Rien ne m’a fait plus de bien en cette rentrée trop moite et morose que de me caler confortablement devant la série A League Of Their Own (Une équipe hors du commun, en français). J’aurais tort de vous la vendre comme une simple série feel good. On parle ici d’une série pas seulement drôle et brillamment écrite, ou d’un casting de haute volée plein de visages déjà croisés, comme celui de D’arcy Carden révélée par The Good Place, ou de nouveaux qu’on a déjà très très hâte de revoir.
A League Of Their Own, c’est une épopée sportive bien réelle, celle des débuts de la All-American Girls Professional Baseball League dans les années 40 aux États-Unis. Alors que les hommes sont envoyés sur le front en Europe, la ligue de baseball prend la décision de fonder des équipes féminines. Un pari osé dans une Amérique bien ancrée dans sa misogynie crasse.
Si A League Of Thier Own vous dit quelque chose, c’est aussi parce que cette histoire avait déjà été racontée dans un film du même nom sorti dans les années 90, porté par Geena Davis (tout juste sortie de Thelma et Louise) mais aussi Madonna, Lori Petty, Tom Hanks ou encore Rosie O’Donnell.
Une plongée dans l’Amérique des années 40
Pourquoi en faire un reboot en 2022 ? Déjà pour raconter un contexte historique, et à travers lui une toute autre histoire. Ou plutôt des histoires.
A League Of Their Own (disponible sur Amazon Prime) se focalise sur deux femmes : d’abord Carson Shaw (Abbi Jacobson), qui profite de l’absence de son mari pour tenter sa chance et devenir joueuse professionnelle de base-ball. Rejoindre l’équipe des Peaches ne sera pas une révélation que sur le terrain, puisqu’elle va tomber sous le charme de Greta Gill (D’Arcy Carden), aussi extravertie qu’elle est timide et gaffeuse. Ensuite, Maxine Chapman (Chanté Adams, une révélation !), lanceuse hors pair qui se voit refuser les épreuves pour rejoindre les Peaches par des sélectionneurs racistes. Elle n’a qu’un objectif et une seule ambition, celui de jouer. Et aussi un secret, celui de n’avoir aucune intention de se caser avec un homme ni de travailler dans le salon de coiffure de sa mère…
À travers elles et toute une galerie de joueuses charismatiques, la série explore avec justesse le sexisme ambiant, le racisme d’une société où les blancs et les noirs vivent séparés, mais aussi l’homophobie profondément ancrée et banalisée.
Coup de cœur indiscutable pour Lupe (Roberta Colindrez) et Jess (Kelly McCormack), dont on voudrait ardemment une série juste pour elles deux où on les verrait boire des coups, fumer des clopes, porter des sapes hyper classes et draguer des filles (je sais, c’est léger comme pitch, mais c’est vraiment tout ce que j’attends).
Une représentation des lesbiennes inespérée
À la façon d’Orange Is The New Black il y a quelques années, la série co-créée par Will Graham et Abbi Jacobson montre une flopée de personnages féminins non seulement fabuleusement attachants, mais qui défient aussi les carcans et les stéréotypes, des butchs au cœur tendre et des fems fatales, des fières et des grandes gueules, de l’amour et de la sororité, de vraies amitiés féminines comme on les voit rarement mais dont on connaît la force, de l’audace et de la tendresse, en veux-tu en voilà. Et de l’humour, parce que c’est aussi ça qui rend A League Of Their Own aussi réconfortant et précieux.
La série donne à voir en huit épisodes la réalité des femmes lesbiennes et bisexuelles à cette période de l’Histoire des États-Unis, où vivre son identité et ses amours revenait parfois à se mettre en danger, risquer la prison ou l’hôpital psychiatrique. Mais ces vies-là étaient possibles, clandestines et cachées, mais aussi joyeuses quand il était possible de trouver celles qui nous ressemblent.
Co-créatrice et co-scénariste de la série, la comédienne Abbi Jacobson (qu’on avait adoré et vénéré dans l’inénarrable Broad City) a fait son coming-out bisexuel en 2018 et s’est fiancée tout récemment avec Jodi Balfour. Il est très clair en la voyant incarner Carson dans la série que cette expérience l’a nourrie et inspirée. « Ça résonne en moi car ça ressemble beaucoup à mon histoire », a-t-elle confié à Them. « J’ai accepté ma sexualité super tard, alors on peut faire son coming-out même en étant aussi vieille que moi. »
Une deuxième saison serait déjà en préparation, et on l’espère à la hauteur de cette impeccable réussite.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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