Profitant de la Paris Fashion Week qui réunit tant de personnes créatives internationales dans la ville Lumière, IKEA a révélé un pop-up à la riche programmation culturelle. En plus d’une exposition photo inédite d’Annie Leibovitz qui a pris des portraits de familles insolites à travers le monde dans le lieu où elles se sentaient le plus chez elle, la photographe a également mentoré de nouveaux talents aussi exposés à cette occasion.
En outre, plusieurs artistes musicaux et table-ronde rythment cet événement baptisé IKEA+ qui se tient du 29 février au 3 mars 2024 au 28 rue de Lappe à Paris. Mais, pour ne pas laisser les fans de mode sur leur faim, en plus d’un espace restauration qui mêle les spécialités culinaires du géant suédois du meuble à la bistronomie française, des stylistes de Casa93 sont aussi de la partie. Six élèves de cette formation gratuite et sans condition de diplôme, basée sur l’upcycling, ont ainsi détourné de leur fonction première plein d’objets IKEA afin de les recycler pour créer un espace à leur image. Selon leurs codes, leur esthétique créative. En résultent six lieux singuliers qui donnent envie de devenir, soi aussi, styliste de son intérieur. C’est pourquoi Madmoizelle a posé quelques questions à la directrice de Casa93 et surtout à trois des six élèves pour tirer des inspirations de cette collab’ dépaysante.
3 questions à Nadine Gonzalez, directrice de la formation mode Casa93
Comment est née cette collab’ à la croisée de la mode et du design entre IKEA et Casa93 ?
IKEA est venu vers nous en décembre 2023, alors qu’on commence plutôt les collaborations extérieures en mars habituellement, ce qui fait que nos jeunes étaient encore tout débutant·e·s. Mais c’est peut-être d’autant plus intéressant de commencer si tôt dans l’année, de réfléchir à l’importance du set-design et au détournement de fournitures, de meubles, d’accessoires, de matière. Surtout pour un événement avec Annie Leibovitz, qui est une légende de la mode. J’avais environ 25 ans quand son shooting façon Alice au Pays des Merveilles est sorti dans le Vogue US de décembre 2003 et ça m’a durablement marquée. C’est exactement le genre de réinterprétation qu’on adore faire dans la mode et qu’on devait faire pour cette collab’ avec IKEA.
En quoi cela booste la créativité pour des élèves de mode de justement travailler sur d’autres champs, au-delà des vêtements ?
Casa93 n’est pas une école de mode classique, et l’un des buts de notre formation, c’est justement d’éviter de formater les élèves. Au contraire, on veut ouvrir leurs champs, cultiver leur personnalité, leurs autres passions, leur curiosité, afin d’élargir leur créativité. Cela peut aussi bien nourrir leur vision de la mode, que leur permettre de s’épanouir dans autre chose, comme le design d’objet déco. Cela entretient aussi leur culture générale. Et la mode se nourrit de toutes les formes d’art. Chacun à son medium de prédilection, mais savoir en manipuler plusieurs permet de gagner en technique, de se révéler peut-être sur autre chose, etc. Parfois, on pense être fait pour la mode, et finalement se découvrir un autre talent, d’autres goûts. Casa93 veut vraiment développer leur identité créative, qu’importe le médium.
Dans quelle mesure l’impact des défilés de mode en général doit aussi beaucoup à leur mise en scène, leur scénographie, leur set design ?
Les défilés marquants, comme ceux de Casa93, doivent aussi beaucoup à la capacité de créer un univers et transporter le public dedans, ce qui peut passer par le set design. Pour leur défilé de fin d’année, nos élèves font non seulement les vêtements, mais aussi la scénographie, la musique, la beauté, tout ! La mode, c’est vraiment 1000 métiers différents, c’est en cela qu’on est une formation créative à 360°. D’ailleurs, quand on fait des vêtements, on est rarement dans le patronage à plat en 2D comme dans une école de technique de couture, mais plutôt dans le travail de moulage en volume, en 3D, ce qui leur permet peut-être de transposer leurs techniques sur d’autres mediums que le vêtement plus facilement, en fonction de leur âme créative.
Le bureau qui déborde de créativité, de Loreny Tanda
« Dans ma vie de tous les jours, je fais beaucoup d’activités, dont du vélo, du roller, beaucoup de dessin, avec une créativité débordante. Entre tout ça, il faut que je m’organise, donc je prends aussi beaucoup de notes. C’est ce fourmillement que j’ai voulu transposer sous la forme de ce bureau plein de croquis, de musiques, de tout ce que je croise sur mes trajets qui m’inspire comme le style des gens par exemple.
Ce challenge avec IKEA m’a appris combien on peut mettre sa créativité au service de choses qu’on ne soupçonnerait pas. Que ce soit dans des vêtements ou du design d’intérieur. C’est même un conseil mode qui pourrait être valable aussi pour décorer chez soi : écouter ce qu’on ressent, sans se soucier des regards et des jugements des gens, mais plutôt en suivant ses passions. »
La cuisine a des yeux, avec Eva-Louisa N’Kie
« À mes yeux, IKEA, c’est une marque que tout le monde connait, on a toustes ou presque quelque chose qui vient de là-bas, donc je trouvais chouette de faire une collab’ avec une enseigne aussi populaire.
Comme mon esthétique repose beaucoup sur l’idée de transformation, j’ai imaginé un espace qui détourne plein d’objets du quotidien de leur fonction première, notamment en les assemblant pour qu’ils deviennent autre chose, comme ces porte-couverts qui deviennent des étagères de rangement modulables. Dans la mode aussi, j’adore détourner les choses, porter des bas en guise de haut, par exemple. Cela permet également de repousser les limites de notre créativité, sans utiliser de nouvelles ressources, ni dépenser trop d’argent, que ce soit dans la mode ou la déco. »
La forêt intérieure et féérique, de Raphale Nahon
« J’ai toujours été passionné par la mode depuis enfant, j’ai commencé dès 10 ans le dessin et la couture, en m’inspirant d’univers féeriques, de dragons, de sirènes, et tout ce qu’on renvoie à l’irréalité, à l’onirique.
J’ai donc voulu créer un espace qui peut sembler irréel et pourtant qui correspond à ma réalité, à partir d’objets IKEA, que j’ai customisés, notamment en faisant ces champignons en laine cardée qui est une technique semblable à celle utilisée pour faire des locks dans les cheveux. J’y ai aussi dissimulé des enceintes qui diffusent des bruits de nature, dont des oiseaux. J’ai voulu donner une impression d’extérieur alors qu’on se trouve à l’intérieur, avec cette abondance de plantes pour dépolluer l’air domestique. C’est un espace de respiration, car la végétation, c’est le poumon de la Terre.
Mon espace peut être perçue comme relativement artificielle, mais ça correspond à ma vraie personnalité, j’adore notamment porter des perruques de toutes les couleurs. Si je m’étais arrêtée au harcèlement scolaire que j’ai subi au collège, je ne serais pas à Casa93 aujourd’hui, alors je trouve qu’être fidèle à soi-même, qu’importe ce que pensent les gens, c’est fondamental pour l’épanouissement de sa créativité, que ce soit pour s’habiller et décorer chez soi, et donc se sentir bien dans sa peau. »
IKEA+ se tient du 29 février au 3 mars 2024 au 28 rue de Lappe à Paris.
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