Pour sauver la planète, arrêtons de faire des enfants ! Cette suggestion n’est pas nouvelle (coucou le malthusianisme) et surgit régulièrement dans le débat public. Dans une tribune parue le 9 novembre 2022 dans Le Monde, 11 scientifiques (10 hommes et 1 femme) persistent et signent : pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut réduire la population mondiale.
Face à des problématiques sociétales complexes, il peut être tentant de brandir des arguments démagogiques. Quitte à occulter certains éléments essentiels et promulguer des idées qui fleurent bon le racisme.
Demander aux pays du Sud de faire moins d’enfants pour que le Nord puisse continuer de polluer, vraiment ?
Selon un rapport de l’ONU paru en juillet 2022, la population mondiale devrait dépasser les 8 milliards d’êtres humains avant la fin de l’année. Notre planète, déjà mal en point, peut-elle supporter tant de monde ? D’après la tribune de scientifiques parue dans Le Monde, les ressources mondiales seront bientôt insuffisantes.
Évidemment, le raisonnement peut sembler logique. On en viendrait presque à oublier qu’il vise exclusivement une tranche de la population mondiale, encore et toujours accusée de faire « trop d’enfants » et qu’il occulte les comportements ultra-polluants de pays enregistrant pourtant des taux de fécondité parmi les plus faibles de la planète.
Le réchauffement climatique et les pays riches
À l’heure actuelle, les 10 % les plus riches de la population sont responsables de 50 % des émissions de CO2. La tribune argue que les pays les plus pauvres verront à terme leur niveau de vie augmenter, faisant d’eux des consommateurs et des pollueurs comme les autres. Ce qu’elle ne mentionne pas, c’est qu’une hausse du niveau de vie entraîne naturellement une baisse de la fécondité des populations concernées. Ni que ce niveau de vie n’est pas à lui seul responsable de tous les comportements polluants. D’après une étude publiée par Oxfam en 2015, les 10 % des Indiens les plus riches émettent un quart du CO2 émis par la moitié la plus pauvre des États-Unis.
Les pays pollueurs doivent tenir leurs engagements
Alors que l’on suggère aux pays les plus pauvres de se restreindre, les pays les plus riches continuent coûte que coûte de suivre un modèle capitaliste outrancier. Quitte à transformer certaines régions du monde en zones inhabitables et justifier la difficulté de leurs populations à survivre par leur trop grand nombre d’enfants.
Les accords passés lors des différentes COP (Conférences des parties) afin de maintenir la hausse des températures sous 2 degrés ne sont pas respectés. Les projets nationaux n’aboutissent pas non plus : en France, seules 10 % des propositions faites par la Convention Citoyenne pour le Climat de 2019 ont été retenues. Et si nous donnons aux autres pays des conseils pour gérer leurs ressources, nous gaspillons nous-même chaque année 10 millions de tonnes de denrées alimentaires.
Et si avant de demander à certaines populations de moins se reproduire, les pays riches commençaient par tenir leurs engagements environnementaux ?
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Crédit photo de Une : Pavel Danilyuk de la part de Pexels via Canva.
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Les Commentaires
Le truc avec la maîtrise de la démographie, c'est que ça va généralement de paire avec une augmentation du niveau de vie et donc de la pollution. Quand les filles sont scolarisées plus longtemps, les femmes ont moins d'enfants et plus tard, et leur revenu augmente (plus de femmes travaillant, plus de travail qualifié) . Avec l'augmentation du revenu par tête, le niveau de vie augmente et les biens consommés également.
Donc pour moi le principal levier est bien le niveau de vie et le mode de consommation des plus riches (et non des plus nombreux). Mais en même temps, il faut réfléchir au mode de vie qui va être proposé aux populations qui atteindront ce niveau de vie dans quelques années/dizaines d'années.