Lundi 10 juillet, le gouvernement a dévoilé son plan national pour l’égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2023-2026. Sollicitées (de loin) pendant l’élaboration du plan, les associations Acceptess-T, Act Up Paris, AIDES Paris, Les désobéissan.t.e.s, Ardhis, OUTrans et l’Inter-LGBT ont dénoncé dans un communiqué commun une « instrumentalisation de leur participation » pour donner l’illusion d’une « co-construction de façade entre le gouvernement et les associations ». Elles déplorent par ailleurs le « manque d’ambition et de volonté politique » des mesures annoncées.
Les personnes trans, exclues du plan gouvernemental
Premier point de friction, les associations déplorent un manque de prise en compte de leurs revendications. Elles dénoncent en particulier « l’invisibilisation des transidentités » : en effet, ce nouveau plan gouvernemental ne prévoit pas de mesures satisfaisantes pour lutter contre la transphobie. Illustration de cette inaction : « l’absence d’engagement sur la déjudiciarisation du changement d’état civil », pourtant jugée prioritaire par les acteurs de terrain.
De surcroît, les associations rappellent que le précédent plan gouvernemental y consacrait un volet entier, et s’inquiètent de ce retour en arrière qui ne prend pas la mesure de l’urgence : « les personnes trans sont la cible principale des attaques LGBTI+phobes ».
Interrogée par nos confères de Libération, Véronique Godet, co-présidente de SOS Homophobie, développe :
Depuis 2016, les associations LGBT + se battent pour une procédure plus simple et gratuite. A ne pas vouloir protéger des individus et leur faire reconnaître des droits, on les fragilise. D’autant plus en ce moment, où il existe une recrudescence de la haine contre les personnes transgenres. Pour moi, il s’agit d’un manque de courage de Matignon vis-à-vis du ministère de la Justice et de l’Intérieur, pas favorables à cette mesure.
Véronique Godet dans Libération, 10 juillet 2023
Les associations déplorent par ailleurs qu’aucune mesure ne soit prévue pour « faciliter l’accès au droit des demandeurs d’asile ou des couples binationaux LGBTI + ».
« Ce plan va contre les personnes LGBTI+ »
Autre point de blocage pour les assos, l’impression que leur participation a été instrumentalisée. En effet, le communiqué dénonce les conditions d’élaboration du plan, les réunions de travail fixées en dernière minute et l’absence de visibilité sur une quelconque date butoir ou de sortie.
Selon les associations, la sortie du plan, originellement prévue pour le 17 mai (journée mondiale contre l’homophobie) a été repoussée sine die, et les associations en auraient découvert le contenu final le 10 juillet. Et là, surprise : leurs revendications, produites après des heures de travail et d’écriture, sont passées à la trappe.
La sentence est donc sans appel. « Partant du principe que ce qui est fait pour nous, sans nous, se fait contre nous, ce plan qui n’a pas été élaboré avec les personnes concernées va contre les personnes LGBTI+ », concluent-elles.
Un travail hâté
Si les associations soulignent quelques mesures encourageantes, elles déplorent que ce nouveau plan n’ait pas intégré les leçons du premier, estimant que ces travaux auraient dû s’appuyer sur une « évaluation indépendante du précédent plan (2020-2023) ». Une vision également partagée par Véronique Godet, dans les colonnes de Libération :
Le financement proposé est intéressant mais faudrait-il encore qu’il puisse être effectif. On peine à fidéliser nos bénévoles qui, comme je vous l’ai dit, effectuent le travail de l’Etat. On n’a plus assez de membres associatifs pour accueillir à la fois des jeunes dans les centres LGBT + et sensibiliser l’opinion publique. Nous sommes obligés de refuser certaines sensibilisations en milieu scolaire car nous ne sommes plus assez nombreux. Il s’agit du deuxième plan contre la haine anti-LGBT depuis 2020, mais on ne voit pas l’effectivité des mesures du premier.
Un travail bâclé qui n’est donc pas à la hauteur de l’urgence. Dans son rapport annuel publié le 16 mai, SOS Homophobie a pourtant constaté une hausse de 26 % des agressions physiques LGBTphobes entre 2021 et 2022, soit une tous les deux jours. Pour reprendre les mots de Véronique Godet, « comme toujours, les enjeux politiques passent avant le droit des personnes ».
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