Si sur les podiums et dans les magazines, les marques de mode se plaisent à afficher un discours écoresponsable souvent lisse et creux, cela sert parfois à masquer des pratiques plus que douteuses.
La maison américaine Coach vient de servir de dernier exemple de greenwashing, avant qu’elle ne promette d’accélérer et accentuer ses efforts afin de mieux aligner ses actions sur ses promesses.
Des sacs Coach volontairement abîmés avant d’être jetés
C’est sur TikTok qu’Anna Sacks, alias @thetrashwalker, a découvert le pot aux roses.
La marque de fabrique de cette utilisatrice, c’est de puiser des trouvailles mode dans les déchets de l’industrie et de s’en servir pour alerter sur les mauvaises pratiques du milieu.
Dans une vidéo postée le 10 octobre 2021, Anna Sacks raconte s’être rendue au Dumpster Diving Mama — un lieu qui s’occupe de revendre des produits jetés par les marques. Elle y a déniché des sacs et des chaussures Coach. Sauf qu’ils ont été rendus inutilisables à grands coups d’entailles.
Détruire ses invendus mode, une pratique honteuse mais courante
Longtemps courante dans l’industrie du luxe, qui fait rarement des soldes de peur de dévaluer la valeur symbolique de ses produits et protéger leur propriété intellectuelle (en prévention de contrefaçons), cette pratique de destruction des invendus a également un intérêt d’un point de vue fiscal, aux États-Unis : grosso modo, des biens jetés comme endommagés sont moins taxés que des biens jetés comme neufs.
Ce genre de destruction des invendus vient officiellement d’être interdite depuis le 31 janvier 2021 en France (où chaque année, 630 millions d’euros de produits neufs sont détruits, dont entre 10.000 et 20.000 tonnes de produits textile), rapporte le site du gouvernement. Cette mesure pourrait également bientôt concerner l’ensemble de l’Union européenne.
Mais du côté des États-Unis, d’où vient la maison Coach qui fait (pâle) figure de Louis Vuitton national, cette question n’est pas encore légiférée à ce point.
Le greenwashing, ça se voit
La découverte de ces invendus volontairement abîmés pour être rendus inutilisables avant d’être jetés apparaît d’autant plus choquante qu’elle contraste grandement avec le discours affiché par la maison.
En effet, celle-ci affirme tendre vers des pratiques plus responsables, notamment à travers une campagne baptisée Coach (Re)Loved qui invite les clients à rapporter leurs vieux sacs Coach en boutique pour réparation ou contre un bon d’achat. Ces sacs pré-aimés peuvent rejoindre une collection revendue par la marque, dans un souci de mode circulaire.
Coach jure de s’améliorer
Forcément, un tel écart entre ce qu’une marque peut raconter pour se faire bien voir afin de mieux vendre et la réalité des coulisses a rapidement insurgé TikTok, où la vidéo d’Anna Sacks vient de dépasser les 3 millions de vues.
Son histoire a été repartagée par le compte Instagram DietPrada, justicier social autoproclamé de la mode suivi par près de 3 millions de personnes.
En légende de ce post Instagram du 11 octobre 2021, en plus de s’insurger contre ce greenwashing de Coach, Anna Sacks a profité du haut-parleur qu’est DietPrada pour y évoquer son souhait de la mise en place d’une loi luttant contre ce genre de gâchis éhonté, fiscalement avantageux, aux États-Unis :
« Nous espérons l’adoption d’une loi fédérale bipartite et de bon sens #DonateDontDump [Donnez plutôt que de jeter] qui supprime l’échappatoire fiscale (fraude fiscale potentielle) que les détaillants utilisent lorsqu’ils détruisent délibérément des articles utilisables. Cela devrait inciter au don d’articles physiques afin qu’il devienne le choix évident pour les détaillants. »
Forcément, toute cette histoire a fini par arriver aux oreilles de Coach qui a publiquement statué pour en finir avec cette pratique immédiatement.
Dans une publication Instagram datant du 12 octobre 2021, le malletier américain affirme que ce genre de destruction représentait moins de 1% de leurs ventes mondiales, tandis que la grande majorité des produits qu’ils jugent invendables seraient surtout donnés.
Un problème qui concerne toute l’industrie, de la fast-fashion au luxe
En 2021, ces dons de produits invendus Coach représenteraient déjà plus de 55 millions de dollars — pour soutenir les familles à faible revenu, les personnes dans le besoin, celles qui réintègrent le marché du travail ainsi que des programmes d’éducation.
La marque assure aujourd’hui que la viralité de cette histoire la pousse à accélérer les choses pour que son programme Coach (Re)Loved s’étende à davantage de boutiques. Les produits invendables y seraient désormais réparés pour rejoindre ce circuit de seconde main plutôt que d’être détruits.
Aujourd’hui sous les feux des réseaux sociaux, Coach reste loin d’être un cas isolé, et éclaire plutôt un problème majeur concernant l’ensemble de l’industrie, y compris ses acteurs les plus luxueux, et non seulement les marques de fast-fashion.
En 2018, c’est Burberry qui faisait scandale, surpris en train de brûler des millions d’euros de valeur de stock. L’affaire avait fait une telle esclandre qu’elle a sûrement joué dans l’adoption de cette loi française et peut-être bientôt européenne contre la destruction des invendus…
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Crédit photo de Une : capture d’écran TikTok @thetrashwalker
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