Les bolides rutilants et les vêtements griffés hors de prix défilent sur les écrans. Derrière ce train de vie tape à l’œil, le quotidien des vedettes du petit écran prendrait l’eau. « Les salaires des candidats de téléréalité sont-ils en chute libre ? », demande le Youtubeur, Sam Zirah, dans son émission « Au jour d’aujourd’hui » (ou « AJA » pour les intimes) du 9 mars 2022. En cause : la crise des placements de produit, travail qui faisait gonfler les rémunérations depuis quelques années.
Sur le papier, le principe est alléchant : les marques misent sur des candidats qui pèsent plus de deux ou trois millions d’abonnés sur Instagram et/ou Snapchat pour faire la promotion de leurs produits. In fine, cela s’avère moins coûteux que la diffusion d’un spot publicitaire à la télévision.
Kit de blanchiment dentaire, plaid surdimensionné ou croquettes pour chien : tout y passe. Dans son ouvrage, Télé-réalité : la fabrique du sexisme (éditions Les Insolentes), Valérie Rey-Robert parle de « marque personnage » pour désigner ces influenceurs qui inondent leur compte Instagram ou Snapchat de publicités.
Très vite, les prix s’envolent, « à coup de 100 000 euros le partenariat pour plusieurs pubs », se souvient Shayara TV, blogueuse de téléréalité. Par exemple, entre 2018 et 2020, Cloé Cooper, découverte dans Les Marseillais Australia, réalisait entre 30 et 35 collaborations par mois, comme elle nous l’explique : « Nous avions la main dessus. Maintenant, des concurrents arrivent de partout et les candidats de télé rencontrent plus de difficultés », constate la jeune femme dont le rendement mensuel a fortement baissé.
Et elle n’est pas la seule : même les poids lourds accusent le coup. Autrefois rémunérée au forfait, Nabilla Vergara est désormais payée au post, révèle l’émission AJA. La Marseillaise Maeva Ghennam voit aussi ses revenus chuter selon Shayara TV : « Il y a deux ans, elle gagnait entre 300 et 400 000 par mois. Maintenant, elle tournerait aux alentours de 40 à 50 000 euros. »
L’agacement face aux stories « téléachat »
Ces célébrités ont-elles péché par gourmandise ? Conscient d’être assis sur une mine d’or, le milieu abuse du nouveau filon, en plébiscitant des produits moins chers. « La plupart ont acheté du maquillage en Asie sur lequel ils ont posé leur nom. Ça s’est très vite vu », souligne Valérie Rey-Robert, auprès de Madmoizelle. Cette pratique peut être jugée déloyale et nourrir la défiance de l’audience. Notamment lorsque celle-ci réalise que son influenceur préféré n’était pas aussi impliqué dans le développement de sa marque qu’il ne le prétendait…
Les premières dérives voient le jour avec l’ère de la popularisation du dropshipping (depuis le début des années 2010, environ, pour les stars de la téléréalité). Le dropshipping, c’est le système dans lequel le vendeur n’a justement pas de stock à acheter, parce qu’il fait livrer le produit au client directement par le fournisseur. La marge du vendeur tient dans sa capacité à adresser un marché, marketer et positionner le produit à outrance, etc. Et donc plus il parvient à faire rêver autour du produit (quitte à enjoliver un peu trop les choses), plus il peut s’assurer une marge importante.
Petit à petit, la machine s’enraye : clients déçus, produits non réceptionnés… La confiance envers les princes et princesses du divertissement s’érode et l’agacement face aux stories « télé-achat » grimpe. Résultat, les candidats deviennent moins rentables pour les marques qui baissent leurs tarifs.
« Nous avions de l’or entre les mains »
JeffLang2VIP, blogueur de téléréalité, a observé ces dérives de près : « Les candidats et les agences d’influences ont trop tiré sur la ficelle. » Deux mastodontes se partagent le marché : Shauna Events et We Events. La première a été créée par Magali Berdah qui revendique être à l’origine du placement de produit. Si elle n’a pas répondu aux questions de Madmoizelle, la cheffe d’entreprise a justifié sur le plateau de Touche Pas à mon Poste, le 28 juin 2022 la baisse des salaires des candidats de télé par « des choix restrictifs pour faire du travail de meilleure qualité ».
La femme d’affaires de 40 ans ne manque pas d’ennemis. L’agent d’influenceurs (dont Benjamin Samat), Sebastien Jaillard parle d’une dame qui détenait « la majorité des candidats de télé » et qui a « détruit » l’activité. Il lui reproche d’en avoir abusé, en ne triant pas assez les annonceurs : « Nous avions de l’or entre les mains et ça aurait été pérenne si tout le monde travaillait proprement. »
De son côté, We Events, dirigée par Wesley Nakache, tient un tout autre discours et nie une quelconque « baisse d’activité en termes de nombre de placement de produit ». Motus et bouche cousue chez les influenceurs de l’agence.
Youtube, OnlyFans et MYM pris d’assaut
Faute de placements de produit, les Marseillais et leurs collègues « commencent à se tourner vers autre chose, on voit même réapparaître les bookings [comprendre : les vedettes sont payées pour venir s’afficher en boîte de nuit, et poser avec des fans] », nous rapporte Valérie Rey-Robert. Découvert dans Secret Story, Bastos fait partie des premiers à débarquer sur Youtube. Il y compte aujourd’hui plus d’un million d’abonnés, et ses vidéos font facilement 300 000 vues au moins. « Ça peut rapporter gros : pour 50 000 vues, il faut compter entre 400 et 500 euros », assure JeffLang2VIP.
Les vedettes de téléréalité basculent aussi sur les comptes MYM et OnlyFans, des applications qui permettent de monnayer du contenu privé, pouvant être sexy, voire pornographique. Pas question de parler de leur train de vie qui s’écaille. Au contraire, elles mettent en avant l’argent facile remporté grâce à ces plateformes : début mai, Astrid Nelsia confiait au micro de Sam Zirah gagner « entre 20 et 100 000 euros » par mois en travaillant « trois minutes » par jour. Toujours dans la surenchère…
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Crédit photo de Une : Capture d’écran YouTube de Bastos, compte Instagram de Bastos, compte Instagram de Nabilla, et compte Intstagram de Magali Berdah.
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