Quand j’étais petite, mon souhait était de faire un métier qui me permettrait de prendre soin des personnes dans le besoin. Malades, handicapés, en grande précarité…. Je voulais venir en aide à tout le monde car j’ai toujours pensé que l’on devait être solidaires les uns avec les autres, pour avancer vers un futur plus optimiste… Tel était mon leitmotiv.
J’ai donc commencé l’école d’aides-soignante·s dès que j’ai eu 18 ans, pour être diplômée une année plus tard.
Pendant mes études, je me suis aperçue lors de mes stages, que cette valeur d’entraide n’est pas dans le vocabulaire de tout le monde.
En effet, certains membres du personnel prenaient plaisir à maltraiter les élèves en leur donnant des tâches difficiles, en les harcelant, en leur mettant la pression inutilement, en les critiquant devant des patients…
8 minutes par résident
Quelques semaines après avoir été diplômée, j’ai signé un CDI dans une maison de retraite privée appartenant à un grand groupe. J’ai vite compris que même si les résidents dépensaient une somme folle, ils n’auraient pas la possibilité d’avoir plus de 8 minutes chacun avec l’aide-soignante. Pas de gants et de serviettes propres chaque jour car cela a un coût. Et ne parlons pas de la restriction dans l’utilisation des protections (couche, etc).
Je suis partie au bout d’une semaine car je ne pouvais pas supporter de devoir jeter le patient de son lit à la salle de bain pour le laver pendant qu’il urinait. Car oui, c’est la réalité dans la plupart des maisons de retraite.
Quelques mois plus tard, j’ai pu signer un contrat de longue durée dans une Unité d’hébergement renforcée (pour personnes atteintes de la maladie d’alzheimer).
J’ai alors dû faire face à plusieurs résidents très violents envers le personnel. Nous avons reçu à plusieurs reprises des coups, des crachats, des gifles…
Et personne ne faisait rien pour calmer les résidents (pourtant des solutions existent : médicaments, salle « snoezelen » aménagée spécialement pour apaiser les patients…). Rien n’était fait non plus pour nous écouter, nous qui prenions sur nous chaque jour.
Deux mois avant que mon contrat ne se finisse, je me suis retrouvée seule avec une dizaine de résident·es à accompagner à la salle à manger, l’une d’elles m’a alors violemment giflé. Une gifle qui m’a fait perdre tous mes moyens. En effet, mon seul réflexe à ce moment là a été de vouloir lui rendre la pareille.
Devenir aide-soignante à domicile
Heureusement, je ne suis pas allée jusqu’au bout mais j’ai décidé après cet épisode de partir de cet endroit au risque de devenir maltraitante malgré moi. J’ai eu par la suite de très bonnes années en étant aide-soignante à domicile.
La relation avec le patient est totalement différente car il se sent plus en sécurité et à l’aise en étant dans sa maison où il a ses repères. Je me sentais apaisée et confiante. Le travail en autonomie était aussi très agréable car je n’avais pas à supporter les critiques de la part de collègues.
J’ai aussi pu réaliser mon rêve de travailler dans un autre pays, en partant bosser avec une ONG dans un hôpital à Jérusalem. Aider des personnes malades d’origines et de confessions différentes en utilisant une autre langue ou juste en utilisant mes mains pour me faire comprendre a été l’une des plus belles expériences de ma vie.
C’est grâce à cette expérience que j’ai mieux compris l’importance de mon rôle auprès des malades. Je n’étais pas juste là pour donner des soins techniques, mais je pouvais aussi partager des petits moments de convivialité avec les malades. Boire un thé, écouter de la musique, se promener sur le balcon, essayer d’échanger quelques mots dans leur langue… Autant de petits gestes qui faisaient la différence pour eux.
Faute de temps ou de moyens nécessaires dans les structures où j’avais travaillé auparavant, j’avais eu tendance à oublier ce côté relationnel qui est pourtant si important.
Un taux record d’absentéisme
De retour en France, je suis allée m’installer dans le sud de la France, attirée par le climat bien sûr, mais aussi par la diversité des cliniques qui recrutent sans cesse des aides-soignant·es sur le territoire.
Quand je suis arrivée dans la clinique privée où je travaille actuellement, j’ai été étonnée par le taux record d’absentéisme chez les aides-soignant·es. J’ai vite compris pourquoi…
Les conditions de travail compliquées et les salaires très bas l’expliquent sans peine. La réalité, c’est que nous devons travailler à la chaîne en n’accordant qu’environ dix minutes à chaque patient (moyenne d’âge 85 ans). Dix minutes pour le laver, raser, l’habiller, l’installer dans son fauteuil roulant et faire son lit. Un programme répété 8 ou 9 fois dans la matinée…
Certain·es aides-soignant·es qui travaillent dans les services les plus difficiles, ont un peu plus de temps, mais on risque alors de se prendre des coups, des crachats ou des insultes par des patients désorientés ou simplement agressifs.
Qui voudrait continuer à travailler dans ces conditions ?
Si seulement la direction, les collègues ou les familles des patients étaient là pour nous remercier de notre travail, nous encourager, nous soutenir… Hélas, c’est rarement le cas.
Certains patients ne sont jamais satisfaits, tout comme leurs familles. Certains cadres attendent que tu accomplisses toujours plus de tâches, que tu fasses toujours plus d’heures. Et certains médecins ou autres membres du staff ne t’écoutent pas et ne te prennent pas au sérieux lorsque tu leur parles de l’état d’un patient qui t’inquiète ou des difficultés que tu rencontres.
Il faut également supporter le manque de professionnalisme de certains collègues et leur manque de respect envers les patients.
Pour toutes ces raisons, j’ai décidé d’arrêter de travailler dans ce milieu, après six années passées dans divers services à prendre soin de nombreux patients.
J’ai l’impression qu’il y a de moins en moins d’humanité dans ce métier, même si j’ai rencontré des personnes magnifiques en l’exerçant.
Surtout, je ne veux plus perdre mon temps à donner de ma personne pour ne rien avoir en retour. Chaque personne mérite de la reconnaissance pour pouvoir être épanouie et pouvoir fournir un travail de qualité.
J’ai donc décidé de me former pour devenir masseuse bien-être. Je ne sais pas encore avec quel type de population, ni dans quelle structure je travaillerai. Je me laisse le temps de découvrir la formation pour y réfléchir.
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