La petite action s’est tenue au niveau de la porte de Pantin, là où le parcours de la Marche des fiertés qui se déroulait ce samedi 26 juin rejoignait Paris.
« Petite » action, car sur la vidéo qui circule, une dizaine de personnes seulement apparaît. « Les lesbiennes ont besoin de féminisme, pas de transition mutilante », peut-on lire sur une banderole en lettrages ensanglantés, ou bien « les lesbiennes n’aiment pas les pénis ».
Ces éléments de langage sont ceux de la mouvance TERF, ou Trans-Exclusionary Radical Feminist, qui désigne les personnes défendant une conception du féminisme qui exclut les personnes trans.
Comprendre l’idéologie TERF
De quoi parle-t-on quand on parle des TERF ? Le mot ne vous est sûrement pas inconnu si vous avez suivi les longues polémiques autour de J.K. Rowling et de ses positions concernant les personnes trans.
Les TERF estiment que la présence des femmes trans dans les combats féministes est objet de débat, et ne s’arrêtent pas là. Non seulement elles veulent débattre de la légitimité des femmes trans, mais elles ont déjà leur idée sur la question : selon elles, les femmes trans veulent infiltrer les milieux féministes. Elles sont ainsi montrées comme des prédateurs sexuels, des menaces contre les femmes, mais aussi contre les lesbiennes.
À la façon d’un certain hebdomadaire d’extrême droite qui se scandalisait d’un « délire transgenre » fin mai, les TERF aiment agiter la peur du militantisme trans, un militantisme qui mettrait en péril les femmes et les combats féministes.
Faire naître une panique morale à travers l’idée selon laquelle on « forcerait » des enfants et des adolescents à entamer des transitions, à travers aussi la menace de voir disparaître les mots « femme », « lesbienne », est une tactique récurrente dans les positions défendues par les TERF.
Cette idéologie avance masquée ; il n’est pas rare de la voir se parer de l’étiquette « gender critical », qui lui permet d’enrober son discours transphobe d’une rhétorique intellectuelle.
Une pensée profondément transmisogyne
L’idéologie TERF défend une conception biologisante et essentialiste de la femme : on est une femme parce qu’on est née femme et qu’on subit des violences en raison de notre condition de femme.
Cette vision est donc excluante des femmes trans, qui sont assignées hommes à la naissance. Pourtant, ces dernières subissent elles aussi des violences de genre spécifiques : la transmisogynie.
Ce terme a été conceptualisé par l’activiste et autrice Julia Serrano pour montrer l’intersection des discriminations que subissent les femmes trans, le sexisme et la transphobie : harcèlement de rue, violences sexuelles, discriminations à l’embauche, mais aussi représentation médiatique caricaturale et offensante.
Pour une analyse plus approfondie sur l’idéologie TERF, on vous invite à voir ou à revoir le live Twitch de OUT l’émission, réalisée par l’Association des Journalistes LGBTI et Madmoizelle, avec Daisy Letourneur, Giovanna Rincon et Emmanuel Beaubatie (à partir de 47’30).
Violences transphobes et indifférence générale
Laisser entendre que les femmes trans sont des hommes, c’est donc bien un discours violemment transphobe
que ce petit collectif voulait véhiculer alors que défilaient plusieurs dizaines de milliers de personnes de la communauté LGBTI+.
Sasha, militante transféministe et journaliste pour XY Média, s’est interposée. À la violence des messages de la poignée de manifestants transphobes s’est ajoutée l’absence de réactions autour d’elle, mais aussi son interpellation par la police.
L’image est terrible, glaçante : un jour de Pride en 2021, une femme trans migrante est arrêtée par les forces de l’ordre.
Relâchée rapidement, Sasha a cependant été aussi prise pour cible en ligne, où elle fait les frais d’un harcèlement transphobe d’une rare violence.
Manifester son soutien : #LAvecLesT
En juillet 2018, la Pride de Londres avait été le théâtre d’une manifestation similaire : des activistes issues du groupe Get The L Out avaient perturbé la marche à coups de slogans accusant le mouvement trans de s’en prendre aux lesbiennes.
Quatre ans après, ce sont des slogans similaires qui se sont exprimés de ce côté-ci de la Manche.
Suite à la Marche des fiertés, Sasha a rappelé que le soutien des lesbiennes britanniques s’était exprimé en 2018 en soutien à la communauté trans à travers le hashtag #LWithTheT.
Pour écrire #LAvecLesT ?
Si le pouvoir de nuisance de l’idéologie TERF n’a pas atteint le même degré qu’au Royaume-Uni, où elle a réussi à faire avancer des lois transphobes, il est clair que montrer sa solidarité avec la communauté trans est capital aujourd’hui.
Les lesbiennes refusent d’être instrumentalisées par les idéologues TERFs, qui sous prétexte de les défendre (contre qui ? Contre quoi ?) les utilisent pour faire des femmes trans des menaces.
Si les TERFs étaient réellement les alliées des lesbiennes, elles se préoccuperaient sûrement d’enjeux concrets, comme l’extension de la PMA, la réforme de la filiation, les violences spécifiques qui touchent les lesbiennes dans toute la société.
Mais écrire #LAvecLesT ne doit pas se limiter à une manifestation de désolidarisation. Si ce hashtag doit signifier quelque chose, c’est bien que les lesbiennes, qu’elles soient cisgenres ou transgenres, sont liées et ensemble dans ce combat contre la transphobie.
La lutte contre la transphobie, un enjeu féministe
Car on aurait tort enfin de réduire le problème TERF à un enjeu intercommunautaire. Si les lesbiennes font front commun aux côtés des femmes trans, sont solidaires dans la lutte contre la transphobie, c’est aussi dans le milieu féministe de façon générale qu’il faudra prendre garde et rester hautement vigilantes face à l’émergence d’idées nauséabondes.
Qu’on ne s’y trompe, les TERF, FART, ou gender critical, en voulant s’en prendre aux personnes trans, n’ont pas à cœur de défendre toutes les femmes. Leur récupération par l’extrême droite montre que leurs cibles incluent par exemple les travailleuses du sexe et toute forme de militantisme prosexe.
Collectivement, ce ne sont pas que les lesbiennes ou les personnes issues de la communauté LGBTI+ qui vont devoir faire front, mais aussi toutes les féministes dans leur ensemble, pour ne pas laisser passer cette instrumentalisation.
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