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Parentalité

Pourquoi le hashtag #jesuisviril, censé valoriser les pères investis, fait grincer des dents

Le hashtag #jesuisviril est utilisé par des pères sur Instagram pour montrer qu’ils sont investis et s’occupent des tâches ménagères sans perdre en virilité. Oui, bon… et donc ?

Bien connu des parents d’Instagram et fervent défenseur d’une paternité égalitaire et investie, Papa Plume réunit plus de 64 000 followers. Amateur de vidéos et de photos habilement mises en scène, il s’est récemment filmé en train de passer l’aspirateur, son bébé dans les bras. 

En commentaire, il a listé de nombreuses tâches domestiques ou parentales suivies du mot viril, avant d’inviter les pères de sa communauté à partager via le hashtag #jesuisviril tout ce qu’ils font à la maison. 

Si ce petit post a conquis de nombreux internautes, il peut aussi faire grincer des dents. Parce que je ne sais pas vous, mais moi, Instagram ne me déroule pas le tapis rouge dès que je dégaine la balayette…

#Jesuisviril, un hashtag pour promouvoir le travail domestique masculin

Ce hashtag est là pour prouver à ces cis-messieurs que le ménage et les enfants ne sont pas seulement des trucs « de gonzesses ». En détournant la carte de la sacro-sainte virilité, Papa Plume espère convaincre ses pairs de s’impliquer davantage dans leurs foyers.

Les tâches domestiques sont toujours majoritairement assurées par les femmes : 80 % d’entre elles déclarent y passer au moins une heure par jour contre 36% des hommes. Dommage, ces chiffres n’empêchent pas de nombreux cis-mecs d’être encore réfractaires aux discours féministes…

Un post percutant au goût de challenge pourrait donc faire passer le message de façon plus ludique.

#jesuisviril, des hommes sur le devant de la scène

Le #jesuis viril part donc d’une bonne intention. Mais il perpétue aussi l’idée que l’homme serait un petit garçon immature et égocentré qui a besoin d’être motivé et valorisé avant d’accepter de faire le strict minimum. 

Bien des femmes en couple cis-hétéro peuvent en témoigner : lorsqu’un mec « s’abaisse » à faire le ménage ou s’occuper de ses enfants, il est trop souvent acclamé, même s’il s’y prend comme un manche et enchaîne des bourdes qu’on ne pardonnerait jamais à sa compagne.

La plupart des mouvements féministes reprochent aux hommes de prendre toute la place dans l’espace public et médiatique, même quand cette place ne leur revient pas. Sous le #jesuisviril, des cis-mecs se contentent de faire ce que leurs femmes font depuis la nuit des temps sans que ça n’intéresse personne… 

En prétendant venir en aide à leur compagne et sensibiliser à une cause, les hommes, encore une fois, mettent en avant… les hommes.

Déso pas déso, le quotidien n’est pas toujours glamour ni fun

Ce hashtag interroge sur la crédibilité et la valeur des femmes aux yeux de leurs conjoints : malgré des plaintes répétées et un épuisement évident face à la répartition inégale des tâches domestiques, c’est seulement quand un autre homme s’adresse à eux que le message arrive enfin à passer.

Ce post illustre également la réalité injuste de beaucoup de femmes : contrairement à elles, leurs conjoints peuvent choisir leur niveau d’implication au sein du foyer et auprès de leurs enfants ! Alors qu’elles ne peuvent toujours pas compter sur le bon sens (et le respect) des hommes qui partagent leur vie pour prendre leur part.

Elles doivent souvent faire preuve d’inventivité pour leur « donner envie » quitte à leur mâcher le travail (charge mentale bonjour) et parfois même compter sur l’intervention d’autres mâles pour mettre du plomb dans la tête de leurs paresseux de salon… par exemple via des messages fun mais inspirants, comme le post de Papa Plume.

Un père embrassant sa fille.
Greta Hoffman / Pexels

Avoir besoin de dire à son compagnon qu’il est viril pour qu’il passe la serpillière ou se lève la nuit, c’est continuer de genrer le travail domestique. 

Faire la vaisselle ou essuyer de petites fesses sales, ce n’est pas viril, ce n’est pas non plus féminin. C’est pénible, personne n’aime ça, mais ça fait partie des impératifs de la vie adulte quand on décide de vivre en ménage ou de fonder une famille.

En théorie, tous les moyens sont bons pour atteindre un semblant d’égalité au sein du foyer (on peut rêver), alors si un #jesuisviril peut inciter certains conjoints à s’investir dans la vie de leur maison, ce sera toujours ça de gagné. 

En pratique ce genre de hashtag peut malheureusement perpétuer l’idée que l’homme est immature et qu’il doit être « mis au défi » par un autre mâle pour prendre sa part. 

En voulant combattre les stéréotypes de genre, #jesuisviril joue sur des codes masculins dont on aimerait justement pouvoir se débarrasser — et risque d’invisibiliser les femmes qui sont pourtant les premières concernées par le problème soulevé…

À lire aussi : Les hommes s’occupent plus du ménage, mais pas de leurs bébés

Crédit photo : @papa.plume / instagram


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

23
Avatar de BravoCharlie
26 octobre 2021 à 11h10
BravoCharlie
@Alzire je pense que t'es juste mon pendant optimiste
Non, en réalité je vois comment tu vois les choses, je suis simplement peut-être un peu plus blasée et pessimiste dans ce que ce genre de démarche est réellement bénéfique effectivement.
Mais c'est que la mobilisation du concept de virilité m'hérisse le poil pas épilé parce que je suis déconstruite, moi Je trouve que c'est un terme fourre-tout et souvent utilisé, avec la masculinité toxique pour appréhender mais aussi parfois "excuser" ou dédouaner des comportements sexistes. Et du coup, mon ressenti c'est la superposition: on ne touche pas au concept puisqu'on l'emploie à tous bouts de champs ici sans jamais le définir réellement et on pose un truc dessus comme un jenga de l'identité de genre en disant "bah tu vois Robert, j'ai fait la vaisselle et pourtant je pète encore à en trouer mon slip parce que #jesuisviril je suis pas une #bonnefemme".
Non, mais j'en conviens que c'est peut-être moi qui suis un peu trop sceptique.
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