« La bicyclette a fait plus pour l’émancipation des femmes que n’importe quelle chose au monde », disait en 1896 la militante et suffragette américaine Suzanne B. Anthony. Pourtant, aujourd’hui encore, les femmes restent sous-représentées sur les pistes cyclables (et dans la grande majorité de l’espace public d’ailleurs). C’est ce que confirme une nouvelle étude signée Strava, application mobile de fitness, dont les résultats ont été révélés vendredi 21 juillet, deux jours avant le coup d’envoi du Tour de Femmes France.
© Strava
Les Françaises passent 54 % moins de temps à vélo
Les résultats de l’étude, réalisée sur un panel de 3000 utilisateurs de l’application dont 330 français, sont significatifs : aujourd’hui, les Françaises passent 54% moins de temps à vélo que leurs pairs masculins. Les pays anglophones ont un nom pour ce fossé de genre, « the cycling gender gap », qui est à peu près équivalent à travers le monde.
Comment expliquer cette différence ? En premier lieu, les femmes cyclistes sont moins enclines à rouler de nuit. Cette donnée se vérifie à l’échelle mondiale : selon l’enquête, « les femmes sont 23 % moins susceptibles que les hommes d’enregistrer une activité sportive sur Strava avant le lever du soleil et 8 % moins susceptibles de le faire après le coucher du soleil ».
Crainte d’être harcelée la nuit ou prudence sur la route ? Sûrement un peu des deux, comme le révèlent nos consœurs de Sorocité :
L’indice flagrant dans cet écart de genre survient la nuit ou en cas d’intempérie : 78 % des personnes qui pratiquent du vélo dans ces conditions sont des hommes […] « Le ‘sexe’ du vélo, c’est aussi la virilité de la chute, du risque, de la performance », analyse Yves Raibaud. C’est donc bel et bien la peur de l’accident qui ressort comme l’un des freins les plus puissants pour les femmes à s’emparer du guidon.
« On veut plus de femmes sur les pistes ! » Sorocité, 29 janvier 2021.
La conduite, qu’elle soit à bord d’un véhicule motorisé ou d’un vélo, devient un espace de performance pour une certaine image de virilité, étroitement liée à la notion de danger, de vitesse, et de prise de risque. C’est d’ailleurs l’objet même de la dernière campagne de sensibilisation de la sécurité routière, sortie en février 2023.
À l’inverse, comme le souligne Sorocité, « plus les pistes sont aménagées, plus la part de femmes pratiquant le vélo urbain est susceptible d’augmenter ». Prudence est mère de sûreté.
La piste cyclable, haut lieu du harcèlement de rue
Pour certaines (c’est mon cas), le vélo paraît souvent plus safe que les transports ou la marche pour rentrer de soirée. Mais dans la pratique, comme le rappelle très justement Sorocité, c’est aussi souvent un terrain privilégié d’agression et de harcèlement pour ceux qui adorent nous rappeler que nous ne sommes bienvenues nulle part.
Ils occupent l’espace, on le traverse. Et, dès qu’on a le malheur de s’arrêter à un feu rouge, il n’est pas rare que l’un d’entre eux nous le rappelle désagréablement. Insultes, remarques sexistes ou regards insistants… les femmes cyclistes n’en sont pas exemptes.
En 2016, 51% des Bordelaises plaçaient d’ailleurs le vélo en tête des moyens de transport les exposant le plus au harcèlement.
Et l’étude de Strava le montre bien, nous sommes en minorité numérique sur les pistes cyclables. Difficile, donc, de trouver du soutien dans ce genre de situation, quand les femmes sont 243% moins susceptibles de trouver d’autres cyclistes du même sexe avec qui rouler.
Comment rendre la ville plus sûre pour ses usagères ? Une première piste serait peut-être, comme le suggère l’ONG Plan International Belgique dans son rapport Safer Cities, d’impliquer davantage les femmes dans les décisions d’urbanisme, pour mieux intégrer leurs vécus et répondre aux besoins de leur quotidien. Et pour qu’enfin, la ville ne soit plus seulement pensée par et pour les hommes.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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