Les riches Russes ne s’habillent plus en Chanel, et veulent le faire savoir. Depuis le début des attaques de la part de la Russie à l’encontre de l’Ukraine, le commerce international se complexifie, y compris pour de nombreux acteurs du luxe, qui ont donc préféré suspendre leurs activités au pays de Vladimir Poutine. Parmi eux, Chanel se voit désormais accuser d’être anti-russe et essuie des menaces de boycott.
Chanel, embarrassé par sa clientèle russe qui ne peut plus acheter si facilement
La maison de luxe française vient d’expliquer dans un communiqué qu’elle se conforme simplement aux sanctions de l’Union Européenne qui interdisent la vente à la Russie de produits de luxe d’un prix supérieur à 300€ (soit à peine le prix d’un porte-carte aux C entrelacés).
Interrogé par la BBC, Chanel a également déclaré que les sanctions imposées par l’UE et la Suisse interdisent aussi de vendre des articles à des personnes qui auraient l’intention de les utiliser en Russie :
« C’est pourquoi nous avons mis en place un processus pour demander aux clients dont nous ne connaissons pas la résidence principale de confirmer que les articles qu’ils achètent ne seront pas utilisés en Russie. […]
Nous sommes conscients que ce processus d’interprétation de la loi a déçu certains de nos clients. Nous travaillons actuellement à l’amélioration de cette approche et nous nous excusons pour tout malentendu que cela a pu causer, car l’accueil de tous nos clients, d’où qu’ils viennent, est une priorité pour Chanel ».
Depuis, sur les réseaux sociaux, nombreuses sont les personnes russes à déclarer avoir été refoulé au moment de payer dans des boutiques Chanel à travers le monde.
Les influenceuses crient à la russophobie et menacent de boycott
À l’instar de l’influenceuse Anna Kalashnikova, aux Émirats arabes unis, témoigne-t-elle en story Instagram :
« Comme je viens souvent à Dubaï en tant qu’hôte de la Fashion Week, les managers de Chanel m’ont reconnu, m’ont approché et m’ont dit: Nous savons que vous êtes une célébrité en Russie. Nous savons que vous irez là-bas, alors nous ne pouvons pas vous vendre nos articles de marque. […]
Les boutiques occidentales demandent des données d’identification, et quand vous [donnez] un numéro russe, les vendeurs disent, maintenant nous ne vendons des choses aux Russes qu’avec la promesse qu’ils ne les emmèneront pas en Russie et qu’ils ne les porteront pas là-bas.
La russophobie en action. J’en ai fait l’expérience moi-même. »
Depuis, l’influenceuse russe a également publié en grille Instagram le 7 avril 2022 une vidéo où elle explique, sac à C entrelacés à la main, qu’elle ne pleurniche pas d’être interdite d’achats chez Chanel, comme le prétenderaient les médias occidentaux. Elle s’insurge plutôt contre des politiques qu’elle juge russophobes. Même si elle affirme être ravie de pouvoir investir son argent dans les pièces de créateurs russes comme Valentin Yudashkin ou Vyacheslav Zaitsev.
Des influenceuses russes détruisent même leur sac Chanel en guise de protestation
Depuis, plusieurs personnalités russes se sont exprimés sur les réseaux sociaux, contre Chanel. Comme l’influenceuse Victoria Bonya, 9,3 millions d’abonnés Instagram, qui a découpé ce qui ressemble à un sac de la marque (mais cela pourrait très bien être un faux), déclarant dans sa vidéo publiée le 5 avril 2022 sur le réseau social du groupe Meta :
« Si la maison Chanel ne respecte pas ses clients, pourquoi devons-nous respecter la maison Chanel ? »
D’autres influenceurs ont suivi, y allant des gros ciseaux de cuisine aux sécateurs de jardinage pour détruire leur soi-disant sac Chanel, en guise de protestation contre la maison et les politiques contre la Russie :
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a également déclaré cette semaine, accusant Chanel d’avoir rejoint « la campagne russophobe pour annuler la Russie », rapporte le Washington Post :
« Un certain nombre de blogueurs ont rapporté que les magasins officiels de la marque Chanel à l’étranger refusaient de vendre leurs produits aux citoyens russes. »
Pour accompagner ces vidéos de destruction de sacs Chanel valant chacun plusieurs milliers d’euros qui se multiplient (du moins, s’il ne s’agit pas de contrefaçons), certaines personnes russes vont encore plus loin, allant jusqu’à créer de fausses informations.
Relayer des fake news pour ternir l’image de la marque afin de protester
Relayée notamment par la mannequin-influenceuse mentionnée plus haut Victoria Bonya le 7 avril 2022, une vidéo correspondant à la charte graphique du Figaro montre une boutique Chanel vandalisée. La tête d’Hitler aurait été dessinée autour du logo aux C entrelacés pour rappeler le passé nazi de la fondatrice de la maison de la rue cambon. La vidéo stipule qu’il s’agirait des conséquences des actions contre la Russie.
Sauf qu’il s’agit de photomontages : Le Figaro n’a jamais publié cette vidéo, qui tient donc d’une intox russe.
Cette histoire montre jusqu’où les modeuses et influenceuses russes peuvent servir la propagande, parfois mensongère, de leur pays. Et à quel point l’industrie du luxe pèse, en terme d’image, d’économie, et donc de politique, dans le conflit qui l’oppose à l’Ukraine.
À lire aussi : Marina Ovsyannikova, qui a dénoncé la guerre en Ukraine à la télé russe, a été libérée
Crédit photo de Une : capture d’écran Instagram.
Les Commentaires
On peut critiquer l'usage de sanctions économiques, n'empèche qu'on parle d'un pays qui en a envahit un autre et qui commet des crimes de guerre contre des civils : en quoi c'est équivalent avect la xénophobie en France ?
Je suis mitigée sur ce point là : ceux qui soutiennent en Russie les exactions ne sont pas forcément si rares, ils y en avait déjà un certain nombre il y a 20 ans dans le cas de la 2nde guerre de Tchétchénie.
Le racisme est complètement décomplexés envers les Caucasiens en Russie : j'y ai entendu là-bas un certain nombre d'horreurs racistes, et aussi en creux des justifications des violences de masses (tortures, viols, assassinats) commises contre les Tchétchènes, or pour justifier ça, ça implique de savoir au moins un peu ce qui était commis...
Dans "Tchétchénie, le déshonneur russe", Politkovskaïa cite quelque chose qui m'avait rappelé cela : elle parle des enfants russes qui jouaient à la "zatchiska" sous les rires de leurs parents, à quel point (et dans quelle proportion) les gens ne savaient pas (et ne savent pas maintenant), en fait?
Entre ceux qui savent et cautionnent et ceux qui savent et s'en foutent...
La propagande contre les "nazis" ukrainiens elle cohabite très bien avec l'idée que la vie des khokhols (insulte russe pour qualifier les Ukrainiens) a moins de valeur : on parle de russophobie mais l'ukraïnophobie des Russes, répandue dans les médias d’État depuis des années, elle est aussi responsable de meurtres, de viols et de tortures en Ukraine (et c'était déjà le cas en 2014, il y avait déjà des chambres de tortures dans le Donbass séparatiste).
C'est pas seulement une question de "ils croient que c'est leur pays qui est menacé", ça va au delà de ça pour un certain nombre de Russes. Ça ne veut pas dire que c'est le cas de tous les Russes bien sûr, mais je pense que certains en France seraient surpris sur le degré d'acceptation (voire d'adhésion...) d'un certain nombre de Russes envers les atrocités commises en leur nom en Ukraine et en Tchétchénie : ça fait plus d'un mois que je lis que "ils ne savent pas" répété comme un mantra, alors que c'est franchement à nuancer quand même...
Cela dit depuis la médiatisation de la tribune d'un politiste russe qui appelle à une "désukraïnisation" sous la forme entre autres d'une épuration ethnique, - d'autres disent quasiment pareil, comme Medvedev (article ici) - j'ai l'impression que cette idée du "les Russes ne savent pas et s'ils savaient ils n'approuveraient pas" vacille un poil.