Précédemment dans #62jours : La confiance est un muscle qui se travaille
J’ai un rapport complexe au sport. D’un côté j’adore le jeu, la dimension ludique des activités de plein air ou des sports collectifs. J’aime aussi la compétition et l’idée du dépassement de soi.
Mais d’un autre côté, je m’épuise vite et me décourage encore plus rapidement. Je me blesse (trop) souvent et mes progrès sont toujours trop lents à mon goût. Je m’impatiente et j’abandonne.
On n’oublie pas mes prouesses en snowboard.
Avec le sport comme avec tout ce que j’entreprends dans la vie, trouver un sens est primordial. Pourquoi faire une activité physique ?
Tant que je n’aurai pas la réponse à cette question, des réponses, je me retrouverai systématiquement à abandonner en cours de route.
Si tu perds ton cap, à quoi bon continuer ?
Pourquoi faire du sport ?
Au cours des réflexions que je déroule à partir de l’idée « devenir une meilleure version de moi-même », je m’interroge forcément sur mon physique.
Non pas mon apparence, mais ma condition physique. J’ai fait la paix avec mon apparence il y a bien longtemps, et j’ai toujours la conviction aujourd’hui que lorsque je me sens mal dans ma peau, ce n’est pas avec mon apparence que j’ai un problème mais avec le regard des autres — ce qui n’est pas le même problème ! (J’y reviendrai).
La question que je me pose, c’est : à quoi ça sert d’affûter mon esprit, me préparer mentalement à déplacer des montagnes… si mes jambes ne suivent pas ?
Pour reformuler de façon encore plus directe : à quoi ça sert d’installer un super module de pilotage… si les moteurs sont chancelants ? Je ne réussirais pas à pousser la machine alors…
La puissance du corps et celle de l’esprit, deux salles deux ambiances ?
En y réfléchissant, cette différence de puissance, de potentiel entre ma tête et mon corps, c’est un boulet que je traîne depuis bien longtemps.
Sur les bancs de l’école, j’ai longuement développé mes capacités cérébrales, mais très peu ma condition physique.
Plus j’avançais dans les classes, moins il y avait de place pour le sport, moins j’arrivais à en faire. Parce qu’au bout de 8h de cours, c’est simple : je suis épuisée.
Plus exactement mon cerveau est épuisé, donc « on » — mon corps et ma tête — va se reposer.
Sauf que mon corps n’est pas du tout épuisé, bien au contraire : il a passé 8h assis à une table, et il n’a qu’une seule envie, c’est de bouger, de dépenser de l’énergie.
J’ai retrouvé exactement la même frustration lors de mon entrée dans la vie professionnelle. La différence d’avec l’école, c’est qu’au moins, à « la sonnerie de fin de journée », je n’avais pas de devoirs à faire pour le lendemain.
C’est comme ça que je me suis remise au sport : pour me défouler après le boulot, puis c’est devenu avant le boulot, parce que j’étais retombée dans ce cercle vicieux de l’épuisement cérébral.
Mais aujourd’hui je suis épanouie dans mon job, alors j’ai aussi perdu cette fonction « défouloir » du sport. C’est toujours aussi plaisant, mais ce n’est plus nécessaire.
Alors, je bouge en dilettante, quand l’envie me prend, quand les vacances reviennent…
Je veux être puissante, pour gravir des montagnes
Mais j’en reviens à mon problème de départ : puisque le sport a perdu sa nécessité à mes yeux, le sens que je lui donnais, je n’arrive plus à en faire régulièrement.
Ce faisant, ma condition physique se détériore.
Et je veux mettre un terme à ce cercle vicieux, parce que j’ai de trop grands projets pour ce petit corps trop faible.
Je n’ai pas besoin de soulever des montagnes, je veux juste les gravir, pour atteindre les sommets. Ça vaut littéralement pour mes voyages estivaux, mas ça vaut aussi métaphoriquement, pour tous les projets que j’entreprends.
Le piège de la vie sédentaire, ce sont toutes les béquilles du quotidien. Les ascenseurs pour trois étages, les escaliers roulants, tous les achats qu’on te livre et que tu ne portes pas, que tu ne vas même plus chercher parce qu’en 3 clics emballé c’est pesé facturé bientôt livré. Et c’est tant mieux, quel gain de temps !
Un temps que je veux réinvestir dans des activités physiques, pour développer ma puissance.
Je veux être puissante, pour les sensations que j’y gagne
Cinq jours à 6 heures de marche et je suis déjà métamorphosée. C’est comme si j’avais réactivé les muscles de mes jambes, redécouvert une puissance que j’avais oubliée. Et ça m’agace de sentir mon souffle si laborieux.
Je sens que la machine a du potentiel, mais le moteur lutte encore trop et les rouages grincent par endroits.
Il y a un sérieux travail de maintenance à faire, et à tenir sur la durée, pour que toute cette mécanique atteigne son potentiel. J’en parle comme d’une épreuve, mais je m’en réjouis déjà : j’adore les sensations du corps qui travaille.
J’adore la chaleur des muscles qui s’étirent et se contractent pour dessiner les mouvements, retenir les articulations, préciser, affiner les appuis pour assurer l’équilibre, jusque dans les situations les plus précaires.
J’adore la sensation de mon dos qui se dresse tout seul, naturellement déployé comme une voile qui prend le vent.
J’adore sentir chaque inspiration comme un souffle sur les braises au point d’une combustion, et la sensation du moteur qui lâche sa puissance à travers tous mes membres.
On s’en fout d’être essoufflée en montant des escaliers, pas vrai ? On n’a qu’à prendre l’ascenseur. Sauf qu’il n’y a pas d’ascenseur pour les sommets, au sens propre comme au sens figuré.
Les hauteurs sont la récompense des audacieux et des persévérants, ceux qui souffrent et ceux qui suent à l’attaque des flancs, seuls ou en cordée.
Je veux être de ceux-là. Ils ne sont pas nés puissants, il le sont devenus, à force d’entraînement.
J’ai enfin trouvé un sens à ma pratique sportive : je veux être puissante, pour gravir des montagnes et atteindre des sommets.
Je veux être puissante, pour que la mécanique du corps soit enfin alignée sur celle de mon esprit.
Je veux être puissante, pour que mon corps devienne non plus le boulet, mais l’allié de mon esprit.
Je veux être puissante, pour dépasser les obstacles que je ne peux pas déplacer, ni contourner.
Je veux être puissante, parce que je suis fatiguée d’être fatiguée, alors que j’ai tant d’envies et d’énergies à convertir.
Et je sais comment faire, désormais : persévérer jusqu’au taquet de l’effort, et pousser au-delà, jusqu’à ce que la souffrance se mue en plaisir. Puis recommencer.
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