Globalement, Promised Land est bien reçu par la critique. Un film qui touche par sa tendresse visuelle, et son militantisme clairement sous-jacent (j’y reviendrai). 15ème long-métrage de Gus Van Sant, Promised Land est aussi la troisième collaboration entre le cinéaste et Matt Damon (après Good Will Hunting et Gerry), qui s’est glissé au scénario aux côtés de John Krasinski (Dustin Noble dans le film).
Plusieurs raisons font que j’ai aimé Promised Land, entre autres les dialogues. L’humour passe par eux, spécialement lors des discussions entre Sue (Frances McDormand) et Steve (Matt Damon). Le questionnement sur les chevaux rappelle les débats de Tarantino ; un climat de banalité rend les personnages comme la situation très réalistes. Un petit bout de la vie de tous les jours qui manque trop souvent dans les films. Les dialogues interviennent quand il faut, sans dénaturer l’histoire. Sans absurdité. S’ils ne sont pas indispensables à l’intrigue, ils illustrent cela dit la sympathie et l’humanité des deux personnages.
Car Promised Land, ce n’est pas les gentils contre les méchants. Gus Van Sant fonctionne par périodes (trilogie de Portland, période hollywoodienne, trilogie de la mort) ; nous sommes apparemment dans une nouvelle, celle du film militant. Si Éléphant
tenait déjà un discours certes en toile de fond, Harvey Milk parle clairement d’une cause précise, ce qui est aussi le cas ici, mais loin de tout bourrage de crâne. Les choses se font d’elles-mêmes, les personnages agissent d’eux-mêmes. Pas de manichéisme : même si Global se trouve plutôt du côté de l’ombre menaçante, selon cette logique Sue et Steve devraient être antipathiques et l’écologiste Dustin Noble le grand héros. Mais malgré le sujet sensible du gaz de schiste dont Sue et Steve font la propagande, il est impossible de les détester, et pour Dustin Noble, qui tape vite sur les nerfs, se révélera de plus être à double tranchant.
Promised Land n’est pas un film politique, mais un film conscient. Il correspond aux standards hollywoodiens, mais avec la patte de Gus Van Sant qui le remplit de clins d’oeil à ses prédécesseurs, comme souvent dans l’oeuvre de ce cinéaste référentiel. Les trajets en voiture, les plans aériens, la traversée des personnages, un plan en accéléré, et le petit garçon prénommé Blake…. Tout ceci forme la signature Van Santienne, du moins un morceau, qui fait que Promised Land a bien sa place dans sa filmographie qui n’est absolument pas linéaire (passer de Finding Forester à Gerry a de quoi provoquer l’étonnement). Mais les références vont plus loin que ça : comment ne pas penser à Will Hunting en voyant Steve Butler ? Une version adulte et désabusée du jeune homme cynique et surdoué… Good Will Hunting s’achève sur le départ de Will ; après une ellipse de plusieurs années nous le retrouvons ici, changé par son parcours professionnel et personnel.
Une autre des raisons pour lesquelles je dis « oui » à ce film est la manière dont Gus Van Sant mène le récit, la psyché des personnages, particulièrement celle de Steve, ainsi que la façon dont les choses vont se dérouler petit à petit. On peut distinguer deux parties, la fracture se faisant avec la révélation de Dustin, au moment où Steve commence à se poser des questions. Sa réflexion va évoluer et on le sentira de moins en moins perdu. La fin du film est une sorte d’ « advienne que pourra » : Steve a dit ce qu’il avait à dire, maintenant, nous verrons bien. Enfin, il verra bien, car nous, nous ne saurons pas. Au spectateur de choisir son camp, de choisir l’avenir de cette petite ville américaine.
En sommes, Gus Van Sant qui parle du gaz de schiste, ça fonctionne très bien. Une agréable surprise, après ma déception face à Harvey Milk, qui me rappelle pourquoi j’aime tant son travail.
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