Peut-on choisir à la place d’une victime de publier, sans son consentement, les détails de sa propre agression, sous prétexte d’une « vérité journalistique » ? C’est toute la question que pose la publication, ce jour, de PPDA, le Prince noir, un portrait fouillé de l’ex-star du 20 Heures dans lequel son auteur affirme avoir rencontré de nouvelles victimes.
Évidemment, la réponse est non. C’est pourtant ce qu’assurent les éditions Fayard, à travers la voix de sa PDG, Isabelle Saporta, et du journaliste Romain Verley, auteur du livre problématique.
« Le Prince noir » relate en détail l’agression de l’une des victimes de PPDA
La polémique débute alors que Fayard s’apprête à publier un livre-enquête sur Patrick Poivre d’Arvor, contre lequel 22 femmes ont porté plainte, dont 11 pour viol. Écrit par le journaliste Romain Verley, également à l’origine d’un numéro de « Complément d’enquête » autour de PPDA diffusé sur France 2, le livre relate, en détail, le récit de l’agression de l’une des victimes de PPDA, alors qu’elle avait 19 ans. Dans l’ouvrage, cette dernière est directement nommée. Sauf qu’elle assure n’avoir jamais rencontré Romain Verley, et ne jamais lui avoir parlé dans le cadre de ce livre.
Si comme le rapporte Le Parisien, la plaignante avait bel et bien participé à une émission collective organisée par Mediapart, dans laquelle de nombreuses victimes de PPDA témoignaient, elle n’avait jamais détaillé les faits constitutifs de la plainte qu’elle avait déposée en juin 2021. Romain Verley ayant simplement récupéré son témoignage dans les extraits de son audition à la police en mars 2021.
Atteinte à la vie privée
Par la suite, la plaignante avait alors assigné en justice l’éditeur et l’auteur du livre pour atteinte à la vie privée, et demandé à ce que la parution du livre soit conditionnée à la suppression des passages relatant son agression, « pour protéger sa vie privée et son entourage familial et professionnel », sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Comme le relate le Canard Enchaîné du 8 février, dix des accusatrices de PPDA avaient aussi écrit à Romain Verley et son éditrice : « Nous sommes consternées par la lecture de votre livre (…). Vous vous vantez d’avoir des « témoignages exclusifs » et d’avoir recueilli le récit des plaignantes. Sur la centaine de femmes qui ont raconté ce que leur a coûté leur rencontre avec Patrick Poivre d’Arvor, seules quatre ont accepté de vous parler (…) ».
Mardi 7 février, le Tribunal de Grande Instance de Paris s’est pourtant prononcé en faveur de la publication du livre, dans une décision vigoureusement critiquée par plusieurs victimes de PPDA, dont Hélène Devynck :
« Elles doivent comprendre que Romain Verley va les aider »
Des réactions dénoncées par Isabelle Saporta, PDG des éditions Fayard, qui a accusé les victimes de vouloir « museler la vérité journalistique » : « Tout a été fait selon les règles de l’art. La vérité journalistique n’est pas là pour faire plaisir. Je suis très étonnée que, venant de la part de femmes journalistes, il y ait une volonté de museler. Elles doivent comprendre que Romain Verley va les aider à mettre à bas ce système. C’est une force pour elles ».
Une réaction qui peut légitimement faire bondir. Surtout que, si Isabelle Saporta met en avant les « règles de l’art journalistiques », son auteur reconnait de son côté, selon le Canard Enchaîné du mercredi 8 février qu’il aurait « dû effectivement la contacter » [la victime, NDLR]. Les règles de l’art, vraiment ?
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Les Commentaires
Il pouvait se baser sur les témoignages disponibles publiquement. Il pouvait, si les personnes étaient d'accord, publié les témoignages qu'il a lui-même receuilli. En revanche utilisé une déposition, qui n'avait pas fuitée avant pour raconter en détail un viol... Franchement c'est n'avoir aucune considération pour la personne.