Non non, nous ne sommes pas de retour 20 ans en arrière, en mai 1994, année où le grand réalisateur Quentin Tarantino recevait sa première Palme d’Or au Festival de Cannes. Même si j’aurais rêvé de vivre cette scène, durant la cérémonie de remise des prix, où Tarantino a gratifié une personne le huant d’un magnifique doigt d’honneur, je ne pouvais pas : je n’étais même pas encore née.
Quel punk, ce Quentin
Mais cette année, en cette 67ème édition du Festival Internatinal du Film à Cannes, le plus beau des rêves s’est réalisé.
Je suis en étude de BTS Audiovisuel et mon chef des travaux, qu’il faut nommer pour l’exploit, Monsieur Gérard Camy, est aussi directeur de Cannes Cinéma et du Cinéma de la Plage.
Mais vous me direz : qu’est-ce que le Cinéma de la Plage ? Il s’agit d’une institution du Festival de Cannes mise en place en 2002 à la plage Macé (en face du Palais des Festivals), sous l’initiative de Thierry Frémaux et Gérard Camy, le but étant bien évidemment de rendre une projection « gratuite et accessible au plus grand nombre, dans l’optique de faire découvrir des films classiques au grand public ».
Objectif atteint, si l’on peut dire, car, grâce à ce grand homme du cinéma local, nous avons assisté ce soir, en ce vendredi 24 mai 2014, à la projection exclusive de Pulp Fiction du Quentin Tarantino, en sa présence, projeté en 35mm, sur la plage.
Cette succession de réminiscence divine me font frémir à nouveau. Le film a été annoncé dans le programme du Festival, sans trop de surprise (un anniversaire pareil, ça se fête !).
Mais quelle fut notre surprise lorsque mes camarades et moi avons entendu de la bouche de notre chef des travaux que Tarantino, Uma Thurman et John Travolta devaient venir présenter la séance. À peine avais-je entendu cela que ma décision était prise : j’irai. Et en avance !
Car même si la venue de ces grandes stars devait être secrète, l’information se répandit comme une trainée de poudre. Bon, je l’avoue, j’y ai un peu contribué, tant mon excitation était forte et que je me sentais obligée d’en parler à tout le monde.
Mais cela m’a renforcé dans mon idée de réaliser un véritable plan de guerre pour organiser cette soirée. Certains éléments étaient indispensables :
- les petites baskets pour ne pas avoir des problèmes de sable dans les chaussures,
- un jean pour ne pas avoir froid (le film étant projeté de nuit évidemment, pour avoir la même illusion que la salle sombre de cinéma, mais les étoiles en plus)
- et surtout… Mon DVD édition collector de Pulp Fiction et un marqueur pour me le faire dédicacer si j’arrivais à sauter aux pieds de mon idole.
Car oui, il peut être judicieux de noter que Tarantino est l’un de mes réalisateurs favoris et que Pulp Fiction est mon film préféré sur Terre, cela renforce mon côté hargneux pendant cette soirée.
Cette dernière a donc commencé à 19h. Le film étant prévu pour 21h30, et son succès n’étant plus un sujet de discussion, il fallait absolument arriver en avance. ET J’AI BIEN FAIT ! Parce que même avec 2h30 d’avance, j’avais déjà au moins 50 personnes devant moi. L’attente fut très longue, mais la conviction de voir ce grand réalisateur réchauffait les cœurs (et les aisselles pour certains, mais ceci est une triste aventure olfactive…).
Finalement, à 20h30, les grilles se sont ouvertes pour nous laisser entrer dans la zone des sièges. Ou devrais-je dire dans « l’arène des fauves ».
Première étape en entrant : la vérification des sacs, la nourriture étant interdite. Pourquoi ? Parce que leur vendeur de chouquette savait sans doute qu’il ferait son chiffre de l’année ce soir-là (et ce fut évidemment le cas).
Deuxième étape : la récupération des couvertures. Car OUI ! Le cinéma de la Plage est le meilleur du monde car il fournit des couvertures en polaire (bleu ou blanche au choix) à tout le monde. Heureusement pour moi, j’étais dans les premières, donc pas trop d’inquiétude pour l’avoir.
Et enfin, troisième étape et pas des moindres : trouver la place. Parce qu’avec un débit de 15 personnes entrant toutes les 30 secondes, ça fait quand même beaucoup de places qui partent rapidement. Encore heureusement pour moi, nous avons trouvé avec mon ami une rangée vide, sur la colonne de droite mais plutôt bien placée.
Alors oui, il faut vous expliquer le merveilleux fonctionnement de la plage.
Sur le sable, 600 transats avec le logo du Festival étendus en trois colonnes. Les trois premiers rangs devant la scène de chaque colonne sont réservés aux stars (j’ai même pu voir le joli monsieur aux yeux bleus qui joue dans Le Diable s’habille en Prada
).
Ensuite, ce sont les gens normaux. Normalement, avec mon BTS, lorsqu’il s’agit d’une séance de Cinéma de la Plage plus calme, nous avons ces rangs-là réservés pour nous. Mais pour l’occasion, pas possible. Enfin, sur une structure métallique installée sur une partie de la plage et le début de la mer : l’écran.
Une petite scène amorce cet écran gigantesque et ces nombreuses barres de son. Et tout cela, dans un décor idyllique, juché entre le Palais des Festivals et les plages privées de la Croisette.
Revenons donc au film. Nous attendons encore une heure, pour que ce cher monsieur Camy monte sur la scène et nous annonce que l’équipe du film va bientôt arriver.
Cependant, il nous met en garde et nous demande très expressément de ne pas créer un mouvement de foule devant l’équipe pour ne pas trop leur faire peur. Il est vrai que 600 fans de Tarantino lui tombant dessus, ça ne serait pas très sympa …
Une fois cette annonce faite, nous attendons. Encore. Jusqu’à ce que, finalement, un bruit se fasse entendre. Des applaudissements. Derrière nous, là par où nous avions fait la queue, ils arrivent. Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, monte sur scène pour annoncer l’arrivée de l’équipe. Au loin, une tête éclairée.
Frémaux annonce Tarantino, qui se précipite avec une dégaine de fou furieux sur la scène, ne laissant à personne le temps de prendre des photos. Une fois sur scène, en véritable showman, il improvise un petit discours enragé, s’emportant majestueusement dans ses paroles qu’il accompagne de grands gestes des mains.
Il invite Uma Thurman et John Travolta à venir le rejoindre tour à tour sur scène, puis Lawrence Bender, le producteur du film. Et voilà que private jokes et rigolades fusent sur scène : une vraie bande de potes.
D’un coup, Tarantino demande « Who has already seen the movie Pulp Fiction ? » ; quasiment tout le monde lève la main en criant ; il enchaîne « Who has never seen it ? » ; quelques mains se lèvent et huée générale (accompagné par la réalisateur !) ; enfin « Who has already seen the movie on a beach ? » ; grand silence, forcément.
On a donc le droit à un vrai monologue de Tarantino, qui ne laisse que très peu la parole à ses acteurs qui, à première vue, n’ont pas très envie de parler. Tant mieux, le réalisateur a des choses à dire.
Finalement, il descend de scène, créant un véritable mouvement de foule, tout le monde voulant l’approcher. Dans un coin, un homme commence à distribuer des pizzas aux gens et tout le monde peut venir se servir. Pour ma part, j’ai eu deux paquets de cacahuètes, j’étais contente. Enfin, les gens se calment et regagnent leurs places. Le film commence.
Évidemment, comme de coutume au Festival, le logo avec la Palme est applaudi à tout rompre. Ensuite, ce sont aux logos des productions d’être ovationnés. Enfin, le nom du réalisateur gagne tous les cœurs. Le film en entier est applaudi à chaque moment épique et à chaque punchline connue.
Quand on aime un film, on ne le voit pas passer. 2h34, ça passe vite quand on aime. Fin de la projection, avec une qualité 35mm incomparable (Tarantino en parlait lui-même dans sa conférence de presse du matin), les lumières se rallument, standing ovation.
Normal quand on montre un chef d’œuvre à Cannes. Les gens commencent à s’amasser vers l’endroit où se trouve Tarantino qui, après avoir assisté à tout le film, fend la foule en délire. De ce passage-là, je n’aurais pas grand-chose à dire, puisqu’il était invisible au milieu des centaines de personnes qui l’entouraient.
Personnellement, je regardais le générique de fin, faute de mieux, entendant les gens hurler le nom du réalisateur pour qu’ils l’approchent. Malheureusement, les gardes du corps ne le permettaient pas. Aussi vite qu’il était arrivé, Quentin Tarantino avait disparu de la plage, de sa projection, du rêve qu’il venait de nous faire partager.
Car pour beaucoup de personnes cette soirée fut un rêve réalisé. Pour une fois à Cannes, un réalisateur se rendait accessible, amusant, près des gens. La sécurité du Festival, elle, reste la même, mais nous saurons toucher ceux que nous admirons : avec nos cœurs.
(Merci à monsieur Gérard Camy qui a été un grand homme pour notre promo du BTS AV et qui continuera, nous l’espérons tous, à permettre aux gens de rêver.)
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Tarantino est mon réalisateur préféré, Pulp Fiction mon film préféré, et voir ce film, en présence de Tarantino (Et de Tim Roth et Harvey Keithel) c'était un moment magique
La projection était faite en 35mm, sur demande de Tarantino c'était trop cool!
Et il nous a aussi fait le coup de « Who has already seen the movie Pulp Fiction ? » en enchainant avec "Who has seen it Twice? " jusqu'à 5