« J’espère toucher un public que je n’ai pas touché avec mes films ou avec l’audio. »
D’abord à travers des courts-métrages pour adultes réalisés pour Erika Lust, puis avec les podcasts érotiques et éducatifs VOXXX créés avec Karl Kunt, Lélé O, et Mélia Roger, Olympe de G. a dédié sa carrière à la production de contenus pornographiques éthiques et alternatifs.
Mais comment on se lance dans le porno féministe à plus de 30 ans quand on avait une vie plutôt rangée ? Dans son nouveau livre paru début septembre, Jouir est un sport de combat, la réalisatrice livre un récit « personnel et engagé » et se confie sur les racines de son engagement.
Interview d’Olympe de G., en lutte pour une sexualité libérée
Madmoizelle : Vous êtes passée par la production visuelle et par l’audio avec VOXXX. Pourquoi arrivez-vous maintenant à l’écrit ? Pourquoi ce livre ?
Olympe de G. : Je me suis rendue compte que le principe de faire du porno féministe intéressait beaucoup de monde. En revanche, si les gens trouvent ça chouette qu’on essaye de réinventer ce domaine, ils ne regardent pas forcément. Notamment parce que ce sont des contenus payants et aussi parce que tout le monde n’a pas envie de regarder de la pornographie.
C’est de là qu’est venue l’idée de créer VOXXX en 2018 : l’ambition était de donner envie aux personnes qui ne voulaient pas regarder du porno et de leur proposer du contenu bienveillant sans images.
Aujourd’hui avec ce livre, je voulais m’adresser à un public encore plus large et raconter pourquoi je me suis mise à faire du porno féministe à plus de 30 ans.
Votre nouveau livre s’appelle Jouir est un sport de combat : contre quoi combattez-vous ?
Contre tout ce qui s’est mis sur mon chemin pour m’empêcher de vivre mon corps sans honte, avec liberté et plaisir.
Je me bats contre des schémas sociaux que j’ai intériorisés, qui me disent que ma sexualité est sale, que mon corps devrait être dompté et contrôlé. Je me bats contre toutes ces idées qui façonnent le rapport de nombreuses personnes à leur corps et à leur sexualité.
Comment êtes-vous montée sur le ring pour combattre cela ?
En faisant du porno ! C’était mon coup d’État. Je me suis dit : « Je devrais avoir honte d’avoir une sexualité ? Eh bien je vais dynamiter vos injonctions en faisant ce qu’il y a de plus honteux d’après vous : en ayant une sexualité exubérante, en l’enregistrant et en la rendant publique. Vous me dites que je devrais en avoir honte ? Non, j’en suis fière ! Et j’en suis tellement fière que je la donne à voir dans des films et sur Internet ».
Même sans engager mon corps et sans performer, j’ai continué à revendiquer une sexualité joyeuse, et un amour des corps et du plaisir. J’aime bien me saisir de cette honte qu’on m’a apprise à ressentir et la changer en fierté.
C’est plus que de l’acceptation ou de l’amour de soi, c’est une revendication jouissive du plaisir et de la liberté sexuelle.
Vous avez inclus dans votre ouvrage des entretiens avec d’autres perfomers. Pourquoi était-ce important ?
Il y a plein de gens qui parlent mieux que moi de certaines thématiques. C’est quelque chose qu’on comprend vite quand on réalise des films : on fait un travail de chef d’orchestre, on s’entoure de personnes qui sont beaucoup plus pointues que soi dans plein de domaines et qui viennent apporter leur pierre à l’édifice. Il y a beaucoup de thèmes sur lesquels ma parole n’est pas la plus compétente.
Et j’aime bien le fait qu’on entende plein de voix différentes. Parce que faire un film porno, c’est un travail d’équipe !
Qu’est-ce que la pornographie alternative ?
C’est la tentative de proposer une alternative à ce que la plupart des gens consomment, c’est-à-dire du porno accessible gratuitement sur les « tubes ».
Pour faire ça, il y a ce qui se passe devant la caméra et ce qui se passe derrière.
Derrière la caméra, on réfléchit à la manière dont on va produire un porno dans le respect de toutes les personnes qui s’y investissent. Ça passe par des réflexions sur le consentement des performers, la création d’un poste de coordinatrice d’intimité, et par le fait de travailler de façon humaine car le porno peut être un milieu qui peut vite être maltraitant pour les équipes.
Devant la caméra, dans ce qu’on veut donner à voir, il y a une responsabilité en tant que réalisatrice de mettre en scène des films qui portent des valeurs humanistes. Je me demande toujours en quoi le film que je réalise pourra impacter positivement les personnes qui vont le regarder.
Et vous, quel genre de porno réalisez-vous ?
J’essaye de faire du « feel good porn », c’est-à-dire un porno qui fasse qu’on se sente bien quand on le regarde et après l’avoir regardé. Qu’on ne soit pas en dissonance avec ce qu’on vient de voir et qu’on ne se dise pas : « ça m’a excitée, mais j’espère que personne ne saura jamais que j’ai regardé ça ».
Je veux produire des contenus avec lesquels les gens se sentent en accord.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées pendant vos combats ?
Je parle de plusieurs de ces difficultés dans mon livre.
Il y a notamment la difficulté de financer le porno en France, sachant qu’on n’est ni vraiment rattachés au cinéma, ni au porno mainstream… J’aimerais bien pouvoir réaliser mes films dans les mêmes conditions que les autres réalisateurs et réalisatrices. C’est un peu pour ça que j’ai posé les gants — provisoirement.
Vous évoquez Berlin comme pivot dans votre vie. En quoi cette ville a-t-elle été émancipatrice pour vous ?
J’y ai découvert un autre rapport au corps que celui que je connaissais en France. Un rapport plus libre à la nudité, comme quelque chose de simple et de pas sexualisé. Un rapport au sexe plus décomplexé et moins dramatisé : ça reste intime, mais c’est une intimité qu’on peut partager, puis passer à autre chose.
Vous parlez de la hiérarchie des pratiques dans votre livre et du fait que le mouvement sex positive peut parfois être un peu méprisant : comment cela s’est-il manifesté dans votre expérience personnelle ?
Je ne dirais pas qu’il est méprisant. Mais dans le mouvement sex positive, la norme peut souvent être celle des pratiques kinky. Ce qui fait que quand on n’a pas d’intérêt pour ce type de pratiques, on peut se retrouver complexée.
Dans mon livre, je prends notamment l’exemple des pratiques BDSM et du fait que moi, je me sens « vanille ».
Quel est le cliché qui vous énerve le plus dans le porno mainstream ? Et dans la sexualité en général ?
Ce qui me frappe le plus, c’est que la sexualité féminine peut vraiment être plaisante et épanouissante sans pénétration. Mais dès que l’industrie va vouloir représenter des actes sexuels hétéros, c’est une sexualité qui est très pénocentrée et phallocentrée.
Je trouve ça dommage : comme l’explique Martin Page dans son livre Au-delà de la pénétration, il y a tellement d’autres choses.
C’est une vision que je dois moi-même déconstruire dans mes envies. On a toujours l’impression que la sexualité est pulsionnelle, mais elle est construite et il y a donc un travail de déconstruction de ses désirs à faire.
Que pensez-vous des récents risques qu’OnlyFans interdise les contenus pornographiques ? Quels impacts pour les travailleurs et travailleuses du sexe ?
C’est de plus en plus dur pour les petits producteurs et productrices de porno de pouvoir proposer des contenus si les plateformes les lâchent les unes après les autres.
Contrairement aux grosses plateformes de porno qui vont toujours avoir l’argent pour être plus ou moins en conformité avec les exigences des États, quand on est petit, on ne peut pas investir par soi-même dans une interface de paiement, par exemple.
C’est compliqué de proposer un porno éthique, car on est pénalisés à cause des dérives du milieu du porno mainstream. Nos tentatives sont donc handicapées.
Quel est l’avenir du porno selon vous ?
J’ai écrit tout un texte à la fin de mon livre sur mes espoirs. Mon espérance, c’est que le sexe devienne quelque chose qu’on censure moins et qu’on rende moins tabou. Que cela devienne beaucoup plus normal.
Jouir est un sport de combat, d’Olympe de G., actuellement disponible
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Crédits photos : éditions Larousse / Tim Samuel (Pexels)
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Donc voilà je sais qu'encore une fois ce n'est pas connu ou qu'on peut tout simplement croire la version d'Olympe qui a en réponse accusé l'acteurice de harcèlement mais il n'empêche que ça me met très mal à l'aise qu'on promeuve un porno "féministe" quand en grattant un peu on en voit très vite les limites...