« Pourquoi nous les gros, on consomme encore du SHEIN ? » Telle est la question à laquelle tente de répondre Virginie Grossat sur TikTok. Près de 430 000 personnes suivent cette influenceuse mode grande taille, qui a posté le 4 juillet 2023 une nouvelle vidéo abordant l’épineuse question. La créatrice de contenu explique avoir, hélas, l’habitude de recevoir beaucoup de commentaires grossophobes, mais que les critiques redoublent dès qu’elle affiche avoir acheté auprès du géant chinois de l’ultra fast fashion.
À part SHEIN, où les personnes grosses peuvent-elles s’habiller jusqu’à la taille 68 ?
Calmement, avec des mots simples et des chiffres à l’appui, l’influenceuse mode grande taille Virginie Grossat décrypte ainsi sur TikTok :
« Dès que je publie une tenue en SHEIN, je me fais détruire sur les réseaux, en plus des commentaires grossophobes habituels. Il ne faut pas croire, on est tous au courant et conscient de l’impact environnemental de la marque et des conditions de travail. Mais ces pratiques sont communes à d’autres marques de fast fashion et bizarrement elles ne sont pas dans votre ligne de mire.
Pour rappel, SHEIN propose de la mode accessible, inclusive, pas chère, jusqu’à la taille 68. Qui peut se targuer d’en faire autant aujourd’hui ? »
En effet, peu d’entreprises proposent un si large panel de taille. Parmi les Françaises grand public qui s’en approchent le plus, on peut compter par exemple Gemo et Kiabi mais les deux s’arrêtent au 54. Autrement, il faut se tourner vers des marques spécialisées sur le segment grande taille (Laura Kent, Ulla Popken, Yours Grandes Tailles, ou encore Bleu Bonheur), mais qui cherchent moins souvent à coller aux tendances du moment pour de multiples raisons (à commencer par la volonté de proposer des modèles qui puissent être reconduits de saison en saison, donc plutôt intemporels, étant donné leur spécialisation qui les empêche en partie de prendre trop de risques stylistiques).
Comme le rappelle Virginie Grossat, il s’avère très difficile de trouver des vêtements dans le commerce traditionnel au-delà de la taille 44, et une mission quasi-impossible au-delà du 52, aujourd’hui en France. Ce sont surtout des marques de fast fashion qui se positionnent sur le créneau grande taille, même s’il s’agit d’un large panel de la population française. En croisant des statistiques, l’influenceuse rappelle que le surpoids et l’obésité sont davantage représentés parmi les catégories socioprofessionnels modestes (milieux ouvriers et agricoles, personnes en recherche d’emploi) et parmi les populations vivant relativement en retrait des grandes villes où se concentrent boutiques de vêtements et friperies. Avant de poursuivre :
« Ces personnes n’ont pas forcément les moyens de s’offrir des pièces éthiques qui coûtent beaucoup plus cher. Alors vous me direz : seconde main ! Mais je vous mets au défi de trouver dans une friperie des vêtements grande taille. Quand il y a de l’oversize, c’est pris d’assaut par les fashionistas qui font leur petit look avec. Et ensuite sur Vinted, l’offre grande taille est très limitée, le peu de chose qu’on trouve n’est pas beau (sauf si vous allez sur mon compte). Alors oui, on est bien conscient du problème, on consomme de la fast fashion et du SHEIN pas forcément par envie, mais surtout parce qu’on a pas le choix. Donc la prochaine fois que vous vous apprêtez à mettre un énième commentaire insultant, réfléchissez un peu. »
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Pourquoi les personnes grosses sont surexposées au shaming de consommer SHEIN
Et puisque les personnes grosses ont statistiquement plus souvent un budget modeste, il serait assez logique qu’elles aient moins tendance à surconsommer de la fast fashion ou du SHEIN que les personnes minces. Rappelons d’ailleurs une autre réalité statistique : ce sont plutôt les foyers les plus riches qui polluent le plus, comme l’écrit le média Tilt (de l’Agence française de développement) avec l’association Oxfam. Les 1 % les plus riches émettent même plus que les 50 % les plus pauvres de l’humanité et voient leur part des émissions mondiales augmenter plus rapidement. D’où l’importance de réfléchir aux dynamiques sociales et économiques de manière structurelle, plutôt qu’interindividuelle, et de demander des comptes aux marques et aux gouvernements plutôt qu’aux personnes qui n’ont d’autres choix que de s’habiller chez SHEIN.
Enfin, notons également l’effet cocktail de misogynie, de grossophobie et de mépris de classe qui s’exercent à l’encontre des femmes grosses au budget modeste qui ont le malheur de s’habiller chez SHEIN parce qu’elles ont peu d’autres choix. Elles sont alors surexposées à la haine en ligne, au cyberharcèlement visant à leur faire ressentir de la honte au sujet de cette consommation, comme si elle servait de défouloir aux culpabilités et insécurités des autres. Le bouc émissaire idéal d’une industrie de la mode à bout de rêves.
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