Des parterres de lavande de Provence aux calanques marseillaises, en passant par des champs de blé, chacun des défilés Jacquemus s’affirme dans l’art de créer des images fortes, souvent suivies des ras-de-marée de publications sur Instagram. Pour son premier show en dehors de la France, le créateur Simon Porte s’est envolé pour Hawaï… et le karma l’a accueilli façon boomrang.
Jacquemus défile à Hawaï, sous une averse tropicale
Le long d’une plage de l’île d’Oʻahu, un long tapis bleu a servi de podium pour y défiler le 9 mars 2022, soit pile le lendemain de la clôture officielle de la dernière Paris Fashion Week. En arrière plan, on pouvait voir la chaîne de montagnes Ko’olau se dessiner. Sauf que ce décor paradisiaque a viré au cauchemar de créateur de mode le temps d’une heure, comme le rapporte Simon Porte Jacquemus en story Instagram le 10 mars, soit le lendemain dudit défilé :
« Quelle journée folle… Je vais m’en souvenir pour le reste de ma vie. Voici la pluie qui a commencé pile au moment où les mannequins devaient défiler. Je sais que la collection est nommée « Le Splash » mais je ne m’attendais à un tel splash, pour être honnête. On a été bloqué par la pluie. Trempé, les vêtements salis… Un vrai drame de mode, si on peut dire…
Mais tous les locaux, de notre équipe et des mannequins, s’accordaient à dire qu’il s’agit en fait d’une bénédiction, que la pluie est sublime. Toute cette énergie s’est transformée en quelque chose de beau. Plein de sens. Et le soleil est revenu une heure après. »
Si l’horaire du défilé a été contrarié par la pluie, la marque avait quand même eu le temps de tourner quelques images en amont, avant que les vêtements ne soient endommagés. Cette prévoyance a permis de sortir une vidéo de 6 minutes, où l’on aperçoit à la fin un arc-en-ciel. Ou quand les variations météorologiques servent le storytelling.
Cette toile de fond superbe a donc servi de décor à une collection inspirée par Hawaï, ses couleurs, sa culture, mais aussi sa vie marine fragilisée notamment par le tourisme et la catastrophe climatique globale. De nombreux clins d’oeil façon tenue de plongée, brassard gonflable, masque et tuba, ponctuaient ainsi la collection.
Mais pourquoi défiler jusqu’à Hawaï si l’on se soucie de l’environnement ?
Néanmoins, on peut s’interroger à plusieurs égards au sujet de cette collection Jacquemus (pour le printemps-été 2022 puisqu’il fonctionne selon le principe du see now, buy now : ce qui vient de défiler est aussitôt disponible à la vente, et non six mois plus tard comme pour la plupart des marques qui viennent de présenter leur collection automne-hiver 2022-2023).
A-t-on vraiment envie de s’acheter des vêtements qui ne survivraient pas à une heure de pluie ? Et pourquoi présenter cette collection à Hawaï alors que Simon Porte parvenait jusque là à montrer son travail dans l’Hexagone, surtout s’il prétend plus que jamais se soucier de l’environnement ?
En réalité, c’est une habitude de nombreuses maisons de luxe que de présenter leurs collections dites « croisières » à l’étranger, payant bien souvent le déplacement à leur clientèle la plus fidèle, à une partie de la presse, et quelques célébrités. Que Jacquemus défile à l’étranger pourrait donc renvoyer comme signal que la marque veut désormais jouer dans la cour des grands après dix ans d’existence.
D’autre part, Simon Porte présente ce défilé comme une réaffirmation du fait que sa marque compte bien s’épanouir à l’international, et que la femme Jacquemus n’est pas forcément française, mais surtout « solaire ». Soit.
Faire appel à des talents locaux pour réduire l’impact écologique du défilé
Quant à l’impact écologique de ce défilé, beaucoup de paramètres ont été étudiés afin de le réduire du mieux possible, affirme la marque. À commencer par faire appel à des talents locaux plutôt que de déplacer trop de membres de l’équipe française de Jacquemus. Aussi, c’est le styliste hawaïen Ben Perreira qui a aidé sur cette collection, ainsi que toute une équipe locale, dont les mannequins.
Peu de personnes invitées venaient d’Europe continentale, la marque ayant préférer convier des personnalités hawaïennes, du reste des États-Unis, ou encore de la zone asiatique et pacifique, telles que l’influenceur Bretman Rock, les chanteuses Nicole Scherzinger, SZA, Jhené Aiko, Jennie Kim des BlackPink ou encore les rappeurs Aminé et Don Toliver.
Et si l’on aimerait quand même bien connaître le bilan carbone d’une telle démonstration de puissance mode, c’est une exigence qu’on devrait également avoir pour l’ensemble de l’industrie du paraître, capable de dépenser des millions et de déplacer des centaines de personnes pour à peine une dizaine de minutes de défilé…
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Crédit photo de Une : Capture d’écran Instagram @Jacquemus.
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Les Commentaires
Quelle condescendance. Finalement la nature, c'est joli et faut la protéger, mais ça sert surtout de catalogue d'inspiration iconographique ou d'argument marketing plutôt qu'autre chose.