Retrouvez l’actualité du « procès Pussy Riot » en fin d’article.
Le 1er octobre 2012
Les Pussy Riot, c’est avant tout un collectif composé en tout d’une petite trentaine de personnes (une partie s’occupant de l’aspect artistique, une autre de la logistique) qui a organisé des performances non autorisées visant à promouvoir les droits des femmes.
En 2012, à l’occasion des élections en Russie, le groupe organise des happenings pour s’opposer à la réélection de Vladimir Poutine, participant alors à leur manière au mouvement de protestation contre le symbole du régime que représente l’homme d’État.
S’inspirant du groupe Bikini Kill et du mouvement Riot Grrrl dont Lady Dylan vous a parlé cet été, les Pussy Riot, vêtues de robes et de cagoules colorées qui cachent leur visage, font principalement passer leurs messages au travers de chansons punk aux paroles simples.
En 2012, trois membres des Pussy Riot sont placées en détention provisoire pour avoir chanté une prière anti-Poutine dans la Cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou.
Quelques mois plus tard, le 17 août, Nadejda Tolokonnikova, Ekaterina Samoutsevitch et Maria Alekhina sont condamnées à 2 ans de rétention dans un camp de travail et décident de faire appel dix jours plus tard.
Retour sur cette affaire dont les rebondissements ont rythmé l’été.
Le jour où tout a basculé pour les Pussy Riot
L’histoire a véritablement commencé le 21 février 2012 dans la cathédrale du Christ-Sauveur. Cagoulées, cinq membres des Pussy Riot entonnent une prière anti-Poutine :
Comme une poignée de lectrices parle russe et que moi-même maîtrise cette langue à peu près aussi bien que la recette du pot-au-feu, disons que l’essentiel des paroles du morceau peut se résumer en ces quelques mots :
« Sainte-Marie mère de Dieu, deviens féministe. Sainte-Marie mère de Dieu, chasse Poutine. Merde, merde, merde du Seigneur (ad lib) »
Deux des membres des Pussy Riot s’étant enfuies à la suite de ce happening afin d’échapper aux poursuites judiciaires, seules trois d’entre elles sont arrêtées et risquent jusqu’à 7 ans d’emprisonnement pour « incitation à la haine religieuse » et « hooliganisme ».
Les Pussy Riot, symboles en Russie
Leur procès, très médiatisé de par le monde, débute fin juillet.
Cette affaire devient un évènement majeur dans la Russie d’aujourd’hui : une action en apparence purement provocatrice, un mouvement d’opposition au régime aussi disparate et mal organisé que la répression est féroce, un happening que les plus croyants jugent totalement blasphématoire, une mobilisation internationale et une peine jugée disproportionnée.
Tous les éléments sont réunis pour faire de cette affaire judiciaire un carton médiatique.
Les Pussy Riot divisent l’opinion en Russie
En Russie, l’opinion publique est divisée.
D’un côté, la ferveur religieuse dans un pays où 60% de la population déclare faire confiance à l’église orthodoxe (selon une étude de Public Opinion Foundation) amène bon nombre de citoyens à s’insurger contre la prière punk des Pussy Riot qu’ils jugent être purement blasphématoire.
De l’autre, les opposants au régime de Poutine, les anti-corruption et de nombreuses personnalités jugent leur maintien en détention disproportionné par rapport à leur(s) action(s).
Le chef de l’État lui-même déclare lors d’une visite à Londres que s’il n’y avait « rien de bon » dans le happening des Pussy Riot, elles ne devaient pourtant pas être jugées trop sévèrement.
Les Pussy Riot font réagir à travers le monde
À l’international, de nombreuses stars et personnalités du milieu politique se sont insurgées contre cette condamnation.
Des associations des droits de l’homme à nombre de gouvernements occidentaux, des Red Hot Chili Peppers à Madonna en passant par Najat Vallaud-Belkacem, notre ministre des droits des femmes qui déclare le 17 août sur son compte Twitter que « l’impertinence ne devrait jamais amener en prison », les personnalités publiques n’ont pas hésité à donner leur avis sur la question.
Les Pussy Riot condamnées
De par le monde, des manifestations de soutien au Pussy Riot ont été organisées, ce qui n’a pas fait céder la justice russe.
Elle a condamné les trois jeunes femmes à 2 ans de camp de travail pour vandalisme motivé par la haine religieuse le 17 août dernier.
Le 8 août dernier, un texte écrit par Maria Alekhina prouvait à la communauté internationale que quelques mois d’emprisonnement ne sont pas venus à bout de la conviction des Pussy Riot (certains passages sont disponibles sur les Inrocks grâce à la traduction d’Helmut Brent) :
« Et je n’ai pas peur de vous. Je n’ai pas peur du mensonge, je n’ai pas peur de la fiction, je n’ai pas peur de cette mystification mal fagotée, je n’ai pas peur du verdict de ce prétendu tribunal.
Parce que vous ne pouvez me priver que d’une prétendue liberté. C’est la seule qui existe sur le territoire de la Fédération de Russie. Ma liberté intérieure, personne ne pourra me l’enlever. »
Le procès en appel des Pussy Riot : à quoi peuvent-elles s’attendre ?
Dix jours après l’issue de leur procès, les trois Pussy Riot ont refusé de réclamer la grâce présidentielle (on comprend en effet que ce serait tout à fait éloigné de leur combat contre le régime de Vladimir Poutine).
En revanche, elles ont fait appel au jugement et le procès démarrera le 1er octobre prochain. Mais peuvent-elles s’attendre à un allègement de leur peine ?
Le 12 septembre dernier, Dmitri Medvedev, ancien président russe et actuel premier ministre, s’est prononcé en faveur d’une libération des trois jeunes femmes lors d’une conférence de presse, et ce malgré tout le mal qu’il pense de leur happening.
Le Nouvel Observateur le cite :
« La prolongation de l’incarcération (des trois jeunes femmes) (…) me semble improductive. Une condamnation à un emprisonnement avec sursis (…) serait entièrement suffisante. »
Si vous souhaitez en savoir encore un peu plus sur l’affaire Pussy Riot, voici une petite sélection d’articles ou de billets de blog parfois partiaux mais dont les points de vue sont particulièrement intéressants à prendre en compte.
- Pour Le Plus, Frédéric Debaumy – auteur de l’essai Résistance. Pour une Birmanie libre – liste trois leçons à tirer de l’affaire des Pussy Riot,
- Ce papier d’Ilya Boutraïskis (traduit du russe par Mathilde Dugauquier) apporte un autre point de vue sur le même sujet,
- Un décryptage d’Alexandre Latsa, blogueur résidant en Russie qui se demande si L’Occident n’est pas trop indulgent vis-à-vis des trois membres des Pussy Riot.
Les Pussy Riot libérées
Après la condamnation de trois Pussy Riot à deux ans d’emprisonnement en camp de travail, l’opinion publique s’est mobilisée et les choses ont changé.
Une première Pussy Riot a été libérée
Le 10 octobre 2012
Le procès en appel a repris et nous savons désormais que l’une des trois Pussy Riot a été libérée et a vu sa peine muter en condamnation avec sursis.
En effet, Ekaterina Samoutsevitch n’était pas sur les lieux au moment de la prière punk puisqu’elle avait été interpellée quelques instants avant le début du
happening.
Maria Alekhina et Nadejda Tolokonnikova restent quant à elles condamnées sans changement dans leur peine.
Deux Pussy Riot amnistiées
Le 23 décembre 2013
Une loi d’amnistie a été votée en Russie, libérant quelques 20 000 prisonniers correspondants à ses critères.
Les deux Pussy Riot condamnées à deux ans d’emprisonnement font partie des amnistiées, car elles ont des enfants en bas âge. L’une a d’ores et déjà été libérée, la deuxième devrait l’être dans les jours à venir.
Maria Alyokhina s’est exprimée au micro de The Guardian, dénonçant une opération de communication de Vladimir Poutine :
« Je comptais refuser ma libération anticipée. Mais ils avaient reçu des ordres, j’ai donc été amenée ici. »
Et le père de la jeune femme dénonce clairement l’opération médiatique, savamment orchestrée à quelques semaines de l’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver :
« C’est un jeu absolument cynique de la part des autorités centrales »
En effet, cette loi d’amnistie met également fin à la sentence d’une trentaine d’activistes de Greenpeace, dont l’emprisonnement reste un point de tension avec les démocraties de l’Europe de l’Ouest.
Cette libération de prisonniers politiques intervient quelques jours après l’annonce des dirigeants français et allemands de leur décision de ne pas assister à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Sotchi.
On doute que cette opération de communication suffise à faire oublier la répression homophobe qui continue de sévir en Russie :
- Homosexualité en Russie et JO : qu’adviendra-t-il des sportifs homosexuels ?
- JO de Sotchi et homophobie : l’inquiétude monte
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Ah bin tu m'as devancée, c'est ce que j'allais écrire. Effectivement, certains voient ça comme un blasphème, c'est au contraire pour montrer comment l'Eglise se souille elle-même de l'intérieur, en soutenant ce pouvoir liberticide et cette organisation semi-mafieuse.
Sinon j'aimerai juste soulever un point à débattre, notamment avec les madz qui pensent que ce n'est pas super futée de provoquer de cette manière. N'oubliez pas qu'en Russie, des journalistes meurent "mystérieusement" (et assez violemment d'ailleurs) pour avoir exercer leur droit de parole, via leurs écrits, leurs reportages, leurs investigations, sans provoquer de manière puérile, juste en exposant des faits. Quand un état commence à bâillonner ces personnes, qui ne font que leur travail, de manière neutre, comment réagir alors ?! En continuant à faire passer de gentils petits tracts ?! En faisant signer des pétitions ?! Il arrive un moment où les actions chocs sont nécessaires, dans la mesure où elles sont portées avec intelligence. Selon moi, les Pussy Riots n'ont pas fait leur happening en toute inconscience, ce travail était réfléchi, fort et lourd de sens, et il est très facile de juger de cette action dans un pays où l'on peut s'exprimer (presque) librement (je dis "presque", car malheureusement la France n'est pas dans le top 10 des pays où la liberté de la presse est totale)