« Le plus gros fayot de l’histoire de l’éducation nationale » : c’est comme ça que les chroniqueurs de TPMP ont présenté Quentin Faugeras, un excellent élève de terminale au lycée Sainte-Marie de Bastide, à Bordeaux.
Quentin est peintre, passionné par l’archéologie et a vécu une enfance très difficile en Guadeloupe.
Le mercredi 22 mars, la chaîne du sud-ouest TV7 diffusait un reportage consacré à son lycée, et Quentin s’était enthousiasmé pour la pédagogie de l’établissement.
Le témoignage du lycéen est rapidement devenu viral, et l’équipe de TPMP l’a relayé en traitant Quentin de « fayot » et de « lèche-cul ».
Ce jugement de « cour de récré », qui encourage la culture du harcèlement scolaire (touchant 10% des collégien•nes en France) a suscité un tollé sur les réseaux sociaux.
Mais TPMP n’en est pas à son premier fait d’arme : en décembre dernier, le CSA avait engagé une nouvelle procédure de sanction à l’encontre de TPMP, suite à l’agression en direct d’une actrice par Jean-Michel Maire pendant les #35hDeBaba.
Elle pourrait conduire à une amende de 320 millions d’euros. Cette mesure, et le scandale qui a suivi la diffusion de la séquence, contraste avec les audiences de folie de l’émission, dont le public fidèle est toujours au rendez-vous.
Mais d’où vient cet engouement autour de TPMP ?
On a demandé à des madmoiZelles et madmoiZeaux s’ils regardaient TPMP, et pourquoi. On a aussi demandé aux amateurs•trices si leur vision de l’émission a évolué après ces dernières polémiques.
Touche Pas à Mon Poste, une bouffée d’air frais après le boulot
Yasmine est une téléspectatrice fidèle de TPMP. Pour, elle, l’émission de Cyril Hanouna, c’est surtout un moyen de se détendre devant un contenu divertissant.
« J’aime ça parce qu’après une journée de boulot et de pression, cette émission est devenue mon meilleur moment de la journée. »
C’est aussi l’avis d’un madmoiZeau qui a souhaité garder l’anonymat. Lui regarde TPMP tous les soirs depuis presque cinq ans, en replay s’il n’est pas présent pour le direct.
Étudiant en anthropologie et en sociologie avec un programme très chargé, il a besoin de déconnecter le temps de l’émission pour se remettre de sa journée :
« Après des journées lourdes, longues et fatiguantes, s’installer devant son poste et ne penser à rien, ça fait du bien.
Ce qui fait le succès de Touche Pas à Mon Poste, c’est le second degré de l’entièreté de l’émission. Rien n’est sérieux, excepté les débats.
Moi, je regarde pour me détendre, rire, et penser à d’autres choses moins importantes que ce que j’étudie la journée. »
Cette légèreté dans le ton et dans les thèmes, pour Charlotte, c’est la clef du succès de l’émission :
« On aborde tout un tas de sujets souvent frivoles mais qui nous soustraient à la morosité ambiante.
Non, ce n’est pas hautement intellectuel : je passe mes journées à étudier dans un environnement très exigeant et je n’ai pas forcément envie de regarder quelque chose d’intelligent en rentrant chez moi.
Comme la plupart des Français, j’ai envie de rigoler »
TPMP, pour beaucoup de téléspectateurs, c’est donc, comme le dit Kilian, un « bon moment », un espace télévisuel pêchu qui permettrait de se détendre, et qui offrirait à toute la famille de se retrouver.
Yasmine y a d’ailleurs converti ses parents, et Charlotte ne manque jamais un épisode avec sa famille.
TPMP, un rendez-vous quotidien avec une « famille » de chroniqueurs
L’émission devient donc un rendez-vous quotidien, un petit plaisir qui se transforme progressivement en habitude.
Zoé, qui a commencé à regarder alors qu’elle était en prépa et qu’elle se sentait seule et perdue dans son orientation, y a trouvé un certain réconfort :
« J’avais besoin d’un truc régulier qui ne me rappelait pas que je m’étais plantée dans mon orientation et qui me sortait un peu de mon quotidien… »
Et surtout, grâce à TPMP, elle s’est sentie moins seule. Elle éprouvait du plaisir à retrouver certains chroniqueurs auxquels elle s’était attachée, et elle a même eu un petit crush pour Jean-Luc Lemoine.
Loin de ses parents, un peu déprimée, elle a eu l’impression de trouver une sorte de famille d’accueil.
« C’était surtout ça en fait, ils avaient l’air pour moi d’une grande famille, un groupe d’amis.
Même si les miens ne m’ont jamais lâchée pendant cette période, j’avais besoin de ça, parce que je n’habitais plus chez mes parents, et parce que mes copines de prépa étaient à fond dans leurs cours et ne sortaient pas.
Alors je restais chez moi, j’étais assez seule à ce moment là de ma vie. »
Pour Charlotte aussi, les chroniqueurs sont presque des amis, elle les voit comme « une bande de potes très attachants » avec lesquels elle peut rigoler.
Il existe donc une vraie connivence entre les présentateurs de l’émission et ses téléspectateurs fidèles.
Julie affirme par exemple « connaître bien » Hanouna, et Yasmine l’appelle par son prénom. Pour elle, quand on regarde l’émission régulièrement, on s’aperçoit forcément très vite que le présentateur a « un coeur en or ».
Des chroniques passionnantes et sans détours sur les coulisses de la télé
Si beaucoup ne s’intéressent pas à l’émission pour son contenu, de nombreux téléspectateurs réguliers ont commencé à la regarder pour ses critiques de la télévision sans détours et assumées, comme Farida, qui a découvert TPMP il y a quelques années :
« Je me suis dit, enfin une émission qui nous montre les coulisses, comment ça se passe dans le milieu de la télé, une émission qui décrypte les programmes sans langue de bois, tout en nous faisant rire. »
« Enfin une émission sans langue de bois ! », s’exclame aussi Amélie. Pour elle, c’est une vraie valeur ajoutée que les chroniqueurs n’aient pas peur de « donner de vrais avis sur toute la télé », et ne soient jamais snob.
« Je me souviens d’Enora Malagré, qui dénonçait le sexisme et à qui on donnait volontiers la parole (amazing, pas vrai ?).
J’aimais écouter les analyses de chacun, j’en prenais, j’en laissais et je me faisais finalement ma propre opinion sur les sujets traités.
Le tout était ponctué par des chroniques potaches qui me faisaient sourire. »
Ce sont tout ces ingrédients qui font probablement le succès de TPMP, et qui assurent à l’émission une audience fidèle et conquise. Pour certains téléspectateurs, d’ailleurs, les récentes polémiques n’ébranlent pas leur intérêt pour l’émission.
Les polémiques autour de TPMP sont-elles justifiées ?
Sur cette question, les avis sont partagés.
Charlotte, par exemple, en a « vraiment marre du bashing perpétuel que subit cette émission et du mépris avec lequel son public est traité ».
« Pour ce qui est des accusations d’harcèlement, je pense qu’on peut rire de tout, même des nouilles dans le slip de Matthieu Delormeau, tant que la personne n’en est pas choquée.
J’ai moi-même été harcelée plus jeune à l’école, et je ne me suis jamais outrée car je n’ai tout simplement pas vu le rapport.
Ce sont des raccourcis souvent fait pour faire le buzz et importer des sujets sociaux graves qui n’ont aucun rapport avec le divertissement proposé.
Par ailleurs, je trouve personnellement cette émission est hyper tolérante : elle est très gay-friendly (enfin, l’homosexualité de certains chroniqueurs n’est plus taboue), elle reçoit des chroniqueurs juifs, arabes, noirs, tout cela dans une super ambiance.
Et personne ne se prend au sérieux et tout le monde se vanne, en s’amusant des particularités de chacun. »
Pour d’autres, c’est pourtant devenu insupportable de regarder TPMP.
Zoé, qui a arrêté de regarder l’émission après l’avoir beaucoup suivie, affirme être « souvent écœurée quand j’apprends tout ce qui se passe dans TPMP, quand de mon point de vue, à la base l’émission n’était pas comme ça ».
TPMP, le harcèlement et le consentement
Le malaise, pour nos lectrices, vient déjà de la position malsaine des chroniqueurs vis-à-vis d’Hanouna. Pour Justine :
« Le parallèle avec le harcèlement scolaire n’est pas totalement ridicule.
Parfois, j’ai l’impression d’assister à des scènes de cours de récré où un gamin se fait humilier par un de ses camarades mais continue toujours à traîner avec lui et à le considérer comme son ami, malgré les dégâts que cela peut provoquer sur sa personne. »
Et Justine interroge aussi les déclarations de Delormeau, qui dit n’avoir aucun problème avec les défis plus ou moins humiliants auxquels Hanouna l’oblige à participer.
« Où est le consentement lorsque la main qui vous nourrit est également celle qui vous frappe ? »
C’est d’ailleurs principalement ce qui dérange Farida, qui nous confie regarder « de moins en moins » l’émission.
« Je trouve les gages donnés aux chroniqueurs de plus en plus gênants et rabaissants. Par exemple, je me souviens que les chroniqueurs devaient choisir l’un d’entre eux pour passer en dessous d’un serpent.
Ils ont tous désigné Matthieu Delormeau, alors qu’ils savaient qu’il en avait une peur phobique.
Pendant cinq minutes, il a refusé de participer, malgré la pression de Cyril, des chroniqueurs et du public. C’était vraiment gênant à voir. Au final, il l’a fait. Je trouve que ce genre de séquence n’apporte rien à l’émission. »
Pour Arnaud et Justine, le vrai problème de l’émission réside précisement dans la définition très floue du consentement qui la caractérise — même si, comme le dit Arnaud, « cette incapacité à appréhender le concept du consentement, ça ne date pas d’hier dans l’équipe à Baba ».
« Le groupe dégage pour moi une attitude, une image très malsaine que j’ai du mal à décrire », complète Justine.
Comme beaucoup de téléspectateurs, Justine a d’ailleurs été très choquée par l’agression sexuelle en direct d’une actrice payée par l’émission. Pour elle, c’était « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ».
Elle craint d’ailleurs que cet acte encourage l’impunité des agresseurs et des violeurs.
« Quelle belle image de la culture du viol ! Et lorsque je vois les commentaires sur Twitter, j’ai la nausée. »
L’humiliation des chroniqueurs, les débordements sexistes de ces derniers, le manque de respect du consentement dans l’émission, tout cela a provoqué chez certain•es de nos témoignant•es une remise en question de leur rapport à TPMP.
Beaucoup ont même complètement arrêté de regarder. Comme le dit Élodie : « là, vraiment, trop, c’est trop ».
Et aujourd’hui, qu’en est-il du contenu de TPMP ?
En outre, le contenu même de l’émission est souvent jugé moins intéressant qu’avant par les anciens téléspectateurs : Farida regrette par exemple qu’il y ait « de moins en moins de contenu audiovisuel, ce qui est dommage ».
Beaucoup pensent aussi que les chroniqueurs sont moins écoutés.
Amélie dénonce le fait que toutes les interventions intelligentes sont « systématiquement tournées en ridicule et qualifiées d’ennuyeuses », surtout quand elles viennent de femmes.
Yoan renchérit : à son avis, depuis que l’émission est diffusée sur D8, « elle a progressivement viré vers le divertissement pur, en perdant peu à peu de son fond pour ne garder que la forme ».
Il trouve même que l’émission ne mérite plus son titre, « puisqu’elle ne parle plus vraiment de ce qui se passe à la télé ».
Et pire encore pour notre autre madmoiZeau anonyme : alors qu’à l’origine, l’émission devait critiquer la télé-réalité et les émissions de NRJ12, il a désormais presque l’impression d’assister à une émission de télé-réalité !
Pour Farida, la solution, c’est de regarder l’émission en replay :
« Mais dans ce cas là, j’avance toutes les parties « défis », ce qui rend l’émission beaucoup plus agréable à regarder. »
Justine, elle, a presque arrêté de regarder l’émission. En dehors des différentes polémiques qui la mettent désormais mal à l’aise, elle a aussi l’impression que TPMP ne s’adresse plus à elle, qui a vingt-cinq ans, mais à un public plus jeune, et sensible au buzz.
Elle conclut d’ailleurs en disant : « Il est bien loin le temps où je regardais TPMP comme un divertissement ! ».
Et voilà pour notre tour d’horizon des raisons qui motivent les gens à regarder TPMP. Si vous aussi vous avez regardé ou que vous êtes toujours fidèle, venez en discuter dans les commentaires !
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