C’est une actualité tragique qui a poussé de nombreux étudiants et étudiantes de France à se mobiliser sous un mot d’ordre : #LaPrécaritéTue.
Un étudiant s’immole par le feu à Lyon
Le 8 novembre, un jeune homme de 22 ans, s’est immolé par le feu devant le Crous à Lyon, la ville où il étudiait. Il a été brûlé à 90% et ses jours sont en danger.
Le Monde cite un message qu’il a publié sur Facebook avant de commettre son geste tragique :
« […] il donne une dimension très politique à son acte, inédit dans le milieu estudiantin.
« Si je vise le bâtiment du Crous à Lyon, ce n’est pas par hasard, je vise un lieu politique, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et par extension, le gouvernement. »
[Il] y témoigne ensuite de sa situation personnelle :
« Cette année, faisant une troisième L2 [deuxième année de licence], je n’avais pas de bourses, et même quand j’en avais, 450€ par mois, est-ce suffisant pour vivre ? »
« J’accuse Macron, Hollande, Sarkozy, et l’UE de m’avoir tué, en créant des incertitudes sur l’avenir de tout.es, j’accuse aussi Le Pen et les éditorialistes d’avoir créé des peurs plus que secondaires. »
Il conclut en appelant à poursuivre la lutte. »
Des étudiants et étudiantes se sont ralliées sous le hashtag #LaPrécaritéTue pour partager leurs galères financières et montrer que la situation de de ce jeune homme n’est pas forcément un cas isolé.
#LaPrécaritéTue : mobilisation contre la précarité étudiante
Sophie étudie à Lyon II, là où l’étudiant qui s’est immolé était scolarisé. Elle a participé à la mobilisation #LaPrécaritéTue, et Brut. a recueilli ses propos :
La jeune femme a perdu ses aides du Crous après avoir redoublé suite à des problèmes de santé. Elle n’a donc plus de revenus pour continuer ses études.
Le Figaro fait état de plusieurs centaines d’étudiants et étudiantes mobilisées ce mardi 12 novembre dans de grandes villes de France : Lyon, Paris, Lille…
Les chiffres de la précarité étudiante
Orlane François, de la Fédération des associations générales étudiante (Fage), déclare à France TV Info que 20% des étudiants et étudiantes vivent sous le seuil de pauvreté.
Moins de la moitié des étudiants et étudiantes, soit 45%, ont déclaré lors de l’enquête la plus récente (2016) « avoir assez d’argent pour couvrir leurs besoins mensuels
».
D’autre part, 46% des étudiants et étudiantes exercent une activité rémunérée en plus de leurs études.
Les questions que pose la précarité étudiante
Au-delà de l’horreur que m’inspire le geste de l’étudiant désespéré, cette mobilisation me pousse à me poser de nombreuses questions.
Dans son interview par Brut., Sophie, comme d’autres étudiants et étudiantes, appelle à plus de logements Crous, à plus d’aides sociales, et au revenu universel.
Il est évidemment inconcevable que dans un pays aussi riche et développé que la France, des jeunes se retrouvent à la rue faute de moyens.
J’aimerais moi aussi voir implanté une forme de revenu universel, revenu de base ou salaire à vie, qui permettrait de lisser les inégalités.
Mais je m’interroge également sur ce qui fait que tant de jeunes sont dans de longues études supérieures, avec des bourses, des colocs, des chambres Crous pour leur permettre d’à peine vivoter.
Les études supérieures, un choix « par défaut »
Je m’interroge en premier lieu sur le choix de continuer après le bac.
Car à mon sens, c’est ça le but des études : ouvrir l’éventail des choix possibles.
Comme j’avais de bonnes notes, au collège et au lycée, on m’a orientée directement en filière générale, avec en ligne de mire le bac avec mention, puis le parcours licence-master-doctorat.
Jamais on ne m’a suggéré d’envisager des filières plus courtes, des domaines professionnalisants, des métiers manuels. Jamais on ne m’a dit que je pourrais m’épanouir en CAP, en BEP, en bac pro.
Car j’étais « une bonne élève ». Et que les bonnes élèves, ça fait des études supérieures. Même sans en avoir forcément les moyens financiers. Même sans en avoir forcément envie.
À l’inverse, beaucoup de mes camarades qui étaient moins doués dans une scolarité classique ont été poussés très jeunes dans des filières techniques.
Ni eux, ni moi n’ont spécialement eu le choix — car à 13, 14, 15 ans, difficile de se dresser contre l’autorité qui garantit que « c’est ta voie, c’est pour ton bien ».
Les études supérieures, à tout prix ?
Peut-être que revaloriser des métiers manuels, des filières courtes et professionnalisantes, permettrait — en partie — de régler le problème de la précarité étudiante.
Surtout à l’heure où des gens se traînent chaque jour pour accomplir des bullshit jobs avec leur bac +3 ou +5, à l’heure où beaucoup se reconvertissent dans des métiers plus concrets…
Et à l’heure où j’ai l’impression que beaucoup de jeunes cherchent à donner du sens à leur parcours, à leur future occupation professionnelle.
Ce qui ne passe pas forcément par de longues études.
Plus d’information autour des études supérieures, et du monde du travail
Je trouve qu’il y a aussi un certain manque d’information autour des études, des débouchés, des parcours professionnels, et autour des aides de l’État.
Une étudiante qui redouble sa L2 sait-elle que ça met potentiellement sa bourse en danger ? Un étudiant qui se lance en bac+5 sciences sociales a-t-il une idée claire de son objectif professionnel ?
Une réelle éducation à l’orientation, moderne et adaptée à la réalité actuelle, pourrait peut-être limiter le nombre de gens paumés dans leurs études et/ou dans leurs jobs…
Comprends-moi bien, à aucun moment je ne veux nier la souffrance de l’étudiant qui s’est immolé, de Sophie, ou des centaines d’étudiants et étudiantes précaires dont tu fais peut-être partie.
Mais en attendant, je m’interroge, tout simplement. Et je t’interroge : qu’est-ce que la mobilisation #LaPrécaritéTue t’évoque, à toi ?
À lire aussi : 23% des jeunes Français sont pauvres
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Ça dépend si tu es riche ou non. 8000 euros, c'est une somme pour certain.es, et se prendre un crédit tout le monde n'en a pas les moyens.
Pour d'autres, 8000 euros c'est rien. Ou c'est gérable, même avec redoublement.