Comme chaque année, juin marque le Mois des fiertés, qui célèbre et visibilise les vécus et les luttes des personnes LGBTQI+. C’est aussi un écueil marketing dans lequel s’engouffrent bon nombre de marques, brandissant chaque année à cette période le drapeau arc-en-ciel pour booster leurs ventes. On parle parfois de « pinkwashing ». Mais de quoi s’agit-il exactement ? Éclairage.
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Qu’est-ce que le pinkwashing ?
Comme le greenwashing, le pinkwashing répond à une logique mercantile. On parle de pinkwashing lorsqu’une entreprise brandit les valeurs LGBT+ pour se donner une image faussement progressiste, soucieuse d’égalité, ouverte et tolérante, sans que cela soit suivi d’actions concrètes. Ce mécanisme se retrouve également en politique, lorsque des partis ou des personnalités revêtent une image LGBT-friendly pour séduire des électeurs sensibles à ces questions.
Ce terme revêt une dimension négative, car il y a l’idée d’hypocrisie des marques, qui communiquent sur un sujet pour des raisons purement mercantiles. À l’époque, si la communauté LGBTQIA+ a salué une plus grande représentativité, la question s’est rapidement posée de savoir ce que ces marques faisaient concrètement. Est-ce que les salariés LGBTQIA+ sont traités correctement ? Est-ce qu’il y a une politique d’entreprise contre les discriminations ? Est-ce que les produits sont fabriqués dans des pays qui bafouent les droits des personnes homosexuelles ?
Flora Bolter, codirectrice de l’observatoire LGBT + de la Fondation Jean Jaurès, interrogée dans Le Monde. 26 juin 2023.
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D’où vient ce terme et à quand remontent les premières opérations de pinkwashing ?
Le terme a été inventé en 2002 par l’association états-unienne Breast Cancer Action pour dénoncer les campagnes publicitaires utilisant le cancer du sein comme levier marketing.
Ce mécanisme a également été utilisé dès les années 2000 par des marques cherchant à séduire la communauté gay, alors perçue comme un marché très lucratif, car composée de ménages à double revenus sans enfants (dans le jargon marketing, on les appelle les DINK : double income no kids), et donc à haut pouvoir d’achat.
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Comment déceler une opération de pinkwashing ?
Comme le détaille Flora Bolter, codirectrice de l’observatoire LGBT+ de la Fondation Jean Jaurès, auprès de nos confrères du Monde, le pinkwashing se traduit par une incompatibilité entre « le message que l’on donne à l’extérieur et la politique interne de l’entreprise ». Une opération de pinkwashing est ponctuelle, et ne s’inscrit pas dans un discours de fond : « Il faut aussi assumer ce message sur le long terme, plutôt que de lancer une campagne juste au moment de la Marche des fiertés, ou de mettre en place quelques mois plus tard une publicité réactionnaire », assène l’experte.
Les publicités qui relèvent du pinkwashing ont également tendance à véhiculer des « représentations clichées et stigmatisantes ». Pour éviter cela, Flora Bolter rappelle qu’il existe une solution simple : « solliciter et intégrer des personnes LGBTQIA+ dans les équipes marketing » qui conçoivent ces campagnes. Cela permet aussi de donner à voir une pluralité de vécus et de représentations.
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Le pinkwashing ne permet-il pas tout de même de visibiliser les personnes LGBTQI+ ?
Flora Bolter résume très bien les limites de ce processus de récupération, qui a certes permis « une représentation des personnes gays qui était inexistante auparavant », mais au prix d’images souvent déformées :
La façon de concevoir les publicités était rarement positive pour les personnes concernées. Elles véhiculaient et façonnaient de nombreux stéréotypes. Les personnes LGBTQIA+ étaient souvent représentées dans des publicités pour vendre de l’alcool, véhiculant l’idée que les gays sont tous des fêtards dévergondés.
« Le terme de pinkwashing revêt une dimension négative, avec l’idée d’hypocrisie des marques ». Le Monde. 26 juin 2023.
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