc. On le vit une fois mais pas deux. Ça vaccine.
Johanna
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« Je me souviens m’être réveillée en sentant des piqûres rapprochées sur mes jambes et mes bras »
J’ai été infestée par des punaises de lit pendant des vacances au printemps 2019 dans un Airbnb. Je me souviens m’être réveillée dans la nuit en sentant énormément de piqûres rapprochées sur mes jambes et mes bras, qui me grattaient énormément. Je pensais que c’était dans mon rêve mais en me réveillant, j’ai vu toutes les piqûres qui continuaient à me démanger. Je n’ai pas compris tout de suite que c’était des punaises de lit car aucun autre habitant du Airbnb n’avait été piqué, mais je sentais que ça n’était pas des moustiques.
En rentrant chez moi au retour des vacances, juste après avoir fini de défaire mes valises dans ma chambre, j’ai eu comme une intuition que je n’aurais pas dû défaire les valises et que ça pouvait être des punaises de lit. À partir de là, j’ai essayé de refermer ma valise et de re-ranger mes affaires mais c’était déjà trop tard.
Grâce à mes piqûres et mon intuition, nous avons réagi très vite. Nous avons mis à peu près 2 mois à nous en débarrasser complètement, mais ça aurait pu prendre beaucoup plus de temps si cela n’avait pas été traité immédiatement.
Ça a eu un impact sur notre moral car nous avions peur que ça ne parte jamais, nous sommes devenus un peu paranoïaques à chaque fois que nous avions une piqûre de moustique ou lorsqu’on voyait un petit insecte dans notre appartement. Mais grâce aux traitements qui ont été efficaces, nous n’en avons jamais retrouvé et avons recommencé à vivre plus sereinement.
Sarah *
« L’hypervigilance a eu des conséquences désastreuses sur ma santé et mon moral »
Mon appartement parisien a été infesté par des punaises de lit début 2020 car les appartements des étages du dessous étaient déjà infestés. S’agissant d’un vieil immeuble, les punaises ont colonisé les murs jusqu’à mon appartement.
Je n’avais aucune trace de piqûre, en revanche j’ai commencé à me sentir très fatiguée, je voyais des traces suspectes sur les draps mais sans que cela ne m’interroge particulièrement. J’ai finalement découvert un nid en changeant mes draps, en pleine canicule. À partir de ce moment, je les ai vues partout, tout le temps. J’ai souvenir d’un réveil un matin où j’ouvre les yeux et une punaise passait juste devant mon oreiller.
N’ayant jamais eu de parasites (poux, tiques, etc.), c’était une vraie angoisse pour moi. J’avais interdiction de dormir ailleurs que chez moi, par risque de contamination. Je n’en ai plus dormi la nuit jusqu’à la désinfestation totale de l’appartement. J’avais l’impression d’être dépossédée de mon propre appartement.
Honnêtement, ça a été un traumatisme. La situation d’hypervigilance dans laquelle j’étais, couplée à l’incapacité à dormir correctement (je faisais des nuits de 3 heures environ pendant la période de colonisation) ont eu des conséquences désastreuses sur ma santé et mon moral. J’ai pris la décision de déménager à la suite de ça, une fois que j’ai été sûre que l’infestation était terminée. Le plus dur était de me dire que j’étais visiblement envahie depuis au moins six mois. J’ai donc passé tout le premier confinement avec des punaises, et cette prise de conscience m’a complètement retournée. Ça fait trois ans et parfois j’ai encore des crises de panique dans le métro, au cinéma, dans les taxis, je commence à regarder partout. Si je vois le moindre insecte chez moi, je pense tout de suite à ça et je désinfecte tout.
Quand j’arrive dans un hôtel ou un Airbnb, mon premier réflexe est d’étudier les draps avec attention. Si je repère une trace noire suspecte, je retire tous les draps pour inspecter la literie. Si je me réveille pendant la nuit, j’allume la lumière pour regarder s’il n’y a pas de punaise dans le lit… Je raconte parfois cette histoire à des gens qui ne me connaissaient pas à l’époque. Ce qui est fou, c’est que beaucoup ont une histoire de punaises de lit : eux-mêmes, leur entourage… Ça rassure un peu. Mais c’est extrêmement stressant, encore aujourd’hui.
Caroline
* Les prénoms ont été modifiés.
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