— Article initialement publié le 17 février 2014
Il se passe pas mal de trucs dans la vie d’une gamine qui grandit. Du jour au lendemain, elle n’aime plus les même choses et se rend compte que son corps se transforme, tel un super-héros mais sans les pouvoirs cool.
Je suis passé par cette période X-Men un peu étrange. Un matin, je me suis réveillée sans avoir envie de faire réciter la table de 4 à mes peluches. Je me suis juste levée, j’ai jeté mon pot de Nutella par la fenêtre, j’ai bu un cappuccino sans ajouter de sucre et je suis devenue une grande fille.
Enfin presque, parce que ce n’était pas tout ce qui m’attendait.
Dans la foulée, mon corps a décidé de stocker de la graisse pour l’hiver dans mes hanches ou encore de faire pousser un mince duvet sur mes mollets, comme si j’avais pas assez chaud avec des collants.
À la puberté, le corps se croit à la préhistoire ! Sérieusement, qui pourrait lui expliquer qu’on ne revêt plus seulement des pagnes en peau de mammouth ? Plus besoin de nous transformer les aisselles en Cousin Machin quoi, on est en 2014.
Dans cette lancée, j’ai pu faire la connaissance du fluide qui met tes sous-vêtements à feu et (surtout) à sang une fois par mois, ce vil courant qui décide toujours de débarquer à un moment relou, qui se glisse au travers des tissus et donne l’impression à ton ventre de devoir braver une gastro pendant 6 jours.
Mais même après avoir réussi à dompter mes règles à coup de Tampax, je n’étais pas encore au bout de mes peines.
Deux montagnes ont décidé de pousser gentiment sous mes chemises La Halle aux Vêtements. Elles ne sont pas arrivées là sans crier gare tel deux obus dans le no man’s land, mais je n’ai quand même pas vraiment vu le truc venir. À vrai dire, c’est passé de « drôle de masse de graisse conique » à « 90B » en moins d’un an. Inutile de dire que ce fut un petit choc.
Avant même de commencer à avoir des seins, je n’avais déjà qu’une seule chose en tête : acheter des soutien-gorges. À partir de là, je ne vivais que pour atteindre ce but ultime, le Saint Graal : maintenir mes seins grâce à vingt centimètres de coton extensible.
Le soutien-gorge, ou l’idéalisation d’un bout de tissu
Dans mon école, j’étais amie avec une fille très sympathique. J’allais dans sa piscine en été et on enregistrait des reprises de Lorie sur un magnétophone avec micro Playskool. Nous étions comme les doigts d’une main… jusqu’au jour où elle décida de prendre la route de la célébrité. Les garçons se retournaient sur son passage tandis que les filles m’écrasaient pour aller lui parler.
Ce remake du pauvre de Mean Girls dans la cour des CM2 était dû à une seule et unique chose : elle avait décidé de porter un soutien-gorge.
C’est l’histoire de ma vie, le cycle éternel.
Bon, ok, c’est un bien grand mot. À ce moment-là, ajouter n’importe quelle couche au-dessus du nombril sous son t-shirt équivalait à un sous-vêtement. Pour employer les bons mots, ma copine revêtait une brassière, qui se rapprochait plus d’un Wonderbra pour mon moi de primaire.
Plus le temps avançait, plus les filles autour de moi cédaient à l’appel du balconnet. Elles se pavanaient dans les vestiaires avec leurs triangles en viscose estampillés Chipie. Ça me paraissait merveilleux.
Avec un soutien-gorge, un nouveau monde s’offrait à moi. Il était plein d’aventures, de jeux dangereux, de DM à rendre en retard, de remplissage de cruche en aluminium, d’heures à attendre à la vie scolaire. Bref, le collège, ça serait en soutif, ou sans moi.
L’achat de la névrose
Comme je n’ai jamais été du côté Miss Pechos de la force, en arrivant en classe de 6ème, j’avais autant besoin d’un soutien-gorge que d’une chaussette sale ayant été portée par Emmanuel Moire. Pourtant il m’en fallait un, c’était une question d’honneur.
Hors de question de finir comme celle-là.
Il n’y a jamais eu de tabous dans ma famille. J’ai été élevée dans la communication et le respect de tout. Néanmoins, quand on a douze ans, on se voit mal disserter sur le potentiel de croissance des tétons avec sa mère. Je n’ai donc pas osé lui parler de mon besoin quasi-vital de couvrir ma poitrine. Elle me disait que c’était encore un peu tôt, que nous verrions quand j’en aurai besoin.
Elle avait totalement raison.
J’ai toujours été une fille têtue et obstinée. Si j’étais une mouche, je serais celle qui vient te frôler le visage en te caressant gentiment la peau — juste assez pour que tu aies besoin de te gratter. Et qui revient quand tu la chasses. Sinon c’est pas drôle.
Comme ma mère avait de (bonnes) raisons pour ne pas m’accompagner au rayon lingerie, je me suis tournée vers la personne la plus à même de foncer tête baissée : ma grand-mère. Une petite tirade plus tard et nous étions en voiture, direction le supermarché le plus proche, prêtes à sublimer mon buste.
Quelques euros après, j’étais l’heureuse propriétaire d’une brassière bleu marine à gros élastique ornée d’un beau « 55 » en surimpression. Le comble de la classe, pour une fan de Degrassi. J’étais satisfaite. J’avais un soutien-gorge, et ça c’était vraiment mieux que n’importe quelle boucle d’oreille autocollante.
Adieu.
Allô, Maman, bobo ?
J’ai pas osé dire tout de suite à ma mère que j’étais une nouvelle femme fille personne. Je m’attendais forcément à une réaction négative, un peu comme quand elle refusait de m’acheter un jouet et que quelqu’un d’autre s’empressait de me le faire parvenir. Je pensais à tout sauf à ça.
Je me rappelle qu’elle était venu me dire bonne nuit, comme toutes les gentilles mamans ont l’habitude de faire. Timidement, j’ai levé mon haut et lancé d’un air tout à fait détaché : « Eh regarde ce que Mamie m’a acheté ».
J’ai vu sa tête se décomposer. C’est la première fois que je n’arrivais pas à décrypter une émotion sur son visage. J’ai vu passer dans ses yeux la tristesse, la colère et la déception. Elle s’est levée sans rien dire elle est partie en claquant la porte. J’avais désobéi, j’étais une enfant nulle.
Partagée entre la honte, la vexation et la joie, je venais pourtant d’ajouter un nouveau tiroir à mon armoire. J’ai continué à vivre, mes seins ont enflé et je suis devenue expertes en matière de dentelles et autres bretelles amovibles. Ma mère ne m’a plus parlé de l’incident.
Lizzie McGuire et l’impression d’un acte manqué
J’ai toujours été une grande fan de Lizzie McGuire. J’étais cette fille qui se dépêchait de rentrer chez elle pour préparer son bol de céréales et ne pas louper son épisode quotidien.
Une des histoires fictives de cette chère Hilary Duff me fit sourire : Lizzie et Miranda décidaient d’acheter leur premier soutif en scred. Forcément, elles se faisaient avoir par leurs parents, surpris.
Pourtant, la mère de Lizzie réagissait d’une manière qui me parut évidente : elle était super heureuse et fière de partager ça avec sa fille.
Le premier soutien-gorge, c’est quand même important dans la vie d’une future femme. C’est un cap que ma mère aurait voulu passer avec moi. Elle l’attendait sûrement, un peu comme une petite étape à gravir à côté de tous les trucs qu’on a fait ensemble. Elle s’est sentie prise de court. On lui a volé cet instant. Et ça ça a été hyper violent pour elle.
Quand j’ai compris ça, je m’en suis voulu à mort. J’ai eu envie de retourner dans le temps pour pouvoir acheter Etam tout entier avec elle. J’ai rêvé de me balader dans les rayons à la recherche de la bonne taille, chercher le soutien-gorge parfait, celui que j’aurais porté fièrement et que j’aurais gardé dans une petite boîte histoire de m’en rappeler pour toujours, et pourquoi pas, me faire enterrer avec.
Comment ça je vais trop loin ?
Avec le recul, ma mère m’a expliqué qu’elle ne m’en voulait pas : j’avais eu une réaction de petite fille. C’était à ma grand-mère de comprendre que ces choses-là étaient à faire avec ma mère, avec mon moi intérieur, mais peut-être pas avec elle. Elle aurait dû me l’expliquer.
J’ai trouvé ça un peu triste pour tout le monde, du coup. En plus, mon soutien-gorge ne m’a pas rendue tellement plus cool.
En attendant, avec ma Maman, on s’en est plutôt bien remises. Elle s’est rattrapée en m’expliquant comment mettre ces horreurs de serviettes-hygiéniques-façon-couche-culotte, en me montrant comment récupérer un vieux mascara sec et faire le plein de GPL. Bref, on a pas fini de s’amuser.
Et même si mon premier soutif a sans doute fini à la benne à ordures, je ne risque pas de l’oublier.
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Les Commentaires
Et sinon je me rappelle avoir acheté un petit soutif 70A bleu clair avec ma mère quand j'avais genre 13 ans mais je ne l'ai jamais vraiment porté car j'assumais pas.
En tout cas il est sympa cet article ça m'a rappelé plein de souvenirs (bon et mauvais d'ailleurs).