L’Odyssée, c’est l’enfer de bout en bout, qu’on se le dise. Oui, je commence cet article en causant littérature. Tu vas comprendre.
Ce n’est que mon avis, mais je trouve cette épopée ultra-boring, pas moderne, et surtout peu adaptée à un lectorat de 16/17 ans.
La littérature, une matière peu compréhensible
Pas de chance pour moi, j’ai dû avaler ce livre en terminale, car il était au programme du bac L. Une section dans laquelle je me suis globalement épanouie.
Je kiffais la philo, l’anglais, l’allemand, mais la littérature me gonflait un peu, car j’avais l’impression que les profs prêtaient des intentions aux auteurs que ceux-ci n’avaient jamais eues…
La spéculation littéraire, j’ai toujours trouvé ça pompeux et un peu insupportable. Ça se ressentait d’ailleurs dans mes notes.
Ma mère, paniquée à l’idée que je me plante dans cette matière le jour du bac, s’est mis en tête de me prendre un prof particulier, comme elle l’avait fait l’année précédente pour les mathématiques et les SVT.
J’étais aussi ravie qu’une palourde en mal d’iode (donc plutôt peu).
Pourtant, quand mon prof particulier est arrivé chez nous pour notre tout premier cours, j’ai été rassurée : je l’ai immédiatement trouvé super sympa, très cultivé et surtout très patient.
Un prof particulier patient et à l’écoute
Laurent avait une quarantaine d’années et une fille de 4 ans qu’il gardait une semaine sur deux, étant séparé de la mère.
C’était à peu près tout ce que je savais de sa vie privée.
Pendant quelques mois, Laurent est venu chez moi une à deux fois par semaine, pour m’aider à combler mes lacunes, avoir de meilleures notes et surtout préparer mon bac.
Avec lui, j’ai fait des progrès fulgurants.
Il m’a appris à réfléchir de manière plus structurée, m’a encouragée à avoir confiance en mes opinions et m’a même gracieusement filé quelques coups de mains pour la philo.
J’étais assez fan de ce bon Laurent, qui en plus d’être un prof talentueux rigolait toujours à mes blagues moyennes !
À une semaine de l’épreuve fatidique, j’ai eu mon dernier cours avec lui. Il m’a complimentée pour mes progrès, m’a rassurée quant à l’examen et m’a fait une promesse :
« Si tu as ton bac avec mention, je t’invite dans un café un peu classe où ils font un fraisier du tonnerre. »
Le deal était scellé : j’espérais pouvoir goûter à cette délicieuse pâtisserie, et aussi, tout de même, avoir mon bac avec mention.
Ouf, les épreuves se sont globalement bien passées (à l’exception de la géo, où j’ai été si nulle que je me suis tapé un fou rire en relisant ma copie !).
Un prof particulier qui honore ses promesses
Le jour des résultats, j’étais hyper stressée bien sûr, mais j’avais peu de doutes quant au fait que j’avais obtenu mon diplôme.
En revanche, je ne m’attendais pas à voir une « mention bien » apposée à côté de mon nom !
J’avais cartonné en philo, en litté, en anglais, en sport ; le reste était correct… sauf la géo, logique : j’avais eu 3, ce qui m’avait empêchée de décrocher la mention très bien.
Mes parents, tout fiers, m’ont offert des vacances de rêve dans le sud de la France, pour me féliciter.
Après ces quelques semaines délicieuses et surtout très reposantes, je suis rentrée chez moi et j’ai repensé à la promesse de mon ancien prof particulier.
Je lui ai envoyé un SMS pour lui raconter cette mention, qui était clairement le plus beau succès de ma vie. Lui aussi semblait très fier.
Laurent était un homme de parole et entendait bien honorer sa promesse en m’emmenant manger un fraisier coûtant bien trop cher. Le rendez-vous fut donc pris pour le mardi d’après.
Quand mon prof particulier me parle de sexe
Je suis arrivée au café alors que Laurent était déjà là, un thé vert entre les mains. Nous nous sommes fait la bise avec joie, tous les deux contents de nous revoir.
Après quelques banalités échangées sur la santé de mes parents, celle de son enfant et sur les vacances, nous sommes rentrés dans le vif du sujet : le bac.
Il était fier de mes résultats, et je lui ai débriefé tout ce que j’avais inscrit dans chacune de mes copies. On a bien fait le tour du sujet.
Et quand on a refermé le chapitre « baccalauréat », Laurent a prononcé ces mots :
« C’est fini le lycée maintenant, tu es une adulte. Tu peux avoir le comportement d’une adulte désormais. »
Je n’ai pas tout de suite compris où il voulait en venir.
La conversation a changé d’atmosphère, car mon ancien prof s’est mis à aborder un thème nouveau pour notre binôme : le sexe.
En se basant sur bouquin L’amant
, Laurent m’a longuement, et en détails, parlé de ses conquêtes. Je l’ai laissé palabrer, pas sûre de bien comprendre pourquoi il me racontait tout ça…
Mon prof particulier veut coucher avec moi
Et puis Laurent a mis sa main sur la mienne, et a plongé ses yeux dans les miens.
« Tu sais, tu pourrais compter parmi les femmes avec qui j’ai une vraie intimité. »
Effarée, je n’ai rien su répondre. J’ai même laissé ma main sous la sienne. J’ai timidement balbutié « Non mais moi j’ai un mec ».
Le reste s’est enchainé très vite : sans que ne je l’encourage, mon ancien prof s’est senti pousser des ailes.
En une demi-heure, il m’a confié m’avoir toujours trouvé belle, différente des autres « femmes », plus piquante et sensuelle.
Il a précisé qu’il était heureux de ne plus être mon professeur car maintenant, si je le souhaitais, je pouvais entamer une relation intime avec lui.
Je suis restée muette comme une carpe, sidérée.
Il avait l’air tellement sûr de lui qu’il n’a même pas décelé le dégoût dans mes yeux ! Il s’était fait des films, et avait projeté ses fantasmes sur moi, sans que je ne l’ai jamais encouragé d’une quelconque manière…
Sidérée quand mon prof particulier veut coucher avec moi
Je suis restée longtemps sans parler, à l’écouter me sortir tout ce qu’il pensait de mon corps, de mes yeux, de mon intelligence.
J’ai eu envie de vomir. J’ai fini par trouver une excuse pour m’enfuir.
« Je dois rentrer pour aider ma mère à monter un meuble. »
Il a acquiescé en me proposant de me raccompagner au bus.
Je n’ai pas dit non, alors nous avons marché jusqu’à l’arrêt pendant quelques petites minutes qui m’ont pourtant parues très longues.
Quand je me suis tournée vers lui pour lui dire au revoir, Laurent m’a glissé :
« Je pars dans quelques jours en Asie pour me détendre un peu. Tu es la bienvenue, je peux même te payer ton billet. »
J’ai répondu que j’allais réfléchir, à deux doigts de pleurer.
Au dernier moment, il a saisi ma main, l’a serrée dans la sienne et a tenté de m’embrasser. J’ai réussi à détourner mon visage en lui rappelant que j’avais un copain.
Il m’a répondu qu’il comprenait… et qu’il espérait me revoir bientôt.
Une relation souillée par un désir malvenu
Je suis rentrée dans le bus, me suis assise, hagarde, parmi les voyageurs plongés dans leur lecture, et j’ai attendu mon arrêt.
En arrivant chez ma mère, je me suis effondrée en larmes, absolument dégoûtée par la tournure des évènements.
Je lui ai tout raconté. Outrée, elle m’a proposé de ne pas en rester là. Était-ce possible de porter plainte ? Après tout, j’étais mineure, et Laurent avait la quarantaine bien tassée.
Mais une proche de la famille, avocate de profession, nous en a dissuadées : il n’y avait pas vraiment de raison de porter plainte, selon elle.
Tout juste pouvions-nous contacter l’entreprise de tutorat qui embauchait Laurent, afin qu’il ne puisse pas risquer de traumatiser d’autres élèves, mineures comme moi…
Ma mère est parvenue à me calmer. Elle m’a dit, furieuse, qu’elle allait s’occuper de tout, et que moi, je devais juste penser à moi et me focaliser sur autre chose.
Je ne sais donc pas sur quoi cette démarche a abouti. Je n’ai jamais posé la question.
Mais pendant plusieurs jours je me suis interrogée, me repassant en mémoire chaque cours avec Laurent, en trouvant le tout dégoûtant, puisque je savais désormais ce à quoi il pensait à chaque fois qu’il me voyait…
Il m’avait sexualisée, avait fait de moi une (jeune) femme-objet. Alors que moi, je lui avais accordé ma confiance. Une confiance saine et dénuée de désir.
Mes souvenirs avaient été corrompus, notre relation souillée.
Ma culpabilité face au prof qui voulait coucher avec moi.
Difficile, je l’admets, de faire taire mon cerveau.
Est-ce que j’avais envoyé les mauvais signaux à Laurent ? Est-ce que j’avais refusé de considérer mon comportement comme aguicheur alors qu’il l’était en réalité ?
Est-ce que j’étais responsable du désir malvenu de cet homme qui aurait pu être mon père ?
J’ai bien réfléchi et j’ai tiré de mes nuits blanches quelques conclusions.
- Aucun signal de ma part ne devrait encourager un homme de cet âge à considérer que je lui laisse la porte ouverte, du haut de mes 17 printemps.
- C’était LUI qui avait tenu des propos déplacés.
- Ma tétanie aurait dû le stopper immédiatement.
- Il ne fallait surtout pas que je remette mon comportement en doute, car j’étais la victime dans l’histoire, non le bourreau.
Ces conclusions, j’y crois encore aujourd’hui, et je suis fière d’avoir réussi à y voir clair même si j’étais très jeune et que je me suis sentie agressée.
Aujourd’hui, je sais que je ne resterais plus jamais stoïque face à un homme qui se permet un comportement déplacé voire dangereux.
Il est temps de faire de la pédagogie, même auprès des hommes adultes, et leur apprendre que rien ne leur est dû, surtout pas du sexe avec une mineure !
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