Que se passe-t-il quand une publicité féministe est diffusée au Super Bowl 2017 ?

La publicité est un médium créé pour vendre, mais parfois le message dépasse le produit vanté.

Le Super Bowl a eu lieu le 5 février dernier et, comme chaque année, c’était l’occasion pour les grandes entreprises de marquer les esprits du public — très nombreux à suivre l’événement — avec des spots.

À lire aussi : La pub du Super Bowl « trop politique » pour la FOX n’est pas aussi progressiste qu’elle n’y paraît

L’une des publicités qui a le plus tourné depuis la compétition s’intitule Daughter (comprenez : Ma fille) et promeut la marque de voiture Audi.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle remue.

Le spot d’Audi pour le Super Bowl est féministe (et ça fait du bien)

La vidéo est en anglais mais je vous propose une traduction du texte en dessous.

https://www.youtube.com/watch?v=G6u10YPk_34

« Que dois-je dire à ma fille ?

Dois-je lui dire que son grand-père vaut plus que sa grand-mère ? Que son père vaut plus que sa mère ?

Dois-je lui dire que malgré son niveau d’éducation, sa conduite, ses compétences et son intelligence, elle sera automatiquement considérée comme moins douée que les hommes qu’elle rencontrera ?

Ou peut-être que je serais capable de lui dire quelque chose de différent.

Audi s’est engagé en Amérique pour l’égalité salariale. Le progrès concerne tout le monde. »

Le spot féministe d’Audi fait polémique

Je vais être honnête, je trouve toujours dérangeant de vanter à tout prix une publicité. Cependant, ici, force est de constater que le spot m’a bien plu.

C’est sans doute la raison qui m’a poussée à être surprise quand j’ai vu que le nombre de J’aime pas écrasait le nombre de J’aime.

Capture faite au moment de l’écriture de cet article

Alors j’ai voulu comprendre ce qui ne passait pas. Je suis allée faire un tour au niveau des commentaires, et j’ai tout de suite compris.

Je ne parle pas d’un ou de deux commentaires négatifs, mais bel et bien d’un nombre incalculable de messages haineux, eux-mêmes aimés par des centaines de personnes.

« Cette publicité m’a aidé à prendre la décision de ne pas acheter d’Audi. »

Ah, et pourquoi donc ?

« Cette pub est intégralement basée sur un mensonge »

Les commentaires montrent que de nombreuses personnes ne comprennent pas le message. Pour elles, les femmes ne souffrent pas de sexisme et l’écart salarial n’existe pas.

 « Ce que je trouve fou c’est que cette pub est basée sur un mensonge. Les femmes ne gagnent pas moins que les hommes. C’est de la propagande totale. »

« Vous pourriez dire à votre fille la vérité. Que l’inégalité salariale est un mythe. »

J’aimerais bien moi aussi, dire qu’il s’agit d’un mythe. Sauf que ce n’est pas le cas. Je vous renvoie à cet article de Chloé P. qui explique très bien la question.

Et puis au-delà du salaire, dans le monde professionnel, y a ces remarques sexistes que je continue à entendre. Ces fois où l’on ne m’a pas prise au sérieux alors que j’avais les mêmes résultats que mes camarades masculins. Il y a ce harcèlement de rue qui n’en finit pas.

Du sexisme à la xénophobie et au racisme

Et puis, le feu d’artifice de la haine continue.

De nombreuses personnes pointent du doigt avec plus ou moins de subtilité les autres, comprenez les musulman•es et les non-Américain•es (les deux groupes étant probablement confondus). 

« Dites à votre fille qu’elle est chanceuse d’être née en Amérique. Les gens de chez Audi sont vraiment des cons. »

« C’est quoi ça ? Une publicité anti-musulmans ? »

« À quel public cette publicité est dédiée ? Pourquoi diriez-vous à votre fille qu’elle vaut moins qu’un homme ? Mis à part si vous vivez dans un pays musulman, bien entendu. Ou en Chine. Mais en occident, sérieux ? »

Bien entendu, je ne dis pas que le sexisme n’existe pas ailleurs, ni même qu’il est moins fort. Il est à condamner partout. Et quand je dis partout, cela inclut aussi le monde occidental.

À lire aussi : Je suis arabe et je ne vous veux aucun mal.

La paille et la poutre du sexisme, un concept pas si récent

Je me permets de citer cet article de Clémence Bodoc sur une affaire qui avait secoué la France en juillet 2015.

À l’époque, une jeune femme en bikini avait été agressée dans un parc à Reims par une bande de filles. De nombreux médias avaient relayés l’affaire en la justifiant par un motif religieux, les agresseuses étant de confession musulmane. Sauf que non, la religion n’avait rien à voir dedans.

Cet article rappelait au passage le concept très simple de la paille dans l’œil de son voisin sans voir la poutre dans le sien…

« C’est génial de vous voir tous aussi mobilisés pour la défense des droits des femmes, vraiment ! Ah non, pardon, vous c’est plutôt « la lutte contre l’islamisation de la société ».

Celles et ceux qui montent au créneau « contre le voile » et contre « les jupes trop longues », on ne vous entend pas trop gueuler pour la liberté de porter « des jupes trop courtes ».

J’ai un scoop pour tous les auto-proclamés combattants des « morales liberticides » : attention à la poutre qui déforme votre jugement. Sachez que la France n’a pas attendu l’Islam pour découvrir les injonctions religieuses moralisatrices liberticides, on en a PLEIN dans notre belle culture de « tradition catholique », et en plus, c’est exactement les mêmes que dans l’Islam ! »

Prenons-en de la graine. Ne soyons pas aveugle sur l’état actuel de la société. Le sexisme est partout.