Cet article révèle l’intrigue d’Un espion ordinaire. Vous voilà prévenue !
Du whisky (beaucoup), des cigarettes (beaucoup aussi), Benedict Cumberbatch en espion amateur, et une bromance inattendue : vous avez là la recette du futur succès d’Un espion ordinaire.
1960, Londres. Une guerre nucléaire se prépare entre les États-Unis et la Russie. Un des espions de la MI6 et de la CIA — grands services de renseignements respectivement britannique et américain — a été repéré, faisant échouer la mission qui lui avait été confiée.
Représentés par l’Anglais Dickie Franks et l’Américaine Emily Donovan, les services de renseignement cherchent alors à embaucher un espion qui ne soit pas repérable par le KGB. Greville Wynne, petit homme d’affaires britannique, est leur option idéale.
Mais si la mission de base est des plus simples (ramener des documents russes aux services de renseignement grâce à sa source, Oleg Penkovsky), notre espion presque malgré lui s’embarque petit à petit dans une aventure de plus en plus risquée…
Un film et un héros qui se dévoilent lentement et sûrement
Au début du film, on fait la connaissance d’un Greville Wynne un peu… inintéressant. Appelons un chat un chat. Comme le décrit si bien Dickie Franks, c’est grosso modo un quadragénaire avec un petit penchant pour la boisson.
Pendant les premières séquences du film, on sourit quand même pas mal : à côté de son partenaire, le colonel et agent double russe Oleg Penkovsky, Wynne fait presque tache. Oleg est aguerri, calme, sûr de lui, et déterminé à mener à bien sa mission, qu’il mène au nom de la paix. Greville, lui, est un amateur : il est stressé, mal à l’aise et un peu empoté. C’est plus un antihéros qu’un héros à proprement parler.
Lorsque Dickie et Emily le recrutent, on baigne en plein dans un récit bon enfant dans lequel un homme d’affaires modeste joue à l’espion. Sans grande difficulté, le monsieur s’envole pour Moscou où il récupère des documents subtilisés par Oleg Penkovsky, sa source russe, puis rentre à Londres pour les donner à Dickie et Emily. Et ça recommence.
Avec ce petit manège, on était bien loin de prévoir ce qui allait se passer ensuite !
Tout bascule lorsque Greville comprend qu’on a fouillé sa chambre d’hôtel en Russie. Il capte alors que son ami et partenaire doit être sous surveillance aussi. De retour à Londres, pourtant en sécurité, il décide de repartir pour Moscou : il doit aider Oleg à quitter le pays pour les États-Unis…
À travers Greville, c’est un Benedict Cumberbatch bouleversant que le film nous présente. Grâce aux innombrables gros plans, on peut voir le protagoniste prendre en maturité au fur et à mesure de l’histoire. Son visage se fait plus sombre, plus grave, atteignant son point d’orgue à la fin du film, pendant son incarcération en Russie.
Décharné, blême, l’acteur révèle tout son potentiel à ce moment-là. La scène avec Sheila au parloir de la prison, on en parle ? Ou la scène sous la douche ? Bon, non, il ne vaut mieux pas en fait. On a encore une petite boule dans la gorge.
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Une « bromance » au cœur de l’intrigue
« On n’est peut-être que deux, mais ça suffit à changer le monde » affirme Oleg à Andrew, le fils de Greville, un soir qu’il dîne à la table de l’espion londonien.
Sur ce coup-là, il avait raison puisque la collaboration des deux espions a mis un terme à la crise des missiles de Cuba. Mais au-delà de la mission, c’est surtout grâce à l’amitié entre les deux hommes que le monde a évité une énième catastrophe !
On ressent l’amour entre les deux dans la narration – Greville va quand même sauver Oleg au péril de sa vie – mais aussi dans l’esthétique du film. En effet, le film joue beaucoup avec la symétrie et la dualité, et ce dès les premières séquences.
Dans beaucoup de plans, l’espace est scindé en deux : au début du film, on voit par exemple Greville et sa femme Sheila dans deux pièces différentes de leur appartement, la cloison les séparant. Or, dans les plans avec Oleg, les deux hommes sont souvent montrés côte à côte, et en même temps. Positionnés au centre de l’écran, ce sont eux qui le scindent en deux parties.
Les deux personnages, par leur amitié et leur humanité, crèvent l’écran. Même si cette bromance était au départ surprenante (quelle idée de mettre un amateur total avec un espion aguerri ?), c’est une parfaite harmonie qu’ils forment finalement.
On peut se permettre une analyse un peu perchée ? Oui ? Ok, super.
Àla fin, lorsque la crise des missiles est neutralisée et que Greville rentre au domicile familial, on voit le numéro de sa porte d’entrée : onze. Un nombre beau à voir dans sa symétrie, puisque composé de deux mêmes chiffres, qui rappelle la beauté du fameux duo. Sans oublier que 1 + 1 = 2… Vous vous rappelez la phrase d’Oleg ?
Des rôles puissants pour un film humain
Si on est restée captivée par ce duo magnifique, on n’en oublie pas pour autant les autres personnages, saisissants eux aussi.
Comment ne pas tomber amoureuse d’Emily, celle qui tire clairement les ficelles, mais qui laisse croire aux hommes que les idées viennent d’eux ? Toujours tirée à quatre épingles, pas un cheveu ne dépasse de son brushing et son rouge à lèvres carmin est toujours bien appliqué. Tous les hommes se retournent sur son passage, mais elle s’en moque : elle a des plans à exécuter. Joli pied de nez à la figure de la femme coquette donc forcément stupide.
Sheila, l’épouse de Greville, correspond un peu au cliché de la femme forte qui soutient son mari quoi qu’il arrive, mais on ne lui en veut pas trop. Parce que, en dehors de ce rôle, elle a une personnalité bien à elle ! Son caractère étant bien trempé, elle n’hésite pas à engueuler Greville – jusqu’à le virer de la maison – lorsqu’elle le soupçonne de la tromper (sachant qu’il avait déjà été infidèle par le passé).
Quant à Dickie, il porte bien son nom : il est strict, opportuniste et conservateur. On peut le détester, mais on peut aussi comprendre ses choix… oui, envoyer Greville à Moscou alors qu’il risque de s’y faire arrêter, c’est dangereux. Et il avait raison : Greville croupit dans un cachot infâme pendant des mois. Même s’il n’est pas fun du tout, force et de constater qu’il est la moitié du cerveau Emily-Dickie, et qu’il honore ce rôle.
Vous l’aurez compris : tous les personnages sont bien construits et tous ont une fonction utile et bien définie dans le récit. Beaucoup sont là pour aider le héros, certes, mais ils sont des personnes à part entière en dehors de cette mission.
Le réalisateur aurait pu nous laisser estomaquées devant un film aux stratégies bien ficelées, friand d’explosions et autres cascades. Mais ici, c’est l’humain qui prime. Et c’est ce qui fait toute la différence, tout le charme d’Un espion ordinaire.
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Les Commentaires
Mais je pense que cela est du au fait qu'en matière de film d'espionnage, se déroulant en pleine guerre froide, je suis restée sur le très bon film d'Henri Verneuil Le serpent avec H.Fonda, Y.Bryner, Ph. Noiret ou encore D.Bogarde. Film ancien (1972 je crois) qui évoque avec beaucoup de réalisme la demande d'asile en Occident d'un gradé soviétique. Le fait que le film date des 70's donne encore plus de cachet et de réalisme au niveau décor, outils techniques...Mélange des langues aussi ! Le but étant de savoir si la demande du gradé est réelle et sincère et ce qu'il va bien pouvoir apporter aux services d'espionnages de l'Ouest, américain, français et britannique en tête ou bien ce gradé est-il un leurre, un fake dissident, un pion bien avancé sur l'échiquier, d'une taupe qu'on appelle le Serpent (d'où le titre) et non démasquée à ce jour. Démonstration des enjeux, des combines, des liens, des contre-liens entre services d'espionnage te de contre-espionnage. D'ailleurs ce film peut paraître très aride.
Bon...suite à cet article je vais essayer Un espion ordinaire. Cela me paraît super intéressant notamment sur l'utilisation de Monsieur Tout le Monde dans un univers très spécial et très fermé (et pourtant totalement tourné vers les autres).
Merci encore !