Samedi 13 février, TF1 diffusait la suite des auditions à l’aveugle de son émission phare The Voice, et un passage nous a franchement fait grincer des dents.
Tarik, un candidat de 21 ans, a choisi d’interpréter pour l’audition un titre de Grand Corps malade. Un choix audacieux — le slam n’étant pas un style musical particulièrement représenté dans l’émission — qui lui a permis de convaincre Marc Lavoine de le prendre dans son équipe.
« Mon chéri » : un slam sur l’IVG dans The Voice
Les coachs ont ensuite demandé à Tarik s’il pouvait interpréter un texte de sa composition, et le jeune homme s’est lancé en interprétant un slam baptisé « Mon chéri ».
Au début, on pense que le texte donne la parole à une mère qui parle à son fils, en lui faisant ses adieux : parce qu’il va mourir ? Parce qu’elle va mourir ? Parce qu’il va juste quitter la maison ? Ce n’est pas très clair…
Puis on finit par comprendre, qu’il s’agit en réalité d’une femme qui a décidé d’avorter et qui s’adresse à son embryon en imaginant et en regrettant toute la vie qu’ils n’auront pas ensemble.
L’interprétation émeut certains coachs, au point de faire pleurer le chanteur Vianney, mais une fois la séquence terminée, les mots de Tarik nous laissent un goût amer, voire carrément l’impression d’écouter les arguments des anti-IVG.
« Mon fils ne m’en veux pas mais je vais devoir t’avorter »
Voici un extrait des paroles pour vous faire une opinion :
« Mon chéri c’est moi, j’aimerais te parler Je serai toujours là pour toi est-ce que tu le sais ? Je veux te dire que je t’aime que tu es un rêve Et te voir grandir c’est un privilège Tu es mon fils mon sang la chair de ma chair
[…]
Je suis vide sans toi, j’ai peur de dire adieu Je t’imagine près de moi et là je me sens mieux J’en fais peut-être trop, c’est normal je suis une maman Une qui a juste peur de voir partir son enfant »
[…]
Mon fils je te regarde mais doucement tu disparais Alors je m’accroche à toi et au rêve que tu étais Car oui tu n’es pas né et je ne te verrai jamais Mon fils ne m’en veux pas mais je vais devoir t’avorter. »
99% des femmes ne regrettent pas d’avoir fait une IVG
Alors, bien sûr, il n’est pas question de nier le fait que certaines femmes puissent ressentir des sentiments ambivalents en décidant de recourir à une IVG, que cela puisse être une souffrance et/ou que certaines puissent le regretter. Même si, statistiquement, les femmes qui regrettent d’avoir eu recours à une IVG sont une extrême minorité (moins de 1% des cas selon une étude américaine).
Plusieurs passages du slam m’ont toutefois fait grincer des dents très fort.
Pourquoi s’adresser directement à l’embryon comme s’il était de sexe masculin ? Quand on avorte dans le délai légal en France, on n’a aucune idée du sexe de l’embryon…
Pourquoi parler de soi comme d’une « maman » alors qu’on ne veut justement pas devenir mère ?
Pourquoi reprendre la réthorique des anti-IVG ? « Je me sens vide sans toi », « la chair de ma chair »…
Et puis cette phrase finale « Mon fils ne m’en veut pas, mais je vais devoir t’avorter », sans aucune explication, justification, éléments, qui viendraient appuyer le fait qu’elle a pesé sa décision et que c’est « son corps, son choix ».
Pas d’utérus, pas d’opinion
Tarik n’a – a priori – pas d’utérus. Il ne sera donc jamais confronté à ce choix. Pourquoi choisir d’écrire un texte là-dessus plutôt que de parler de quelque chose qu’il connaît ?
En « donnant la parole » à une femme fictive qui semble prendre cette décision à contre-cœur, il montre surtout qu’il connaît mal la réalité de l’IVG et des personnes qui y ont recours. Non seulement 99% des femmes ne regrettent pas d’avoir fait une IVG, mais en plus, cet acte est souvent vécu comme un véritable soulagement.
Devoir mener une grossesse à son terme alors qu’on ne la désire pas est une souffrance qui est complètement occultée par le slam de Tarik. Sans parler des difficultés à avoir accès à l’IVG ou des jugements de l’entourage, de certains professionnels de santé et de la société en général.
Le candidat de The Voice n’est pas le seul artiste masculin à tenter une incursion sur ce terrain glissant. Big flo et Oli avaient eux donné la parole à un embryon « avorté » dans leur chanson « Le cordon ».
Alors face à ces prises de parole, au mieux maladroites, au pire antiféministes, mieux vaut (ré)écouter « Non tu n’as pas de nom » d’Anne Sylvestre. Ses mots datent de 1973, mais ils sonnent toujours aussi justes.
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