D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu l’impression qu’autour de moi, que ce soit dans les représentations dans les films ou dans les conversations que j’avais avec des potes, la fellation est plus pratiquée que le cunnilingus.
J’ai moi-même plusieurs fois rencontré des mecs qui me faisaient clairement comprendre qu’ils avaient envie de ma bouche sur leur bite… Mais qui se débinaient quand il était question de poser la leur sur ma vulve.
Alors bien entendu, chacun fait ce qu’il lui plait, le consentement, c’est important, et le sexe n’est pas un marché où on doit te rendre tout ce qu’un autre a donné.
Mais quand j’ai vu que le magazine Broadly avait demandé spécifiquement à des types pourquoi ils ne pratiquaient pas le cunnilingus, ça m’a interpellée…
Ne pas savoir faire de cunnilingus correctement, un fardeau ?
Ce qui est intéressant, c’est qu’au début, la journaliste qui a recueilli ces témoignages explique ne pas avoir réussi à trouver des hommes acceptant de parler de leur aversion pour cette pratique.
Alors, elle a écrit un premier papier où elle a interrogé des spécialistes du sexe à ce sujet. Le sexologue Chris Donaghue y expliquait :
« La capacité d’un homme à faire jouir une femme en tiraille plus d’un.
Comme de nombreuses femmes n’ont d’orgasme que par stimulation de leur clitoris, et qu’une bouche peut faire l’affaire à ça, je pense que beaucoup de mecs refusent d’admettre qu’ils ne savent pas vraiment donner du plaisir à leur partenaire. »
Une autre sexologue interrogée, Shannon Chavez, explique recevoir de nombreux gars qui ont décidé de jeter l’éponge et d’arrêter de lécher après parfois seulement une ou deux mauvaises expériences.
« Je pense que le manque de compétence et l’absence de sensibilisation à la sexualité apporte beaucoup de honte. »
J’ai souvent entendu que le sexe, c’est censé être « naturel », qu’il n’y aurait pas de « techniques »
qui marchent plus que d’autres. Alors tu m’étonnes qu’après ça, tant de personnes se sentent mal de ne pas être « naturellement » douées.
Je pense vraiment qu’il y a des moyens de s’améliorer. Et le premier est d’admettre qu’on ne réussit pas tout du premier coup, mais qu’en communiquant l’un•e à l’autre ses préférences, on peut s’améliorer…
Mais le discours tenu par les mecs qui ont témoigné suite à ces avis d’experts est très loin de cette piste avancée…
Les diverses raisons évoquées par des hommes qui ne lèchent pas
Le premier, George, explique par exemple tout simplement que cette pratique ne l’attire pas. Qu’il a essayé avec sa première copine, et que s’il n’a jamais vraiment pris la décision d’arrêter, et bien, il n’a plus jamais ou presque réitéré l’experience.
« Je crois que pour moi, ça peut s’expliquer par le fait que je n’aime pas particulièrement me faire sucer. Je ne demande jamais à des femmes de le faire. (…) En revanche, je pense que je doigte bien, et que le sexe oral n’est pas impératif dans le sexe. »
Après tout, il est certain que chacun fait ce qu’il lui plait et le discours de George est tout à fait légitime.
En revanche, j’avoue avoir été plus mal à l’aise avec celui de Jacob, un homme de 31 ans qui dit avoir un palais et un odorat particulièrement sensibles…
« J’ai déjà essayé de faire des cunnilingus dans le passé, et ça a été traumatisant pour tout le monde ! Pour moi parce que j’ai trouvé ça dégueulasse, et pour ma partenaire parce que, évidemment, personne n’aime qu’on lui dise que ses parties génitales sont déplaisantes.
En plus de ça, je n’aime pas mettre dans ma bouche des choses autres que la nourriture et la boisson, les fluides corporels ne sont pas sur ma liste de courses ! »
Enfin, Kent raconte s’être transformé en connard après une rupture douloureuse. Pendant une décennie, il a développé un dégoût de la pratique…
« Pas moyen de me faire lécher une meuf que je rencontrais dans un bar ! Je ne sais pas avec qui elle avait été avant, et il n’y a pas de préservatif pour la langue et la bouche [vous pouvez cependant utiliser des digues dentaires, ndlr]. (…)
Je justifiais mon manque de volonté à user de ma bouche par le fait que j’avais l’impression de devoir lécher une lunette de toilettes. Les gens défèquent par là, et j’avais l’impression que ma bouche n’avait rien à faire là. »
Après 10 ans, ses amis l’ont finalement convaincu de passer outre son dégoût, et il explique aujourd’hui faire régulièrement des cunnilingus à sa copine.
Le cunnilingus, la vulve et la pipe
Si les cas présentés sont relativement extrêmes, j’ai rencontré plusieurs garçons qui m’ont dit être repoussés par l’odeur. On ne va pas se mentir : elle existe. Maintenant, si l’hygiène est correcte, l’odeur n’est pas censée être plus forte que ça.
Si elle l’est, n’hésitez pas à aller voir un médecin, il est possible que la vulve ait une petite infection. Ce n’est pas forcément grave, mais il ne faut pas laisser trainer pour autant.
À partir de là, chacun fait ce qu’il lui plait… Et amusez-vous bien !
PS : je pars bientôt et je n’aurai pas le temps d’en faire un article, alors je profite de parler d’odeur et d’organes génitaux pour vous dire qu’on vous sent les mecs qui veulent se faire pépom l’air de rien alors qu’ils n’ont pas essuyé la petite goutte après avoir fait pipi.
Êtes-vous dégueulasses ? Parfaitement.
À lire aussi : Comment faire un cunnilingus ? Le tuto de « Aaah » à « Oooooh »
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On a hâte de vous lire !
Les Commentaires
C'est un peu tard.
Je suppose que des points de vue ont changé entre temps sur ce doux sujet, je sais pas.
Au cours de ma vie intime de femme hétéro (chanceuse que je suiiiiis) j'ai rencontré de tout : des hommes qui adorent lécher, des hommes qui le font par politesse, des hommes qui le font après négociation en amont (mais pour qui se faire sucer est une évidence), et deux qui ont refusé d'en pratiquer.
Face à des hommes rebutés par la pratique, je suis passée par plein d'étapes, au fur et à mesure de ma prise de conscience féministe, de mon expérience et de mon affirmation (1. Être une bonne meuf qui sait garder son mec et ne se fait pas tromper, c'est savoir sucer, même si un mec qui lèche pas alors qu'il est en demande c'est pas très normal et c'est immature, mais je m'en fous l'essentiel c'est d'être une bonne meuf ; 2. T'es un coup d'un soir, tu lèches pas je suce pas, point. Mais si t'es mon mec je veux te garder et je te désire donc je le fais, bien que toi tu ne répondes pas beaucoup aux attentes que j'exprime (tristesse et insécurité); 3. Mais attends je lis des trucs sur Madz, dans Causette et sur des sites féministes, des trucs qui expriment clairement la violence sous-jacente que j'ai vécu et que je n'ai pas pu exprimer auparavant. Je me serais pas fait mettre bien profond, pour le coup ? 4. Même si t'es l'homme de ma vie, si tu fais pas je fais pas, c'est donnant-donnant mon amour).
Parce qu'il y a d'autres choses qui viennent s'ajouter au contexte, quand même.
Et que le donnant-donnant, c'est pas de trop quand on voit à quel point les femmes ont accepté et acceptent encore des choses injustes.
En soi, donner du sexe oral à une personne dans le cadre de l'amour, du désir, du respect, c'est beau et épanouissant pour tout le monde. En soi, aucune pratique n'est dégradante. En soi, on peut bien refuser ce qu'on aime pas sans pour autant être taxé de mec cissexiste.
Si on vivait dans un monde de bisounours égalitaires, j'entends.
Mais voilà, quoi. Weinstein, PPDA, Hulot, Georges Tron, Pascal OP. Fellations forcées. Porno avec fellations violentes incontournables. Plaisir féminin auculté partout. Parole masculine majoritaire mais presque jamais entendue sur les questions intimes ( charge mentale, plaisir féminin, règles, fausses couches, IVG, contraception).
Sexe pénétratif encore incontournable dans l'imaginaire collectif et dans les chambres à coucher (ça éviterait pourtant bon nombre de rapports douloureux, et éventuellement des grossesses non désirées).
Femmes entendues essentiellement lorsqu'elles parlent de la sphère familiale (pour gueuler dans les stades au moment où pas un seul homme n'est présent à des km à la ronde, pour témoigner sur France 2 mais France 2 ne parle pas des vraies raisons du burn out maternel...).
Aujourd'hui je me pose encore la question de savoir si mon sexe est dégoûtant ou non (alors qu'objectivement il ne l'est pas du tout). Aujourd'hui, mes vieilles insécurités me reviennent en pleine gueule. C'est lié à la sphère intime, bien sûr. Mais aussi à la sphère politique et à toute cette m**de qui émerge de partout (incestes, etc. etc ). Au fait qu'un bon pourcentage de Français sont prêts à voter Zemmour.
Et puis, elle avait raison, la Madz en colère qui mettait pas les formes : féminicides, viols, salaires inégaux, invisibilisation de tout ce qui n'est pas homme blanc cis.
Alors, désolée les gars, mais la pepi ce sera sans moi désormais, que vous léchiez ou non. J'aurais adoré faire l'amour dans le partage et la valorisation du corps de l'autre, dans un monde ou fellation ne serait pas connoté soumission et cunnilingus ne serait pas connoté saleté.
Mais non.
Vous avez bien niqué la sexualité. Les anti-sexe, c'est vous. Grâce à vous, je me dégoûte et vous me degoutez, alors même que mon corps, mon visage et mon sexe sont beaux. Alors même que les vôtres aussi, en soi, pourraient être considérés comme beaux .
Vous avez fait d'une pratique amoureuse un instrument de honte, de soumission et d'humiliation. Et de son homologue une faveur, un simple préliminaire alors qu'elle aurait pu être du sexe à part entière.
Même si, ok, y'en a parmi vous qui. Y'en a parmi vous qui comprennent que. Y'en a qui ont déconstruit leurs.
C'est pas suffisant.
Je fais désormais partie de celles qui pensent que maintenant, va falloir compenser toutes ces années perdues, ou vous en aller et rester entre vous.