J’ai beau crier sur tous les toits que ça ne m’intéresse pas, j’ai beau dire que la télévision ramollit le cerveau et la cuisse, et que la télé-réalité est un enfant du démon, je n’arrive à passer dans le camp de ceux que ça ne fascine pas.
Secret Story, Master Chef, L’Amour est dans le Pré, Les Anges de la Télé-Réalité, Tellement Vrai, rien ne m’échappe. La seule excuse que je me trouve est bien naze : je ne regarde pas la télévision, mais du replay, ce qui me permet de zapper en deux clics énervés les quotidiennes les plus molles et les émissions trop clichés. J’ai également l’impression de ne pas vendre mon temps de cerveau à la publicité par ce procédé, mais pourquoi se mentir, je le donne gratuitement aux annonceurs pour mater 3 pauvres êtres en train de danser comme des mérous devant une vitre sans tain.
Le pire dans cette histoire, c’est que je suis incapable de raconter ce qui se passe dans ces 45 minutes de vacuité : mon cerveau se met en OFF complet, c’est à peine si je parviens à retenir le nom de deux enfermés par Endemol le temps d’une saison complète. C’est comme si mon sens critique s’anesthésiait, je regarde sans voir, j’écoute sans chercher à comprendre, je regarde cet aquarium plein de poissons en train de crever sans avoir le réflexe de l’épuisette ou de la poubelle. Le pire du pire reste tout de même ma propre participation à une émission de pseudo-réalité il y a une dizaine d’années. Heureusement pour moi, Youtube n’était alors qu’un petit site pourri, et je ne suis donc pas condamnée à me regarder bégayer comme une dinde pour l’éternité. Je ne dirai rien, même pas sous la menace, pas la peine d’essayer.
Je me demande si c’est lié à nos générations, celles qui vivent en direct avec la vies des autres sous le nez, entre statuts Facebook et SMS par centaines, pour ne rien dire surtout, que celle qui n’a jamais donné dans « je fais caca je pense à toi » me jette la première pierre. Je me demande ce qu’était la télé-réalité de nos grands-parents, et surtout ce que seront les émissions de ces dix prochaines années. La vie normale n’intéresse plus personne.
Il y a 10 ans, Delarue faisait son audience dans Ça se discute sur les malheurs des vrais gens, et l’ancestral C’est Mon Choix rapprochait un peu les déjantés du tricot et les obsédés du macramé. Aujourd’hui, c’est un bachelor nain qui fait vendre aux Etats-Unis, et on documente comme s’il s’agissait de faits d’anthologie les frasques de bimbos aux fesses bien galbées, Kardashian ou Hilton, y’a que les cheveux qui changent, pas le format des histoires racontées. Et nos voisins se révèlent être transformistes, stars du X, meneuses de revues ou Pamela Anderson wannabees, tout ca ne nous étonne plus, le grotesque devient mainstream et les réalités s’inversent, sorte de Matrix mal digéré, où la pilule bleue avalée te transporte directement en string à St Tropez.
Qu’est ce qu’on apprend finalement en se gavant des vies des autres ? Que la chirurgie esthétique casse les corps et rend les filles tristes, que manger des couilles de moutons même pour se faire peur, c’est pas bon, qu’un télé crochet national ne te rend plus star, que l’enfermement rend idiot, quel que soit ton potentiel de départ, qu’on peut rire de tout, même du racisme et de la bêtise d’une famille à qui on présente un incroyable fiancé. Le bilan est bien triste, et malgré l’habillage musical et les présentateurs survoltés, si on démaquille nos programmes idiots préférés, on regarde droit dans le vide, les yeux secs d’avoir trop cligné à la lumière dégueulasse de nos écrans adorés.
Je me dis que c’est impossible, qu’il y a quelque chose de chimique dans les ondes qu’on nous fait avaler, ou qu’en bon serpent perfide, comme dans un Livre de la Jungle moderne, ma télévision me parle et me séduit, elle tape où ça fait mal, elle frappe là où c’est mou, et je me laisse avoir à chaque fois. Peut-être juste qu’on manque tous collectivement de volonté, qu’on se laisse avoir par la facilité des programmes garantis 0% de matière grise, et qu’au lieu d’ouvrir un bouquin, de parler avec nos potes ou même de choisir un DVD, on se laisse gaver comme des oies de tous ces autres qu’on oubliera.
Il y a aussi ce drôle d’instinct de voyeurs qu’on porte tous dans un coin de notre crâne. Vouloir savoir ce que les autres font, les juger et les condamner. Se servir de leurs mauvais exemples pour nous rassurer, se dire que nous, on sait parler français correctement, qu’on aurait réussi cette épreuve haut la main, qu’on sait éplucher un oignon. Un genre de compétition étrange entre les pantins dans la boîte et nos propres capacités à être et à vivre. Combien de nos amis ont ils déclaré un jour « Moi c’est sur, je vais à Koh Lanta, je gagne direct », combien sommes nous à jurer comme des poux sur les candidats de ces émissions en les traitant de tous les noms, persuadés qu’on pourrait mieux faire, qu’on pourrait les aider, qu’on pourrait s’en sortir sans difficultés alors qu’ils pédalent dans la choucroute depuis déjà un été ? J’ai regardé cette semaine un épisode des « Chtis à Ibiza », sorte de Jersey Shore pour jeune adulte en difficulté capillaire, et j’ai passé 20 minutes à hurler et à postillonner sur une blonde qui n’arrêtait pas de chialer. Parce que moi, c’est connu, je ne chiale pas. Ahem. Enfin si. Mais pas comme ca. Et comme elle passe à la télévision, elle doit représenter. Représenter quoi au juste ? Les blondes ? Raisonnement stupide, mais qui montre notre capacité d’identification, et qui offre peut-être une piste sur notre addiction massive à ce genre de programmes.
Ou alors, l’abrutie, c’est moi. Et les génies, ce sont ceux qui sont dans l’écran. Va savoir.
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Les Commentaires
Autant le Loft 1 c'était rigolo parce que c'était nouveau, autant là, pour avoir regardé une fois Secret Story (et c'était bien la seule fois, je le jure), je trouve qu'on atteint des sommets de connerie.
Seuls trucs qui trouvent grâce avec moi: les reportages d'arte ou la 5 (je voyage par procuration) et certains films.