Quand on est étudiant et qu’on galère, ou que l’on a du temps pour cumuler deux jobs, l’un des moyens les plus classiques et faciles de gagner des sous est de donner des cours particuliers. C’est plus sûr pour gérer son budget mensuel qu’un baby-sitting occasionnel, et mieux rémunéré en termes de tarif horaire. Cependant, il y a beaucoup de pièges à éviter pour postuler en tant que professeur, au moment de « choisir » ses élèves et dispenser ses cours…
On arrive à une période-clé dans le recrutement des professeurs particuliers : le premier trimestre/semestre s’achève, et après les vacances de Noël, les parents ont tendance à chercher quelqu’un si leur enfant n’a pas eu un bon bulletin de notes. Notez que LA grande période de recrutement reste autour de mars-avril, quand les examens type brevet-bac se rapprochent et que tout le monde se réveille : en général, il y a beaucoup de demandes et le but du professeur est d’aider l’élève à sauver les meubles !
J’ai fait pas mal de petits jobs à côté de mes études, et j’ai donc donné des cours à des élèves de tous âges pendant quatre ans. C’est allé du soutien scolaire pour les enfants de mes voisins à des cours-conférences au sein d’une agence privée pour une matière spécifique. J’ai enseigné majoritairement l’anglais, mais j’ai aussi proposé des cours de français et d’histoire en préparation d’examens. Ça donne un spectre assez large d’élèves et autant de façons différentes d’enseigner !
J’ai roulé ma bosse, ma bonne dame.
J’ai souvent tâtonné et j’aurais parfois aimé avoir quelques conseils. Faute d’en avoir trouvé à l’époque, je me dis que ce serait une bonne idée d’en dispenser du haut de ma modeste expérience !
Voici donc un petit guide du « prof particulier » en trois étapes pour ceux et celles d’entre vous qui désireraient se lancer. Du bilan de compétences à la rémunération en passant par la meilleure manière de travailler, je vous livre le fruit de mes aventures et mes réflexions sur ce job… un peu particulier ! (Vous l’avez ?)
Bilan de compétences
Dans un premier temps, il vous faut évaluer votre motivation, votre niveau et votre légitimité. Donner des cours à son petit voisin qui galère pour faire des multiplications, c’est une chose. Mais s’engager auprès d’un élève en difficulté dans une matière et dont la réussite scolaire va dépendre de votre capacité à le guider au mieux, c’est une autre paire de manches ! Dans tous les cas, le premier bilan à faire, c’est le vôtre.
Demandez-vous dans quelles matières vous souhaitez enseigner, jusqu’à quel niveau de difficulté. Demandez-vous ensuite dans quelle matière vous pouvez enseigner.
Ce sont deux choses très différentes et il faut se rendre compte qu’en cas de mauvaise évaluation, vous aller vous exposer à pas mal de déconvenues : si vous comptez sur les rentrées d’argent et que les parents ou l’élève ne sont pas satisfaits de votre prestation, ils vous remercieront et trouveront quelqu’un d’autre. Si vous visez trop haut en terme de niveau par rapport à votre propre capacité à transmettre votre savoir, vous perdez tout l’intérêt du job.
Attention, on n’est pas professeur agrégé quand on donne des cours particuliers (encore que ça arrive). Admettre que l’on ne sait pas, c’est aussi une partie de l’enseignement ! Comme apprendre en enseignant, réviser des notions que l’on pensait tout à fait acquises et dont on s’aperçoit qu’elles ne le sont pas quand on se retrouve à devoir les expliquer en des termes simples et précis.
Un bon professeur est quelqu’un qui a un solide bagage dans la matière qu’il enseigne, et une certaine capacité d’adaptation et de remise en question.
Où et comment trouver des élèves ?
Vous devez tour d’abord décider par quel médium vous voulez passer pour dispenser le cours.
Les petites annonces
Vous voulez tout gérer vous-même sur un site de petites annonces et prendre contact/vous faire contacter librement par ceux qui sont intéressés ? Faites attention aux sites choisis, car le service est rarement 100% gratuit. Entre ceux qui sont peu fiables, et ceux qui vous font payer des prestations pas forcément précisées quand vous vous inscrivez, le choix peut être difficile…
Certains vérifient les annonces, mais proposent par exemple un sur-classement de votre offre et de votre profil via un abonnement (en gros, vous payez pour être parmi les premiers résultats de recherches). D’autres vous font téléphoner à un numéro payant pour récupérer les coordonnées des gens qui vous ont contacté•e.
Il n’y a pas de meilleure solution, honnêtement : je ne peux pas vous conseiller un site plutôt qu’un autre mais je peux vous recommander d’être prudent•e•s dès la page d’accueil pour en comprendre le fonctionnement, et de ne pas hésiter à supprimer votre compte si le support ne vous convient pas. Il faut évidemment varier les annonces sur divers sites et les mettre à jour régulièrement pour qu’elles remontent dans les résultats de recherche.
L’agence
Vous pouvez aussi passer par une agence : l’avantage c’est que ses employés s’occupent eux-mêmes de la prise de contact avec la famille, de l’élaboration du profil de l’élève et de décrypter les attentes des parents. Ils fixent le tarif, vérifient les coordonnées de la famille et ses disponibilités, ce qui vous offre une réelle sécurité « physique » (moins de chances de tomber sur des gens chelou quand l’adresse est connue et vérifiée par l’agence) et un gain de temps incroyable ! Pas besoin de chercher l’élève, on vous propose le cours et à vous de l’accepter ou non.
En contrepartie, vous êtes évalué•e, passez un entretien d’embauche et devez remplir régulièrement des bilans sur l’élève. C’est très encadré pour l’élève et sa famille comme pour vous.
Comportement fortement déconseillé quand on bosse avec une agence.
Bouche-à-oreille, réseau social…
Enfin, vous pouvez mobiliser vos contacts ou des groupes sur des réseaux sociaux pour trouver un élève.
Dans le premier cas, vous avez l’avantage de « connaître » plus ou moins les personnes impliquées. Le problème, c’est parfois la question de la rémunération et les libertés prises par la famille avec vous… ce n’est pas systématique mais un cadre plus formel est parfois mieux pour l’élève comme pour vous. En ce qui concerne les réseaux sociaux, c’est quelque chose dont je me méfie au même titre que les sites d’annonce en ligne plus généraliste : ça amène des gens qui ne sont pas forcément bien informés (il est plus facile de détecter un profil suspect sur un site spécialisé que sur un réseau social).
L’organisation et la prise de contact
Planning
En terme de planning, il faut comprendre qu’il n’y a pas de contrat (sauf si vous passez par une agence, mais les horaires peuvent être changés, ni la famille ni vous n’êtes tenus d’honorer systématiquement chaque cours à l’heure et au jour exact… même si trop de changements valent de se faire taper sur les doigts). Vous pourrez donner un cours par semaine pendant deux mois et ne plus voir votre élève pendant 30 jours consécutifs parce qu’il avait une compétition de sport, que vous étiez malade, en raison des vacances scolaires… Il arrive que les parents ne vous préviennent pas à l’avance ou que vous ayez une urgence au dernier moment : être en mesure de reprogrammer le cours ou de proposer une alternative est une bonne solution, même si elle est difficile à mettre en place en général.
Les parents s’attendent souvent à ce que vous puissiez venir un mercredi après-midi ou après l’école en semaine. Au niveau du week-end, certains sont pour et d’autres contre. Vous devez donc bien comprendre les disponibilités qui sont les vôtres pour voir si elles sont en adéquation avec celles de l’élève.
Les choses doivent être mises au clair dès le début, par écrit s’il le faut pour éviter les malentendus.
Tarifs et rémunération
Même chose pour les tarifs ! Ne bradez pas votre prestation, mais comprenez que tous les parents n’ont pas les moyens de payer 20€ de l’heure pour un cours de soutien. Globalement, plus vous avez d’expérience et un niveau élevé dans la matière, plus le tarif horaire demandé pourra être augmenté. Notez qu’un cours spécialisé (comme le piano) est nettement plus cher qu’un cours de mathématiques.
Si vous êtes en licence et dispensez des cours de soutien scolaire, vous ne demanderez pas la même chose qu’un professeur particulier en Master qui enseigne depuis trois ans. La tarification du cours dépend aussi de la manière dont vous postulez pour donner des cours : par contact, via une agence, petite annonce, site spécialisé… Les agences ont une tarification pré établie qui augmente avec le niveau de l’élève. Le tarif horaire est donc bas pour les plus jeunes et élevé pour les prépas : comme c’est l’agence qui gère la répartition des élèves aux professeurs, les élèves de prépa vont à ceux qui ont le plus d’expérience et d’ancienneté dans la boîte. Les nouveaux récupèrent les collégiens.
Il est où mon biff ?
Il arrive que les parents ou l’élève adulte fixent directement le montant qu’ils sont prêts à payer, dans une annonce par exemple. Traiter du salaire en face-à-face cause parfois un réel problème : personnellement j’ai toujours eu du mal à ne pas rougir quand on m’a tendu des espèces, ou demandé mon tarif habituel à la fin du premier cours parce que je n’avais anticipé lors de la prise de contact — pourtant, je suis légitime en tant que professeur et je suis rémunérée pour cela, alors pourquoi me sentir mal à l’aise quand cette question arrive ? Les raisons de ce malaise mériteraient un article à elles seules…
En revanche, il existe des moyens d’éviter les malentendus là-dessus. Vous pouvez passer par une agence, qui gère les questions monétaires : c’est un intermédiaire qui fixe les tarifs à l’avance et s’occupe parfois directement du règlement avec un système de coupons/chèques réglés par la famille, qui vous sont ensuite reversés. C’est une gestion qui a un coût : vous êtes moins bien rémunéré•e mais vous n’avez pas à gérer les espèces, les éventuels mauvais payeurs… c’est une sécurité.
Certains souhaitent parfois régler en chèque emploi service : à vous de voir ce qui est à votre avantage et celui de votre employeur. La question de la rémunération est légitime : n’hésitez pas à en discuter par mail, par téléphone ou face à face ! Vous pouvez amorcer la discussion en demandant par exemple quel est le budget prévu pour le cours, la rémunération horaire que vos employeurs avaient en tête. Vous pouvez demander à réfléchir, ou négocier une majoration du tarif de quelques euros si votre déplacement est très long, par exemple (plus de 30-45 minutes pour un cours d’une heure à une heure et demie).
Si le tarif annoncé correspond à ce que vous attendiez « marché conclu ». Si c’est trop bas, demandez-vous pourquoi. Les parents sont-ils en difficulté financière, totalement à côté de la plaque et donc peu renseignés sur les tarifs habituels, ou carrément radins ?
L’enseignement
En ce qui concerne la manière d’enseigner, il n’y a ni recette miracle ni meilleure façon de faire. Je vous donne quelques trucs qui ont marché pour moi mais c’est quelque chose qu’il faut savoir adapter soi-même.
Relation avec l’élève
Rien ne sert d’être trop autoritaire avec son élève, ni trop « cool ». Tout dépend de l’âge, mais l’important est qu’il sache que vous êtes là pour l’aider lui, pas pour faire plaisir à ses parents, que vous êtes passé•e par là et que ce n’est pas grave !
Mettez- vous à son niveau en lui demandant des nouvelles, ce qu’il a fait de son week end, ses devoirs, ses copains : essayez de comprendre pourquoi il est en difficulté, si c’est spécifique à la matière ou une problématique globale. Analysez son rapport à l’enseignement. S’il est en conflit avec l’école ou qu’il exècre la matière que vous enseignez, établissez une limite claire entre ce que vous faites en soutien et ce qu’il ressent en classe.
Distance avec l’école
L’élève peut être frustré par ses notes, mal à l’aise avec son professeur… Sans pour autant nier l’enseignement dispensé en classe, apprenez-lui à faire la part des choses et distancez votre cours du reste. Préparez vos propres exercices librement inspirés de ses cours et ses livres, sans pour autant les prendre en supports directs.
C’est une bonne manière de rester proche de ce qui lui est demandé en classe sans pour autant le mettre dans un cadre trop formel envers lequel il est peut-être en opposition totale.
En enseignant les langues, j’essayais par exemple de motiver mes élèves à me raconter leur quotidien, à parler de leurs amis, des films qu’ils aiment bien, les choses qu’ils ont envie de faire… N’importe quoi du moment que ça les enthousiasme. C’est le même principe que les parts de gâteau pour les fractions : peu importe ce dont on cause du moment que ce qui est sous-jacent (la règle grammaticale, mathématique ou le processus en question) est compris !
Confiance et humour !
Globalement il faut instaurer une relation de confiance : un élève qui a confiance en son professeur n’a plus honte de ses fautes, et progresse dans toutes les matières. Il est plus motivé, s’intéresse aux choses et ne voit pas le cours comme une corvée mais comme un moment pas trop désagréable passé en compagnie de quelqu’un qu’il aime bien.
J’ai eu la chance de tomber les ¾ du temps sur des élèves (filles ou garçons) qui ont adoré que je parle comme eux, et ne les prenne pas de haut. Même lorsqu’il fallait faire preuve d’autorité, j’ai pris soin de le faire d’une manière qui ne met pas en exergue mon côté adulte mais plutôt notre proximité.
Faites de l’humour sur une base de cours très solide, avec des leçons claires : ça passera tout seul. Dosez les instants récréatifs et les moments de travail, autorisez l’élève à faire une pause, permettez-lui de rentrer tranquillement dans le cours par un petit blabla général sur les évènements de la semaine, en finissant par les notes et devoirs.
Moi quand j’ai préparé un truc super fun et que mon élève trouve ça « bof » ou « trop naze ».
Les notes
Au sujet des notes : veillez à ne pas trop vous en formaliser au début ! Si elles ne remontent pas tout de suite, il faut dédramatiser cela en expliquant que ça arrive, qu’il faut être patient. J’ai déjà eu un élève au bord des larmes parce qu’il avait peur de me décevoir ainsi que ses parents… quand je lui ai dit que je m’en fichais qu’il ait eu 5/20 du moment qu’il acceptait qu’on refasse son devoir ensemble pour comprendre ce qui n’allait pas, il s’est détendu, il a ravalé ses angoisses et il a compris l’intégralité de la correction !
Une note, c’est aléatoire et les accidents arrivent : si on fait comprendre à l’élève ce qui est attendu de lui et pourquoi, il sera plus à même de réussir. En lui disant qu’il est important qu’il réussisse au niveau des notes pour l’école tout en lui faisant aimer la matière pour elle-même et ce qu’elle peut lui apporter et pas pour la moyenne sur le bulletin, ça fait un double effet kiss cool et l’élève progresse vite.
Les devoirs
En ce qui concerne les devoirs, il y a ceux qui sont donnés à l’école et ceux que vous pourriez donner. Cela n’engage que moi, mais je ne conseillerai pas de les faire avec l’élève, car c’est en faire perdre tout l’intérêt qui est d’appliquer seul quelque chose que l’on a appris. On peut guider, surveiller que cela soit fait mais j’ai toujours trouvé plus utile de revenir sur les devoirs une fois que l’élève les a terminés plutôt que de les faire avec lui. Ça lui retire toute autonomie et il finit par croire qu’il ne peut pas faire les choses sans quelqu’un au-dessus de son épaule… alors qu’il le devra forcément un jour !
Je n’ai donné des devoirs que très rarement : il s’agissait surtout de petites préparations d’oral, pour savoir de quoi on allait parler par exemple. Rien de fou, car le mot « devoir » est négatif pour tous les élèves. C’est une grosse inquiétude, et annoncer que vous ne donnerez pas de devoirs peut vous garantir une place dans la catégorie « prof cool ».
Enfin, n’hésitez pas à partager votre expérience avec l’élève, à privilégier les conseils pratiques aux théoriques : apprenez-lui à ne pas paniquer, à gérer son temps. Donnez-lui des astuces d’apprentissage, comme « comment faire une fiche », « comprendre une consigne », « ce qu’on attend dans une dissertation/un commentaire de texte » (pour les plus âgés)…
Personnellement, j’ai adoré enseigner ! Cela a été une expérience super formatrice et humainement très enrichissante. J’ai eu aussi pas mal de galères en évaluant mal le terrain, en acceptant des déplacements trop longs, en comptant finalement trop sur quelque chose qui reste un « plus » mais qui ne permet pas de planifier un budget fixe, sauf dans les rares cas où j’ai eu un élève à l’année dans des conditions optimales… Je trouve qu’il n’y a rien de plus gratifiant que de voir le sourire d’un élève qui a enfin compris quelque chose qui lui posait problème, qui se sent intelligent et valorisé !
Alors, prêt•e•s à affronter les petits monstres ? Des conseils à donner, une contribution à ajouter ? N’hésitez pas !
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