Initialement publié le 1er août 2019
Je vous en parlais dans un précédent article : la prise de poids pendant la grossesse fait partie des petites inquiétudes qui tracassent les personnes enceintes tout le long de la gestation, et qui continuent bien souvent de les enquiquiner après l’accouchement.
Ayant moi-même pris 23 kg (et essuyé quelques remarques désobligeantes de la part de proches) pour ma fille, j’ai eu envie de donner la parole aux femmes qui ont souffert de leur image lorsqu’elles portaient la vie.
Merci à toutes celles qui ont pris le temps de répondre à mon appel à témoignages, vos mots ont eu une résonance particulière en moi.
La prise de poids pendant la grossesse, une crainte qui pèse lourd
Bien avant de tomber enceintes, les femmes qui veulent avoir des enfants peuvent déjà ressentir une certaine appréhension face aux kilos de grossesse. Chez certaines personnes, cette crainte est due à une histoire personnelle marquée par un rapport au corps compliqué.
Maïlys, maman d’une petite fille de presque 5 mois, a longtemps souffert de troubles du comportement alimentaire (TCA) et redoutait de voir son corps se modifier :
« Je n’ai jamais eu un rapport très serein [avec mon corps], j’ai bataillé pendant mes années d’adolescence et même de jeune adulte avec des troubles alimentaires. Il y a tout juste un an, je suis tombée enceinte. J’avais attendu ce moment avec beaucoup d’impatience.
Au-delà du fait de devenir maman, j’avais très envie de vivre cet état de grossesse. J’avais envie de ce ventre rond et j’étais prête à accepter les nausées et autres désagréments avec une certaine joie. En revanche, j’appréhendais un peu ma réaction face aux changements corporels et particulièrement la prise de poids que je voyais inévitablement poindre à l’horizon. »
Même chose pour Julie, qui attend son premier enfant, et dont le corps a subi de gros bouleversements ces dernières années :
« J’ai été en surpoids pendant mon enfance et jusqu’à la vingtaine. Les remarques incessantes de mon entourage et le harcèlement scolaire que j’ai subi m’ont grandement traumatisée et j’ai développé des troubles alimentaires et dépressifs.
Arrivée à la fac, j’ai décidé de changer de moyen de contraception. En 4 mois, j’ai perdu 30 kg sans bouger le petit doigt : je souffrais en fait d’un dérèglement hormonal. Passer de la taille 44 à un 36 en si peu de temps s’est avéré compliqué sur tous les plans et j’ai mis un bon moment à me réapproprier mon corps.
La grossesse étant une véritable tornade hormonale, je m’attendais à d’importantes répercussions sur mon poids, et j’avais peur de me retrouver dans la même situation que plusieurs années en arrière, jugée et malmenée. »
Même sans être concernées par les TCA, d’autres femmes peuvent aussi avoir peur que leur prise de poids ne soit pas « idéale » et que ça ait des répercussions sur leur bébé. Magali, maman d’un petit garçon d’un an, angoissait de ne pas réussir à s’arrondir :
« Je suis naturellement mince et je ne prends pas facilement du poids. C’est comme si le gras et le sucre n’avaient pas d’effet sur moi, alors que je ne m’en prive pas. Ma mère est comme moi, elle mange bien et ne grossit pas, « c’est une question de métabolisme » comme elle dit si bien.
Je sais que beaucoup de femmes ont peur de prendre trop de poids pendant leur grossesse, mais moi ce fut tout l’inverse : j’avais peur de ne pas prendre assez et que ça nuise au développement de mon bébé. »
Pendant la grossesse, un corps qui change et n’en fait qu’à sa tête
Une fois qu’elles sont enceintes, beaucoup de personnes ne peuvent que constater les effets des chamboulements hormonaux sur leur corps et, dans certains cas, leur impuissance face à sa transformation. Julie, qui a pris 22 kg en 8 mois, est constamment tiraillée par la faim :
« J’ai pris très vite et de partout. En même temps, depuis les premières semaines de ma grossesse, j’ai une faim de loup. Le genre dalle qui précède l’arrivée des règles et qui me fait trucider mes placards en pleine nuit. »
Jennifer, une autre lectrice, a souffert de diabète gestationnel (une intolérance aux glucides qui entraîne un excès de sucre dans le sang et qui comporte un risque pour la mère comme pour l’enfant) lorsqu’elle attendait son premier bébé :
« Lorsque je suis tombée enceinte, je pesais 74 kg et j’étais en plein processus de remise en forme. Avec la fatigue et les vomissements, j’ai assez vite arrêté le sport, mais comme j’ai toujours eu des soucis avec mon poids, je faisais attention à mon alimentation.
Et puis un jour, j’ai passé le fameux test du glucose et le verdict est tombé : je faisais du diabète gestationnel. À ce moment-là, j’avoue m’être sentie trahie par mon corps et je l’ai très mal vécu. »
Au cours de ses derniers mois de grossesse, Marion a pris 10 kg à cause d’une méchante rétention d’eau
:
« J’ai pris pas mal de poids durant mon troisième trimestre de grossesse. C’était principalement de la rétention d’eau, mais jusqu’à l’accouchement (et quelques semaines plus tard), je ne le savais pas, et j’ai assimilé cette prise de poids à « du gras » : le mauvais gras, le gras culpabilisant, le gras qui signifie « tu manges trop ».
J’ai fait des tests suite à ma prise de poids rapide, et tout allait bien. Pas de diabète, pas de risque pour mon bébé, alors j’ai continué à manger mes toasts à l’avocat, que ça plaise ou non. »
Les kilos de grossesse, un tribut parfois difficile à porter
Cette prise de poids, les femmes enceintes ne la vivent pas toutes de la même façon. Certaines la prennent avec philosophie, mais d’autres sont minées par ses conséquences sur leur apparence.
Une autre Marion, maman d’un petit bout d’un an, a souffert de l’image que lui renvoyait son miroir :
« Quand j’ai découvert que j’étais enceinte, j’étais mince et sportive, vraiment menue. Pour le bon déroulement de ma grossesse, j’ai dû arrêter immédiatement un traitement assez lourd et anorexigène. Cet arrêt brutal et les fringales du premier trimestre m’ont fait prendre 6 kg pendant les trois premiers mois.
Puis la balance ne s’est plus arrêtée et a continué à grimper. Je pensais naïvement que, comme ma mère, je ne prendrais que du ventre et 6-8 kg en tout et pour tout ! Que je garderais la forme, que je serais belle enceinte…
Tu parles ! Le visage bouffi, une poitrine douloureuse, des jambes d’éléphant avec la rétention d’eau les deux derniers mois, des poignées d’amour… Je ne me suis pas sentie radieuse et épanouie, mais plutôt encombrée, pas jolie, et coincée dans un corps trop grand pour moi. »
Julie, qui est en fin de grossesse, a du mal à accepter ce corps et le goût amer que ravivent des souvenirs douloureux :
« La bienveillance de mon mari, de mes amis et amies proches m’aide à ne pas faire une fixette sur mon poids, même si aujourd’hui j’ai du mal à me regarder nue dans un miroir. Lors des moments intimes avec mon amoureux, je ressens de nouveau cette bonne vieille honte de mon corps qui ne m’avait pas manqué.
Je me répète au quotidien que je suis belle avec ou sans kilos, avec ou sans grossesse, qu’il faut que je me fiche de tout ça pour pouvoir faire ce qui me plaît, et porter les vêtements dont j’ai envie, mais c’est un combat de tous les jours avec moi-même, et ça fait remonter mes vieux démons à la surface. »
Le regard du corps médical sur la prise de poids pendant la grossesse
En plus de leur propre regard critique, les personnes enceintes sont aussi souvent confrontées au jugement des autres. Les médecins généralistes, sages-femmes, gynécologues et autres pros qui suivent leurs grossesses surveillent avec attention leur prise de poids, et peuvent parfois manquer de bienveillance et de tact dans leurs paroles.
Lysandre, qui souffre de maigreur constitutionnelle, garde un mauvais souvenir de son suivi de grossesse :
« J’ai beau manger, je ne grossis pas. C’est le rêve pour certaines personnes, mais c’est un cauchemar pour moi. J’avais fini par accepter que j’étais comme ça, et puis il y a eu la grossesse. J’ai eu de très violentes nausées et j’ai perdu six kilos en deux mois…
Au départ, j’ai été suivie par une sage-femme super sympathique qui comprenait pour les nausées et la maigreur constitutionnelle. Mais j’ai dû en changer et ma nouvelle sage-femme a commencé sérieusement à me miner le moral. « Vous êtes trop maigre », « êtes-vous anorexique ? » et encore pire « en ne mangeant pas, vous faites du mal à votre bébé ». Après les rendez-vous, j’étais systématiquement en pleurs. »
Matouh, maman d’une petite fille de quelques mois, a décidé de ne pas retourner voir le gynécologue qui l’a suivie pendant sa grossesse :
« En début de grossesse, j’ai pris beaucoup de poids d’un coup, alors mon gynéco m’a fait faire un test de diabète. Négatif. Lorsque j’ai atteint les douze kilos, il m’a dit d’arrêter de prendre du poids pour les trois prochains mois, que « c’était interdit » ! Sauf que je me refusais à faire un régime durant ma grossesse.
Au rendez-vous de suivi du neuvième mois, j’avais pris 18kg. Il m’a dit que j’étais énorme, que je passais mon temps à me goinfrer et que je resterai grosse toute ma vie. Il a répété tout ça jusqu’à ce que j’en ai les larmes aux yeux et il a voulu m’envoyer chez une diététicienne. Je trouvais ça totalement absurde, surtout que le bébé allait très bien. »
Prise de poids pendant la grossesse : quand les autres s’en mêlent
L’entourage personnel et professionnel des femmes enceintes n’est pas non plus toujours très tendre : les petites remarques désagréables sont courantes (et souvent amenées comme de l’humour même si, vraiment, c’est pas drôle). Perrine, qui vient d’accoucher de son premier enfant, a halluciné face au nombre de réflexions qu’elle a dû essuyer :
« Pendant ma grossesse j’ai pris 16kg. Famille, collègues et même inconnus se permettaient des remarques totalement déplacées à mon sens : « mais y’en a combien là dedans ? », « oh la baleine ! », « mais tu vas exploser ! », « c’est impressionnant comme t’es grosse ! » etc.
Pourquoi les gens se permettent-ils ce genre de remarques blessantes ? Ça n’est déjà pas évident de voir son corps changer et d’en perdre le contrôle, alors pas la peine d’en rajouter une couche ! »
Valérie, qui pour le coup n’a pris que très peu de poids pour ses deux grossesses, a elle aussi eu droit à son lot de piques :
« Je suis une fille très mince que beaucoup qualifieraient de maigre. Enceinte, on m’envoyait beaucoup de vannes comme « on dirait que t’as croqué une pomme » ou encore « fais gaffe, ton bébé est plus lourd que toi ». »
Quant à Magali, elle a été surprise par la rivalité qui pouvait exister entre les femmes enceintes :
« Lorsque j’attendais mon fils, j’évitais de trop fréquenter mes amies enceintes, car je sentais que ma petite prise de poids (10 kg en tout) les frustrait. J’avais toujours le droit à des remarques cinglantes qui allaient de « ces femmes qui ne prennent rien pendant la grossesse, c’est vraiment pas naturel » à « ton mari doit être triste que tu n’aies pas pris plus de formes ». Moi qui pensais trouver en elles des alliées, j’ai été très déçue, alors j’ai préféré m’éloigner jusqu’à mon accouchement. »
Les kilos de grossesse, une crainte qui continue après l’accouchement
Comme s’ils ne pesaient pas assez sur le moral (et sur la balance) pendant la grossesse, les kilos pris pendant la gestation continuent bien souvent d’obnubiler les jeunes mères après la naissance de leur bébé. Personnellement, je n’ai pas fondu naturellement après la naissance de ma fille, et monter sur la balance est resté difficile pendant de nombreux mois.
J’ai eu très peur de ne pas retrouver mon poids d’avant et de ne plus jamais me sentir bien dans mon corps. Un an après mon accouchement, j’ai toujours une dizaine de kilos à perdre, mais ça va mieux. Je sens que mon corps et mon esprit sont redevenus une bonne équipe et que je finirai par retrouver une silhouette qui me conviendra.
Dans leurs témoignages, de nombreuses mamans évoquent la pression qu’elles ont ressentie de devoir retrouver rapidement leur poids pré-conception. Et ça exaspère vraiment Mubams, mère de 2 enfants :
« Je trouve qu’on met une pression de dingue à la jeune mère pour qu’elle rentre dans ses vêtements pré-grossesse directement après l’accouchement. Elle a donné la vie, tout son quotidien est chamboulé, et on ne lui laisse pas un seul domaine où lâcher prise.
L’allaitement, la silhouette, la sexualité… tout doit être sous contrôle et c’est pesant. Il faut vraiment avoir une sacrée confiance en soi et en son couple pour ne pas craquer. »
Quelques semaines après son accouchement, Perrine porte toujours ses vêtements de grossesse, et elle ne veut pas que son poids devienne une obsession :
« Ma priorité, c’est d’être heureuse et de bien m’occuper de mon bébé. Je ne veux pas commencer à inculquer à mon enfant qu’il faut se soumettre aux exigences de la société : mon corps est et sera comme il est. Il me faut juste un peu de temps pour m’y faire. »
Malheureusement, malgré l’envie de nombreuses femmes de s’extirper de ce carcan, le besoin de contrôle de la société sur leur corps semble avoir de beaux jours devant lui. Il est donc important de libérer la parole pour faire avancer les choses et que plus aucune femme enceinte ne se sente jugée parce qu’elle a repris du gâteau (ou qu’elle n’en veut pas).
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