Cet article évoque des éléments importants de l’intrigue de Promising Young Woman
La bande-annonce ne prenait pas de gants avec nous. « Qu’est-ce que tu fais ? » lance froidement une jeune femme au type qui a commencé à la déshabiller, pensant qu’elle est ivre au point de ne pas pouvoir se rendre compte de ce qu’il se passe.
La jeune femme, c’est Cassie, et elle est totalement lucide. Le jour, elle s’emmerde dans un coffee shop et empile des cupcakes aux couleurs trop criardes pour être appétissantes. La nuit, elle piège des hommes en leur faisant croire qu’elle est saoule et qu’ils peuvent ainsi se permettre de coucher avec elle en profitant de son état d’ébriété.
Une sorte de justicière contre la culture du viol.
Est-ce qu’un film comme Promising Young Woman aurait été possible il y a quelques années ? Je suis convaincue que non. Le rape and revenge (viol et vengeance) n’est pas un genre nouveau, mais le film d’Emerald Fennell le tord pour servir un propos qui n’avait pas encore eu de place au cinéma.
Car ce rape and revenge movie ne parle pas seulement d’une quête de vengeance, mais s’attaque à toutes les strates de la culture du viol. La complaisance envers les auteurs, la remise en cause perpétuelle de la parole des victimes, l’inversion de la culpabilité, la crainte de briser la vie de ces jeunes garçons qui ont « la vie devant eux ».
Les violeurs sont des types normaux, pas des monstres
Dès le départ, le film ne montre pas des pervers ou des sadiques. Juste des nice guys, des bons gars pas méchants et pas vilains, un peu chevaleresques en fin de soirée qui se disent simplement « pourquoi ne pas en profiter ? ». Ce ne sont pas des monstres, mais des hommes normaux. Comme vous en voyez et côtoyez tous les jours.
Promising Young Woman malmène nos perceptions autour de la figure du nice guy. Le type bien, qui n’est pas problématique, voire un peu déconstruit, notamment grâce au personnage de Ryan joué par Bo Burnham.
Ce sont d’ailleurs des acteurs que l’on connait que la réalisatrice Emerald Fennell a choisis pour incarner ces types que Cass va piéger : Max Greenfield (New Girl), Adam Brody (Newport Beach
)… des types imprimés dans nos rétines comme des « mecs bien » depuis notre adolescence.
Un reflet de la perception des violences sexuelles
La réalisatrice explique dans le GQ américain ne pas avoir voulu faire un film manichéen, mais au contraire plonger dans les zones troubles :
« Ça ne m’intéressait pas de faire un film sur des hommes dangereux et des victimes innocentes. Cela parle de personnes réelles qui… peut-être participent à quelque chose qui, quand je grandissais, était très normal. »
Promising Young Woman est aussi une sorte de miroir vertigineux qui nous montre le chemin parcouru à une vitesse éclair, en quelques années à peine marquées par les prises de paroles et les mobilisations contre les violences sexuelles.
C’est le miroir que tend Cassie à toutes celles et ceux qui ont été complices ou juste témoins silencieux de ce qu’a subi son amie, Nina, celle pour qui elle manigance ses traquenards, et tient les comptes avec une précision glaçante des hommes qu’elle a piégés. C’est le miroir qu’elle nous tend aussi.
La force de Promising Young Woman, c’est aussi indéniablement son héroïne ambiguë. Cassie, interprétée par Carey Mulligan, joue de son allure de poupée blonde ingénue et inoffensive, en maîtrisant parfaitement les artifices de la féminité et de la séduction pour orchestrer avec minutie ses vengeances.
Elle n’est pas une héroïne classique de rape and revenge movie. Elle subvertit le genre jusqu’à la dernière minute, en ne nous offrant pas, à nous spectatrices, le final attendu : les bourreaux punis et la victime soulagée de son fardeau par la vengeance. À la place, c’est une autre explosion de violence, autrement plus dérangeante.
Certainement pas le film « féministe et frais » qu’on nous a vendu
Pour nous piéger (comme le fait Cassie ?) ou peut-être juste parce que les héroïnes doivent encore en 2021 être marketées à grand renfort de punchlines girl power, l’affiche française de Promising Young Woman nous vend un film « féministe et frais ». Plus que dubitative avant de voir le film, je suis maintenant franchement agacée qu’on puisse nous prendre à ce point pour des jambons.
Jamais divertissant, faussement léger, et surtout sacrément difficile à encaisser. Grinçant comme cette reprise de Toxic qui introduit la scène finale. Voilà comment je décrirais Promising Young Woman. Imparfait aussi. Mais surtout sans concession et exprimant la violence que les femmes portent et expriment, et que l’on commence enfin à voir davantage à l’écran.
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Les Commentaires
J'étais d'autant plus prête à accepter l'avis d'une des critiques que j'étais totalement d'accord avec elle (d'un point de vue politique) quand elle défendait "The Nightingale" (film parlant du massacre des Aborigènes d'Australie) contre un de ses confrères disant que le film, en exposant si cruement la violence, "manquait de dignité"