Dans les jours précédents, Dove a été au cœur d’une tempête de critiques.
En cause, une publicité jugée raciste par de très nombreuses personnes qui ont exprimé leur colère sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook.
Mais en creusant un peu, il s’avère que la polémique n’avait peut-être pas des fondations aussi solides qu’il n’y paraît…
La publicité Dove taxée de racisme
L’extrait de la publicité qui a mis le feu aux poudres montre une femme noire enlevant son haut et se transformant en femme blanche.
On lui reproche d’utiliser un cliché raciste selon lequel la peau blanche serait plus propre et désirable qu’une peau noire.
C’est Naomi Blake, une make up artiste américaine, qui a contribué à rendre l’image publique, notamment en y apposant le nom de son compte Twitter (désactivé depuis).
L’image a énormément circulé et Dove a fini par s’excuser puis retirer la publicité. La marque a déclaré :
« Une image que nous avons récemment postée sur Facebook n’a pas réussi à représenter de façon pertinentes les femmes de couleur. Nous regrettons l’offense qu’elle a causée. »
Cependant, d’autres voix se sont élevées. L’image ci-dessus n’est en effet qu’un extrait de la pub incriminée, qui présente en réalité plus de deux femmes.
Il s’agit d’une publicité Facebook durant 13 secondes, elle-même extraite d’un spot télé de 30 secondes.
La femme à la peau blanche se change, elle aussi, en une mannequin aux cheveux noirs et à la peau brune. A priori, le message n’est donc pas que le blanc c’est mieux… mais que les produits Dove conviennent à toutes les carnations.
La légende, d’ailleurs, ne parle ni de propreté, ni de belle peau :
« Prêt·e pour une douche Dove ? Sans sulfates et avec des agents doux, notre bain douche est très bien noté par les dermatologues. »
La mannequin noire de la pub Dove s’exprime
La mannequin noire de cette pub Dove est Lola Ogunyemi, une danseuse originaire de Londres et vivant à Atlanta. Elle a écrit une longue lettre ouverte dans le Guardian, intitulée Je suis la femme dans la pub Dove « raciste ». Je ne suis pas une victime.
Elle explique avoir développé des complexes liés à sa couleur de peau :
« Dès mon plus jeune âge, on m’a dit « Tu es si jolie… pour une fille à la peau noire ». […]
En grandissant, j’ai pris conscience du mantra sociétal selon lequel les gens à la peau noire, surtout les femmes, seraient plus attirant•es si leur peau était plus claire ».
À lire aussi : Comprendre le racisme ordinaire en six leçons
Et c’est précisément une des raisons pour lesquelles elle a accepté d’apparaître dans une publicité Dove.
« […] C’est pour ça que quand Dove m’a proposé d’être le visage d’une nouvelle campagne pour un bain douche, j’ai sauté sur l’occasion.
Avoir l’opportunité de représenter mes sœurs à la peau noire via une marque internationale de cosmétiques semblait être un moyen idéal de rappeler au monde que nous sommes là, nous sommes belles, et plus important encore, nous sommes reconnues. »
Fascinante performance de Lola Ogunyemi
Un matin, Lola s’est réveillée avec des messages lui demandant si c’était bien elle dans « la pub Dove raciste ». La voilà en première page de résultats Google Images pour « racist ad ».
Lola avait pourtant apprécié la publicité, et son entourage aussi. Elle était la première mannequin à y apparaître, avec un message disant que sa peau était « 20% sèche, 80% rayonnante ».
« Si j’avais la moindre raison de penser que je serais présentée comme inférieure […] j’aurais été la première à dire clairement « non ». […]
Ça aurait été à l’encontre de tout ce que je crois et défends. »
Lola est consciente des stéréotypes racistes utilisés dans le passé par des marques de cosmétiques, qui ont créé un climat de méfiance et ont mené des personnes à trouver cette pub raciste en se basant sur un unique extrait, comme celui-ci :
La jeune femme rappelle cependant que la pub en question n’a pas été considérée dans son intégralité, et termine avec une conclusion selon moi pleine de bon sens :
« Je suis d’accord avec le fait que Dove s’excuse, mais ils auraient pu défendre leur vision créative, leur choix de m’inclure, moi, une femme noire à la peau sombre, en tant que visage de leur campagne.
Je ne suis pas juste la victime silencieuse d’une campagne de beauté ratée. Je suis forte. Je suis belle, et je ne me laisserai pas effacer. »
Les enseignements de la polémique autour de la publicité Dove
Je pense que cette histoire est à la fois un reflet équivoque de l’air du temps et une source d’enseignements.
Sur Internet, plus encore que dans les médias « classiques », tout peut circuler. Du vrai, du moins vrai, du tronqué, du carrément faux, du mal sourcé, du sorti de son contexte…
La polémique autour de la pub Dove se basait sur la moitié du message. C’est comme si on coupait une phrase au milieu et qu’on la jugeait comme un discours entier.
Les fake news sont de plus en plus répandues et relayées, au point qu’on a vu en France des cours de fact-checking en CM2 !
À mon sens, s’il faut retenir une chose de cette polémique, c’est de toujours vérifier ce qu’on relaie. Remonter à la source — et pas une capture avec un @ Twitter apposé dessus, non, la vraie source.
Chercher si le contenu est vérifié, s’il vient bien de là où il est censé venir, s’il n’est pas tronqué, parodique, s’il s’inscrit dans un contexte plus large, voir qui l’a relayé, avec quel message…
À lire aussi : Comment reconnaître un article ironique sur Internet ? Le tuto tout simple !
Il y a honnêtement, et malheureusement, assez de contenus racistes, sexistes, homophobes, discriminants dans le monde pour ne pas avoir besoin d’en « inventer » en tronquant des images visant à promouvoir la diversité.
L’autre enseignement, c’est de demander directement l’avis des producteurs / acteurs du contenu. La conclusion de Lola Ogunyemi résonne : « Je ne suis pas une victime, je ne me laisserai pas effacer ».
Ne faisons pas d’autres personnes des victimes d’oppression sans leur demander leur avis. Écoutons toutes les voix. Vérifions nos sources. Ne participons pas au climat général de méfiance et de bashing.
Nous qui luttons pour l’égalité, n’utilisons pas la même malhonnêteté intellectuelle, les mêmes méthodes douteuses que nos opposant·es. Soyons irréprochables, et un jour nous serons vainqueurs.
Mic drop.
À lire aussi : Leçon de savoir-vivre sur Internet par une jeune femme Sikh
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
et par ailleurs la marque barilla a peut-être perdu des clients sans que ça se voie, vu qu'ils ont aussi diversifié leurs produits et vendent des pâtes sous d'autres noms de marques ! je vérifie toujours bien que les pates que j'achète n'ont pas le même siège social que les barilla.