C’était l’une des familles les plus discrètes de France : les Bettencourt, incarnés par la figure de Liliane Bettencourt, femme la plus riche du monde jusqu’à son décès en 2017 (c’est désormais sa fille, Françoise Bettencourt Meyers, qui occupe ce titre).
Si ce nom ne vous évoque rien, un autre sera peut-être plus parlant : L’Oréal. Puissant groupe industriel français de produits cosmétiques, fondé par le chimiste Eugène Schueller en 1909, qui n’était autre que le père de Liliane Bettencourt.
C’était l’une des familles les plus discrètes de France, jusqu’à ce qu’éclate, en 2010, un vaste scandale politico-financier qui impliqua jusqu’au président de la République d’alors, Nicolas Sarkozy.
L’affaire est digne d’une saison de Succession ou de Downton Abbey, on ne sait plus, et vous vous en doutez, c’est assez croustillant. Netflix a décidé d’en faire une mini-série documentaire qui, 24 heures à peine après sa sortie, culminait déjà dans le top des contenus les plus visionnés sur la plateforme.
Pourquoi il faut absolument regarder la mini-série sur l’Affaire Bettencourt sur Netflix
Pour une plongée dans l’univers des ultra-riches
Vous vous demandez peut-être à quoi ressemble la vie d’une multimilliardaire ? L’Affaire Bettencourt, sur Netflix, en donne un bon aperçu.
Prenez un hôtel particulier immense à Neuilly, ajoutez-y une armée d’employé·es, du personnel de chambre au majordome, en passant par le gestionnaire de fortune et la comptable (tout cela s’organise, d’être un ultra-riche).
Enfin, saupoudrez d’un rapport à l’argent totalement irréel : dans cette mini-série, on apprend, par exemple, que parmi le personnel et dans la maison des Bettencourt, il était de notoriété publique qu’un million d’euros en billets de 500 équivaut à la taille d’une brique de lait. Vous le saviez, vous ? Et pour nous permettre de prendre davantage la mesure de la fortune immense de la famille Bettencourt, la série fait tomber du ciel 30 000 briques de lait. On vous laisse faire le calcul.
Il faut dire que chez les Bettencourt, l’argent va et vient, en liquide et en grosses coupures et passe de main en main, à tel point qu’on ne sait plus à qui on a donné combien.
Et c’est un peu le point de départ de la série (et de l’affaire) : Liliane Bettencourt est généreuse, c’est en tout cas ce qu’elle laisse entendre, dans une interview d’archive donnée à Marc-Olivier Fogiel. Elle donne beaucoup et sans compter. Attirant inévitablement autour d’elle profiteurs et personnes malintentionnées. C’est le cas de François-Marie Bannier, introduit à Liliane Bettencourt par l’intermédiaire d’Arielle Dombasle (qui témoigne tout au long de la série, non sans avoir l’air lassée par l’exercice).
Photographe, François-Marie Bannier se lie d’amitié avec Liliane Bettencourt et devient son plus proche ami. Si proche, qu’il réussit, en l’espace de quinze ans, à lui soutirer près d’un milliard d’euros, sous couvert d’apporter un vent de fraîcheur dans la vie de l’héritière. On découvrira par la suite qu’il n’en était pas à son coup d’essai…
Dans une conversation lunaire (les vrais enregistrements sont diffusés tout au long de la série), on entend aussi le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt informer cette dernière de l’état de ses comptes : on découvre qu’elle dispose de 165 millions d’euros sur l’un, lui permettant ainsi de « vivre pendant dix ans ». On vous laisse imaginer le rythme de vie…
Pour comprendre les dessous d’une affaire qui a ébranlé le monde politique
Si l’affaire est au départ une lutte intestine qui oppose, depuis 2007, Françoise Bettencourt Meyers à sa mère, celle-ci se transforme très vite en scandale politico-judiciaire impliquant jusqu’au président de la République d’alors, Nicolas Sarkozy.
La série explique bien les multiples aspects de l’affaire :
- Il y a le pendant familial, dans lequel la fille de l’héritière de L’Oréal tente de faire valoir que sa mère n’a pas toute sa tête, et qu’elle se fait abuser – et on le comprend au passage, protéger son héritage à elle aussi. Il n’empêche, Liliane Bettencourt a près de 80 ans, et sera diagnostiquée d’un début d’Alzheimer assez rapidement.
- Le pendant financier : les écoutes révèlent que Liliane Bettencourt disposait de plusieurs comptes non déclarés en Suisse. D’après son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, condamné dans l’affaire, l’héritière aurait eu deux comptes non déclarés d’un montant total de 78 millions d’euros. Au total, elle en aurait eu en réalité douze ! Autrement dit, on appelle ça de l’évasion fiscale…
Enfin, il y a le versant politique de l’affaire, qui est finalement l’un des plus intéressants car il permet de comprendre les rouages de l’influence qui se joue entre politiques et grandes familles françaises. Tout part du témoignage de la comptable de la maison Bettencourt qui a révélé à Mediapart des dons non déclarés de Liliane Bettencourt de sommes importantes (au moins 50 000 euros) dans le but de financer la campagne de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2007. Tout cela, via le trésorier de son parti et ministre du Budget lorsque l’affaire éclate, Éric Woerth. Vous suivez toujours ?
Parce que cette affaire a permis au journalisme d’investigation de gagner en crédibilité et de confirmer sa nécessité
Si la série mérite vraiment le coup d’œil, c’est aussi et enfin parce qu’elle donne la parole tant à des proches de la famille Bettencourt (son gestionnaire de fortune, Arielle Dombasle, qui est aussi une amie de Françoise Bettencourt Meyers) qu’à des journalistes. Parmi eux et elles, il y a évidemment Edwy Plenel et Fabrice Arfi, qui ont été parmi les premiers avec Mediapart à publier les enregistrements et à faire éclater l’affaire. La parole est aussi donnée à Corinne Audouin, journaliste au service Enquêtes-Justice de France Inter ou encore Marie-France Etchegoin, journaliste et autrice, en 2011, du livre Un milliard de secrets (éd. Robert Laffont) qui retrace les dessous de l’affaire.
Seul petit reproche qui peut être fait à la série : de passer un peu trop rapidement sur certains aspects importants de l’affaire. Il n’est, par exemple, jamais fait mention de personnages pourtant clés, comme Florence Woerth, l’épouse d’Éric Woerth, à l’époque directrice des investissements de la société gérant la fortune de Liliane Bettencourt…
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