Jeudi 4 avril, l’écrivain François Bégaudeau a comparu au tribunal de Paris pour « diffamation en raison de l’appartenance à un sexe ». Les faits qui lui sont reprochés remontent à 2020, lorsqu’il a écrit sur le forum en ligne de son site officiel begaudeau.info que « tous les auteurs » des éditions La Fabrique « étaient passés » sur l’historienne Ludivine Bantigny. L’écrivain a défendu qu’il s’agissait d’une blague de mauvais goût, fruit d’un « humour beauf ».
« De l’humour de mauvais goût »
Comme le souligne Mediapart, l’ironie est à son comble. François Bégaudeau est censément un « écrivain de la gauche radicale, pourfendeur des logiques de domination masculine ». Un profem, donc.
Ludivine Bantigny raconte s’être sentie souillée, transformée en « objet sexuel ». Après avoir partagé elle-même sur Twitter le post de l’écrivain pour reprendre le contrôle sur la situation, elle reçoit un message de ce dernier qui lui explique : « Ce n’est pas une faute morale, c’est une faute de goût ».
Devant le tribunal, l’auteur déroule une défense similaire, retranscrite par Mediapart : « C’était de l’humour de mauvais goût, beauf, tout ce qu’on veut ».
« Quand quelqu’un fait une blague antisémite, mon réflexe va être d’aller voir s’il fait une blague antisémite ou s’il est vraiment antisémite. S’il a fait vingt blagues, des sketchs, c’est qu’il est antisémite. C’est intéressant d’aller voir si je suis coutumier du fait. Si on relisait tout ce que j’ai écrit, trente livres, des critiques, des articles, des pièces, je défie quiconque de trouver la moindre phrase misogyne. »
François Bégaudeau, cité par Mediapart, « Jugé pour diffamation sexiste, l’écrivain François Bégaudeau plaide « l’humour beauf » ». 4 avril 2024.
Humour ou sexisme ?
Ludivine Bantigny a expliqué s’être sentie humiliée, traitée tel « un paillasson sur lequel les hommes passent ». Pour l’historienne, « ce n’est pas de l’humour, c’est une violence sexiste, un outrage, une offense ».
Le caractère sexiste de ses propos ne font aucun doute ; François Bégaudeau l’a d’ailleurs reconnu face au tribunal, qui se prononcera à son tour le 27 mai. S’il s’était agi de faire une blague sur un confrère, fort est à parier que son réflexe n’aurait pas été de partir sur le terrain graveleux en le réduisant à un objet sexuel. La rhétorique de l’auteur relève très clairement d’un procédé de slut-shaming et montre la nature profonde de celui qui se prétend lutter contre les logiques patriarcales à travers ses écrits. Ludivine Bantigny l’a bien rappelé : « quand on se réclame de l’émancipation, la misogynie, on doit la combattre de tout son être. »
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