L’autre jour, je racontais à l’équipe que je ne supportais pas de regarder des films pornographiques. Ce qui les a un petit peu surpris.
Il est vrai que je suis plutôt à l’aise avec la sexualité en général et avec la mienne en particulier, que je n’éprouve aucune répulsion quand je me renseigne sur des pratiques sexuelles qui me paraissent au premier abord peu ragoûtantes (kikoo le prolapse !) et que je ne juge aucune façon de copuler tant qu’elle implique 2 (ou 12 (ou 150)) personnes consentantes. Pourtant, je suis mal à l’aise quand je regarde un film porno, ce qui peut paraître un peu incohérent. C’est mon petit côté coincée du fion, c’est mon aveu de faiblesse, c’est mon talon d’Achille, mon string en fil barbelé.
C’est pendant cette discussion que je me suis entendue dire « Eh mais ça mérite un article, Birguitte« . Le porno étant auréolé d’un bon gros paquet de clichés tenaces, j’ai justement voulu qu’on les démonte ensemble. Non, le porno, ce n’est pas sale. Non, les amateurs de films X ne sont pas des déviants sexuels en puissance. Pour comprendre un peu plus le phénomène, j’ai demandé à nos lectrices quel était leur rapport à la pornographie, ce qu’elles y aimaient et ce qu’elles n’y aimaient pas.
Un clic sur ce montage est not safe for work, comme on dit. (Un montage de la talentueuse Flo, professionnelle du boudin de porte)
La pornographie et l’image biaisée du sexe
Les films pornographiques sont auréolés d’une multitude de clichés. Tout d’abord, certains avancent comme argument qu’ils présenteraient une image erronée de la sexualité. Mais qui pense encore sincèrement que les films sont des calques de la réalité ? Plus personne n’est convaincu que les comédies romantiques sont le reflet de nos vies sentimentales ou que les relations familiales se passent toujours comme chez Chabrol. Bien sûr, on peut se reconnaître dans certains éléments, s’identifier à certaines situations, mais jamais au grand jamais penser qu’il y a tout à y prendre et rien à y jeter. Comme pour n’importe quoi d’un tant soit peu artistique.
Cliché du plombier cochon : achieved.
Cela s’applique au porno, quand on y pense bien. À titre d’exemple, une lectrice qui a accepté de répondre à mes question a dit être excitée par le fait que, dans la plupart des films pornographiques hétérosexuels, les femmes étaient soumises à outrance aux hommes jusqu’à une certaine violence :
« »J’aime » le porno, parce que c’est du « lourd ». En règle générale, la femme y est soumise à l’homme, malmenée, les actes/paroles ne sont pas ceux que l’on retrouve dans une vie sexuelle habituelle (en tout cas, Dieu merci, pas dans la mienne), mais c’est justement ce mépris de la femme, l’idée de la voir objet à ce point, qui m’excite tant. »
Et ce n’est pas pour autant que cette madmoiZelle accepterait qu’on la traite de cette manière :
« Je le répète, je ne tirerais aucun plaisir à être traitée comme dans un porno (même si je trouve ça kiffant de me sentir soumise, j’ai des limites plus importantes), mais j’adore voir ce mépris de l’autre dans ce type de films. Clairement, c’est cette violence qui m’excite. »
En ce sens et si j’ai bien compris, le porno peut se révéler comme une sorte d’extrémisation de nos attentes au lit, comme si en regardant un porno et en fantasmant sur ce qu’il s’y passe, on projetait peut-être aussi un peu ce qu’on ne veut ou ne peut pas faire dans la vraie vie sur les personnages qui fricotent avec virulence sur notre écran.
"Et tu vois, là-bas, tout au bout, c'est mon gland."
Le porno, ou l’excitation rapide et facile
Pour certaines, le porno est avant tout un moment de plaisir et d’excitation intense. Plusieurs lectrices ont parlé d’un moyen de vivre une montée en puissance rapide et efficace.
« Ce que ça m’apporte, c’est de l’excitation immédiate, le porno c’est quasiment le fast food de la libido (de la mienne en tout cas, et de celle de mon ami). J’en regarde seule, parce que pour moi la sexualité solo est aussi importante que celle à plusieurs, j’en regarde avec mon ami et avec mes amants de passage – même si plus rarement avec ceux-là. »
Pour certaines, regarder un porno c’est comme se (faire) toucher le clitoris sans passer par les contours : pour elles, il semblerait que ce soit le meilleur moyen pour être excitée très rapidement, parce que nous n’avons pas toujours envie de prendre le temps pour prendre notre pied. Une sorte de préliminaire efficace, un booster de libido au moteur digne d’une voiture de F1. Et ça marche pour les amatrices, les inconditionnelles, mais aussi pour certaines qui avouent ne pas prendre de plaisir à regarder du porno.
« Les films pornos, je ne peux pas dire que j’aime ça. Mais c’est de l’excitation à l’état pur. Ceci étant dit tout dépend de la qualité du film, de l’ambiance, des voix (plus importantes que ce que je ne pouvais imaginer), etc. »
Comme les fantasmes qu’on peut avoir en tête, les films pornographiques peuvent aussi remplir l’un de leurs buts premiers : l’accompagnement de la masturbation, au-delà d’une forme d’éducation sexuelle, d’une source d’inspiration, d’une façon de transgresser les règles établies par les autorités parentales et d’un plaisir comme un autre, comme nous le raconte cette lectrice qui a connu deux phases de visionnage de films X :
« Alors… Perso j’aime le porno. Depuis l’adolescence, j’ai découvert ça assez jeune. Au début, c’était évidemment la fascination pour le sexe, ce territoire inconnu (évidemment je n’ai jamais associé le porno à la « vraie » découverte du sexe adolescent), l’exploration de mes sensations, l’excitation qui monte et les hormones qui travaillent, le côté « interdit » de la chose…
Aujourd’hui, chez moi le porno remplit sa fonction première, basique : excitation super rapide > masturbation > orgasme. Fap time, point barre. »
Le porno est donc un genre sain, bien loin de n’être regardé que par des adolescents enfermés dans leur chambre avec un Sopalin à proximité comme tendraient à nous faire croire les clichés véhiculés par la presse ou le cinéma à la American Pie. Certaines jeunes femmes à l’aise dans leur sexualité ont toujours le réflexe d’en visionner de temps en temps, alternant les genres selon leurs envies du moment : porno hétéro, lesbien, gay, il y en a pour tous les genres et pour toutes les envies. Il y a des fois où les amatrices ont envie de se projeter dans la scène qu’elles sont en train de regarder (elles peuvent alors se tourner vers un porno hétéro ou homosexuel, selon leurs préférences) et d’autres où certaines préféreront se contenter d’observer la scène sans identification pour une excitation différente, comme nous l’explique cette lectrice :
« Je regarde pas mal de porno gay, je ne m’identifie pas aux acteurs, je me sens plus voyeuse, c’est vachement reposant. »
Alors pourquoi des personnes ouvertes d’esprit et qui n’hésitent pas à échanger sur le sexe n’y trouvent aucun plaisir (et peuvent même y rencontrer du déplaisir) ? Certain-e-s auraient vite fait de nous traiter de coincées de la fesse, ce que je refuse profondément : chacune a sa façon d’envisager le sexe et de d’enrichir ses connaissances en matière de plaisirs charnels.
Regarder des pornos : un bon moyen de s’épanouir sexuellement ?
Et si au fond, regarder des films pornographiques n’était pas aussi une bonne façon de s’ouvrir à des pratiques sexuelles dont on ne connaissait pas l’existence ou que l’on se refusait à envisager ? C’est du moins ce qu’il s’est passé pour cette lectrice :
« Je pense que le porno m’a permis une meilleure ouverture d’esprit, de voir des choses que je ne connaissais pas et que j’ai aimé (ou pas). Donc le porno, c’est pas une source d’inspiration, je vois plus ça comme une énorme encyclopédie visuelle de tout ce que la sexualité humaine a à offrir. »
Il y a de multiples façons de s’épanouir et de s’informer sexuellement. Certaines (comme moi) ont découvert d’autres pratiques en discutant avec les autres, en fouinant ça et là sur Internet ou en se retrouvant devant le fait accompli (« Oh, une excroissance masculine devant mon nez. ALLONS-Y FAISONS DES TRUCS »). À ces optons pour apprendre de nouvelles façons de faire du sexe, on peut ajouter les films pornographiques. Bien sûr, quand je discute avec des amies amatrices de films X, j’ai cru comprendre qu’il ne s’agissait absolument pas de reproduire au centimètre près les positions que des professionnels du body-language te présentent, mais plutôt de faire naître certaines idées dans nos esprits. Des sortes de mémo qui s’incrustent mine de rien dans nos têtes et ressortent au bon moment. Comme le rappelle à juste titre cette madmoiZelle, chacune trouve son inspiration sexuelle où elle a envie de la chercher :
« Après, des fois je vois des scénes qui me donnent envie, surtout dans les pornos un peu plus kinky/SM; et là oui, ça peut être un source concrète d’inspiration. Après tout, certaines prennent leurs idées sexo dans le Cosmo du mois ; bah je pense que quand on veut un peu plus de folie au lit il faut chercher ailleurs. »
À la question « Peut-on réellement s’inspirer d’un porno pour notre vie sexuelle ? », la réponse est bien évidemment oui. S’inspirer, ça ne signifie pas copier/coller ou imiter. S’inspirer, c’est bel et bien tirer quelques idées là où on a envie de les prendre. Lire des magazines, regarder des films érotiques ou pornographiques, discuter de sexe avec d’autres personnes et se concocter sa petite tambouille à soi.
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