Ce mercredi 24 février, les sages-femmes sont, à nouveau, en grève. Vous n’en avez peut-être pas entendu parler, et pourtant, leurs revendications méritent qu’on s’y intéresse, car elles concernent toutes les femmes (et pas seulement les mères).
Première revendication des sages-femmes : de la thune !
Une sage-femme à l’hôpital démarre sa carrière à 1800 euros net mensuels, et la termine à tout juste 3000 euros. Un montant bien faible si on le met en regard avec leur niveau d’études (Bac+5) et leur niveau de responsabilités (elles ont tout simplement la vie des mères et de leurs bébés entre les mains en salle de naissance).
Et je ne vous parle même pas des horaires décalés et de la précarité du métier : les sages-femmes passent souvent plusieurs années en début de carrière à enchaîner les CDD et les vacations à l’hôpital.
Chez les sages-femmes qui exercent en cabinet, l’herbe n’est pas forcément plus verte, comme l’explique Marie-Anne Poumaer, présidente de l’Union Nationale et Syndicale des Sages-femmes :
« Le revenu des sages-femmes en ville dépend du nombre d’heures travaillées, mais c’est une des professions libérales les moins bien rémunérées, en moyenne autour de 2.300 euros net mensuels ».
C’est pourquoi l’UNSSF demande la fin des contrats précaires à l’hôpital et une grille salariale qui démarre à 2.600 euros brut hors primes pour les sages-femmes hospitalières. Côté libéral, la revalorisation des actes est une revendication de tous les jours auprès de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, mais pour l’instant seules des discussions autour de la téléconsultation sont en cours.
Une profession très féminisée et sous-payée
Bon, des salariés qui veulent être mieux payés, vous me direz, on est des milliers (millions ?) à être dans ce cas. Alors pourquoi faudrait-il particulièrement soutenir les revendications salariales des sages-femmes ?
Commençons par un petit chiffre : 97% des sages-femmes sont… des femmes. C’est la profession médicale la plus féminisée, et c’est aussi la plus mal payée. Coïncidence ? Je ne pense pas…
Ah oui car, précision qui a son importance, les sages-femmes sont une profession médicale, au même titre que les médecins et les chirurgiens-dentistes, et pas une profession paramédicale, comme le précise Marie-Anne Poumaer.
« Les sages-femmes sont continuellement en train de se battre sur le terrain pour la reconnaissance de leurs vraies compétences. Une femme enceinte peut être suivie par une sage-femme depuis le début de sa grossesse jusqu’aux suites de couches. Si tout se passe bien, elle n’a pas à consulter un médecin, sauf bien sûr s’il y a une suspicion de pathologie, et dans ce cas là, on la transfère vers un ou une spécialiste.
Depuis 2009, nous avons récupéré en plus le suivi gynéco de prévention et la contraception. Et depuis 2016, le suivi de l’IVG médicamenteuse. Une expérimentation pour l’IVG chirurgicale devrait aussi être lancée bientôt.
La sage-femme est une profession médicale, mais ce positionnement n’est pas clair au sein de la fonction publique hospitalière où nous sommes beaucoup assimilées à des professions paramédicales. Et de là découle le problème des rémunérations. Nous voulons que la carrière des sages-femmes soit gérée par le Conseil National de Gestion et les directions des Affaires médicales — comme les médecins — et pas par les directions des ressources humaines. »
Alors, bien sûr, les années d’études pour devenir sage-femme sont moins longues que pour les médecins ou dentistes, mais cela justifie-t-il un si grand écart de salaire ?
Deuxième revendication des sages-femmes : des renforts !
L’autre revendication des sages-femmes, c’est l’augmentation des effectifs dans les maternités. Eh oui, on vous en parlait déjà
dans un précédent article, les sages-femmes accompagnent souvent plusieurs accouchements en même temps, et cela a un impact négatif sur le suivi des patientes, comme me le redit Marie-Anne Poumaer.
Évidemment, ça dépend des jours, mais on se retrouve très régulièrement dans des situations où l’on est sous pression, où l’on manque de temps et où l’on a cette angoisse de ne pas faire les choses convenablement parce qu’on a toujours le stress de ce qui se passe dans la salle de naissance d’à côté.
Les décrets de périnatalité qui fixent un plancher « minimum » (mais les établissements le voient souvent plutôt comme un maximum) datent de 1998 et n’ont pas été revus depuis ! Ces décrets sont obsolètes, et il y a un véritable souhait chez les sages-femmes aujourd’hui de pouvoir être plus proches des femmes. »
Que l’on soit une future mère ou pas, se mobiliser pour réclamer un meilleur accompagnement des femmes à la maternité ne peut être que bénéfique pour l’ensemble de la société (rien que ça !).
D’abord, parce que le manque d’effectifs peut entraîner des violences obstétricales (« ah non, madame, je n’ai pas le temps de vous rassurer ou de vous expliquer ce qui est en train de se passer, j’ai un bébé à réanimer dans la chambre d’à côté ! »), mais aussi parce que des mères bien accompagnées ont plus de chances de vivre un accouchement serein et sans complications, et donc des suites de couches plus faciles.
Le lien avec leur bébé s’en trouvera renforcé et le risque de dépression post-partum sera moins important (même si, bien sûr, ce n’est pas automatique).
Renforcer les effectifs de sages-femmes dans les maternités et donc, ni plus ni moins qu’un enjeu de santé publique.
Troisième revendication des sages-femmes : la création d’un entretien postnatal
Améliorer l’accompagnement des parents avant, pendant et après la naissance, fait d’ailleurs partie des objectifs affichés du gouvernement, qui a commandé un rapport sur les 1000 premiers jours à une commission de 18 experts, présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik.
Celui-ci prévoit, entre autres mesures, la création d’un entretien postnatal. Une mesure que les sages-femmes attendent de pied ferme, selon Marie-Anne Poumaer.
« Pendant la grossesse, il existe déjà un entretien prénatal, plus long qu’une consultation classique, pendant lequel on peut balayer d’autres choses et éventuellement réorienter la femme vers un psychologue si elle ne va pas bien.
On voudrait maintenant la création d’un entretien postnatal : les sages-femmes sont en première ligne pour dépister les signes de la dépression post-partum. Cela fait six mois que la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et le ministère nous baladent. »
Plus globalement, les sages-femmes libérales veulent une meilleure valorisation financière du travail qu’elles effectuent en termes de permanence des soins, pendant la grossesse et en suites de couches. Être disponible pour répondre aux questions des personnes enceintes et des jeunes parents, le soir et le week-end, c’est le quotidien des sages-femmes qui exercent en cabinet, précise Marie-Anne Poumaer.
« Actuellement, les femmes sortent de plus en plus tôt des maternités, puisqu’on est dans un grand virage ambulatoire à l’hôpital depuis une quinzaine d’années, avec beaucoup de fermetures de lits.
Aujourd’hui, les mères quittent les maternités [Ndlr : à leur demande parfois] sans que la permanence des soins soit assurée derrière. Il faut qu’elles puissent être prises en charge par une sage-femme libérale en ville et il faut que cela soit valorisé.
On veut bien être là, assurer des week-ends, des soirées, mettre en place un système d’astreinte avec des regroupements de sages-femmes, mais on n’est pas prêtes à faire du bénévolat, et l’on a déjà la sensation d’en faire beaucoup… Ouvrons des négociations pour en parler ! »
Justement, les représentantes des principales organisations syndicales de la profession, dont l’UNSSF, doivent échanger avec des conseillers du ministre de la Santé ce mercredi 24 février. En espérant que leurs revendications aboutissent, pour le bien des sages-femmes, mais pas que…
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