Lors de la 71ème cérémonie des Emmy Awards qui se tenait à Los Angeles pour récompenser les meilleurs programmes télés, Fleabag a créé la surprise en raflant 6 récompenses, dont celle de meilleure série comique.
Écrite par Phoebe Waller-Bridge (qui interprète aussi le personnage principal), elle raconte l’histoire d’une jeune trentenaire londonienne qui fait de son mieux pour survivre aux galères sexuelles, sentimentales, familiales et professionnelles.
Acclamée par la critique, la série britannique à voir sur Amazon Prime Video est aussi plébiscitée par mes nombreux contacts féministes sur Twitter depuis plusieurs mois.
Au début de l’été, j’ai donc décidé d’engloutir les deux premières saisons de Fleabag, un weekend où j’étais seule à Paris. Et depuis, je suis plongée dans un abîme de perplexité.
Fleabag, une série coup de poing sur la vie des femmes de 30 ans
Sur le papier, ça s’annonçait super : une série écrite par une femme qui parle d’une femme de mon âge, sans clichés et avec la touche d’humour british qui va bien. Excellent programme donc.
Pourtant, je n’ai pas passé un bon moment, léger et divertissant en regardant Fleabag, meilleure série comique selon les Emmy Awards, je le rappelle. Non, j’ai surtout ressenti beaucoup de malaise et une grande détresse émotionnelle.
Pourtant, j’ai été incapable de lâcher la série avant la fin, pas par masochisme, mais parce qu’elle a exercé sur moi une profonde fascination. Fleabag m’a perturbée, secouée, bouleversée. Je continue à y penser plusieurs semaines après son visionnage et j’ai cherché à comprendre pourquoi.
Fleabag, une série sur la solitude
Fleabag (« sac à puces » en français) est le surnom (affectueux ?) de l’héroïne. Cette dernière enchaîne les histoires d’amour et les plans culs foireux, se débat pour sauver de la faillite le café qu’elle a lancé avec sa meilleure amie et a des relations plus que compliquées avec son père et sa soeur depuis la mort de sa mère.
Bref, sa vie n’est pas rose, et elle fait ce qu’elle peut pour s’en sortir… SEULE.
Pour moi, la solitude est justement le thème principal de cette série féministe. Loin de la sororité des catcheuses de GLOW, Fleabag raconte l’histoire d’une femme qui ne peut (ou ne veut) compter que sur elle-même.
Elle a beau avoir autour d’elle une sœur, un père, un (ex) petit ami et quelques plans culs, elle reste désespérément seule, et ce constat m’a brisé le cœur.
En regardant Fleabag
, j’ai eu le sentiment que toutes nos relations sociales étaient vaines, fragiles et superficielles.
Insatisfaisantes ou vouées à disparaître, nos amitiés et nos amours nous font toujours du mal. Comme si les êtres humains étaient trop égoïstes pour prendre vraiment soin les uns des autres.
Le message principal que j’ai retenu en regardant Fleabag ? On a beau tenter de se lier aux autres, on naît seule, on vit seule et on meurt seule. Une excellente ambiance donc.
Fleabag, une série intéressante sur la forme comme sur le fond
Je me suis alors demandée si j’étais la seule à avoir ressenti ce profond malaise en regardant Fleabag, et pourquoi tant de femmes de mon entourage avaient crié au génie lors de sa diffusion.
J’en connais même qui l’ont regardée PLUSIEURS FOIS. Pourquoi s’infliger un tel supplice pensais-je ?
Il faut reconnaître que la série est très intéressante sur la forme.
Elle casse certains codes en brisant le 4ème mur (Fleabag s’adresse régulièrement aux spectateurs avec humour, nous forçant à être dans une position de voyeur) et en n’ayant pas peur de montrer des moments de gêne ou de malaise à l’écran (comme dans la vraie vie quoi).
Phoebe Waller-Bridge a un vrai talent d’écriture : son histoire est crue, sans fioritures ni glamourisation des galères traversées par ses personnages. Et les rebondissements au fil de la première saison parviennent à nous tenir en haleine.
Mais Fleabag offre une vision tellement sombre et sordide des relations humaines, qu’elle m’a désespérée. Et même si la fin de la saison 2 laisse filtrer un mince espoir, ce n’est pas assez selon moi qui suis persuadée que les relations humaines peuvent être belles, enrichissantes et profondes.
Fleabag, une série sur la résilience ?
Après en avoir discuté longuement avec ma sœur, je me demande si Fleabag ne m’a pas fait cet effet justement parce que je n’ai jamais vraiment connu la solitude.
Je suis extrêmement bien entourée au quotidien (et j’ai bien conscience d’avoir de la chance d’avoir une famille aimante, des ami·es à l’écoute et un mari qui me soutient). Ce filet de sécurité, c’est ce qui me donne une raison de me lever chaque matin et la force de traverser les coups durs de l’existence.
Alors, Fleabag, c’est un peu un épouvantail pour moi. La série me confronte à ma pire crainte : la solitude et l’effondrement des liens que j’ai réussi à tisser avec les autres.
À l’inverse, peut-être que des femmes qui ont traversé ou traversent des périodes de solitude trouveront du réconfort grâce à Fleabag : « je ne suis pas seule à me sentir seule ».
Surtout que l’héroïne incarnée par Phoebe Waller-Bridge trouve en elle suffisamment de ressources pour survivre, se relever et persister quel que soient les coups durs. Et même si elle est plusieurs repoussée par ses partenaires, par son père et par sa sœur, elle s’accroche et tente, parfois maladroitement, de continuer à se lier avec eux, sans renier qui elle est.
Passée ma première interprétation très négative de la série, je me demande donc si Fleabag n’est pas finalement une série réussie sur la résilience.
Fleabag, une série sur la culpabilité
Fleabag aborde en filigrane le thème de la culpabilité. De flashback en flashback, on découvre la complicité qui unissait l’héroïne à sa meilleure amie. Comme si elle était l’unique personne avec qui elle avait vraiment réussi à se lier.
Pourtant, Fleabag trahit sa confiance en couchant avec son mec. Et sa meilleure amie finit par se suicider. J’ai trouvé ça intéressant que la série ne cherche pas à expliquer le geste de son héroïne, on ne sait pas pourquoi elle a couché avec ce mec.
Et on ne sait pas non plus ce qu’il s’est vraiment passé. Est-ce que sa meilleure amie voulait vraiment se suicider ? Ou est-ce qu’elle espérait se rater pour convaincre son amoureux de revenir vers elle ? À moins qu’il ne s’agisse de la petite histoire que Fleabag se raconte pour alléger sa culpabilité.
Si l’héroïne ne le dit jamais clairement, il me semble que ses actions ensuite montrent bien qu’elle se débat avec son sentiment de culpabilité. Peut-être que la solitude qu’elle ressent et son incapacité à se lier aux autres est d’ailleurs une manière pour elle de se punir inconsciemment.
La fin de la saison 2 un peu plus positive serait-elle alors le signe qu’elle a commencé à se pardonner ?
Je te laisse avec cette question et j’ai hâte d’avoir ton analyse de la série et ton ressenti. On continue la discussion dans les commentaires ?
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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