Publié initialement le 20 avril 2017
Il se fait l’écho de nos doutes, de nos peurs parfois, de notre appréhension d’un futur qui se rapproche sans qu’on sache comment réagir, quel choix faire, à quelques jours, à quelques heures du premier tour de l’élection présidentielle 2017.
Ça fait plusieurs mois que ça gronde.
Plusieurs mois que je regarde ce que je considère comme un désastre annoncé s’approcher au ralenti. J’ai vu le Brexit, j’ai vu l’élection de Donald Trump et il y a quelques jours, j’ai entendu la menace d’utilisation de l’arme nucléaire en Corée du Nord…
Nous voilà plus qu’à quelques jours de ce dimanche 23 avril, premier tour de l’élection présidentielle, et j’ai l’impression que c’est au tour de la France de sombrer elle aussi.
Et ce qui me peine le plus au milieu de tout ça, c’est que je ne sais toujours pas avec certitude pour qui je veux voter.
Je sais que je ne suis pas la seule dans ce cas.
D’ailleurs, même mes ami·es qui disent avoir fait leur choix ne semblent pas pour autant convaincu·es de ce dernier. L’une d’entre elles m’annonçait il y a quelques jours avoir changé d’avis.
Avec mes potes, je parle stratégie de vote, craintes, ou encore je préfère changer de sujet, histoire de m’accorder quelques minutes supplémentaires de déni.
Le déni, parce que je sais qu’il y a un choix sur lequel je ne reviendrai pas : j’ai beau être encore paumée, j’irai voter.
De l’incompréhension de cette élection 2017 dans son ensemble
Cette élection aura été marquée par l’omniprésence des sondages, des fakes news, et de ce que je nommerais presque une surabondance des informations : partout, les avis fusent, se croisent et me perdent.
En élisant un·e président·e, dans le contexte socio-politique actuel, j’ai l’impression de jouer un grand rôle dans l’Histoire. Un grand rôle qui m’échappe des doigts quand je tente de m’intéresser de plus près aux programmes des candidat·es : je les trouve trop longs, parfois flous sur certains sujets voir carrément incompréhensibles…
Ma collègue Julia est d’ailleurs mal à l’aise sur ce point, et critique au passage ces limites de notre système démocratique :
« On nous demande de voter pour des candidat•es dont on ne comprend pas forcément les idées, même en s’y intéressant et en se documentant sur la question.
D’une part, j’ai l’impression que la majorité des votant·es est complètement influencée par les opinions et candidat·es mis·es en avant dans les médias.
De l’autre, j’ai l’impression que certain·es partisan·es suivent leur candidat aveuglement tel·le un·e gourou.
Dans tous les cas, je n’ai pas l’impression que tous ces gens aient eu la réflexion nécessaire à un tel choix. »
Et c’est là que ça coince dans mon cas. Quand je tente d’avoir une réflexion plus poussée, je me rends bien compte que rien ne me convient.
Présidentielle 2017 : les valeurs VS le vote utile
Toute ma vie, je m’étais habituée à un monde politique relativement plat, où les propositions semblaient finalement ne différer que peu entre une gauche et une droite modérées, faisant le ping-pong au pouvoir.
Cette élection est bien différente dans le sens où des positions très fortes ont été prises de la part des différent•es candidat·es qui semblent favoris.
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Alors il y a des candidat·es qui me plaisent plus que d’autres, mais ce ne sont pas forcément celles/ceux qui ont le plus de chance d’être élu·es, si j’en crois les sondages.
Vient alors l’idée assez dérangeante du « vote utile », un vote stratégique pour une personne qui conviendrait un peu moins à mes idéaux, mais qui a plus de chances d’être élu·e. J’ai peur de « l’effet 2002 », d’autant plus qu’il semble dit partout comme une évidence que Marine Le Pen sera au second tour.
En effet, la candidate du FN rassemble sur son nom un nombre stable de voix. Ce « socle électoral », dont la stabilité a été confirmée depuis les élections européennes en 2014 et les élections régionales fin 2015, n’est même pas ébranlé par les nombreuses affaires du Front National. Sa qualification pour le second tour n’est donc pas une simple projection sondagière.
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Plusieurs de mes collègues m’affirment d’ailleurs avoir cette impression de devoir choisir le candidat qui l’affrontera. Mymy explique alors :
« Ça me saoule un peu de voter « par stratégie » et non en suivant mes valeurs à la lettre, surtout que c’est seulement ma deuxième élection présidentielle en tant que votante.
Mais j’ai peur de voter pour Benoît Hamon, le candidat qui me correspond le mieux, et de me retrouver à devoir choisir entre deux candidats qui ne me correspondent pas du tout au second tour. »
Je pense comme Mymy… Mais mon choix n’est toujours pas tranché : vote utile ou vote passionné ?
Et si on préférait un vote passionné plutôt que l’abstention ?
Ce premier tour laisse tout de même un choix assez large de candidat•es, et donc de projets, d’opinions assez diverses.
À l’encontre du fameux « vote utile », Aki exprime son penchant pour un choix de vote passionné :
« Si ce n’est pas vous qui partagez les valeurs d’un·e candidat·e, alors que vous croyez en lui/elle, pourquoi est-ce que les autres le feraient à votre place ?
Même si le ou la candidat·e en question n’a aucune chance de passer le premier tour, ce n’est pas une raison pour ne pas tenir la barre de votre côté pour vos principes.
N’ayez pas peur de voir quelqu’un de « plus dangereux » passer hypothétiquement pour le second tour, gardez un peu d’idéalisme en vous et encore une fois, croyez en votre candidat·e ! »
Pour d’autres, l’expression de leurs idéaux passe par une abstention comme signe protestataire. Marina n’a jamais voté de sa vie, elle explique ne jamais s’être vraiment sentie concerné·e, sans pour autant être désintéressée des enjeux :
« J’ai l’impression de ne rien comprendre à la politique : je n’ai jamais eu d’éducation à cela que ce soit à la maison ou à l’école…
En plus de ça, j’ai l’impression que les hommes politiques qui nous dirigent oublient les considérations du peuple à la minute où ils accèdent au pouvoir. »
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De mon côté, j’ai encore trop peur des conséquences que le vote des autres pourrait avoir sur ma vie. À mes yeux, si tout n’est pas parfait, je ne vois pas en quoi ne pas voter changerait les choses. Et comme le dit très justement Esther :
« Hors de question de laisser aux autres le loisir de décider pour moi. Hors de question de renoncer à mon droit de vote ! »
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Je ne sais pas pour qui j’irai voter mais je tenterai jusqu’au bout d’éviter le pire
Je refuse aussi de me dire que « de toute façon, c’est tou·tes des pourris » et « peu importe qui est élu, ma vie ne changera pas. ». C’est faux.
Mon accès à la santé, à la contraception ou le droit à l’IVG pourraient être remis en question. Ma meilleure amie est infirmière et une nouvelle réduction des effectifs dégraderait grandement ses conditions de travail. J’ai une amie brésilienne qui est venue en France faire ses études, elle pourrait être sommée de partir.
C’est pour ma vie et la leur que je voterai. Je sais que les candidat·es peuvent tou·tes avoir un impact positif ou négatif sur ces questions, de manière plus ou moins forte.
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À ce jeu-là, je ne pense pas qu’on me demande aujourd’hui de choisir entre la peste et le choléra. Non, pour être tout à fait honnête, j’ai davantage l’impression que mon choix va se faire entre la peste et la grippe…
Et je dis ça parce que bien traitée, une grippe n’est pas forcément grave.
Présidentielle 2017 : la perspective d’un second tour qui fait peur
En fait, je crois que si toute cette élection me fait peur, c’est que contrairement à ce que j’ai vécu dans le passé, tout ne semble pas être joué d’avance. Le second tour est incertain et certains scénarios m’effraient bien plus que d’autres.
Je voterai au premier tour. Je ne sais pas encore pour qui avec certitude, même si j’ai une short-list en tête. Vient alors la question suivante : et si au second tour, les candidat·es restant·es sont deux personnes dont les valeurs qui vont entièrement à l’encontre des miennes ?
Là aussi, je voterai. Même si c’est blanc, je voterai. Ce sera ma manière de dire que je ne me désintéresse pas de la politique mais que je ne veux pas choisir entre les deux.
Anne-Fleur a fait le même choix, elle ajoute :
« Ça signifiera : je vaux mieux que ça, et mon pays aussi ! »
Alors voilà où j’en suis, un peu perdue à la perspective de cette élection qui arrive à pas de géant. Un peu paumée, pleine de crainte mais avec au moins une certitude : j’irai voter.
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Présidentielle 2017 : le choix de la relativisation
Ce papier aurait pu s’arrêter là, sur ces paroles qui peuvent sembler cyniques. Mais à sa relecture, ma collègue Marie m’a donné un avis tempérant l’importance de cette élection.
Elle aussi est un peu paumée. Elle pensait voter pour un candidat, puis a changé d’avis et se questionne encore aujourd’hui… Pour autant, elle ne se met pas autant de pression sur cette élection.
« Mes engagements du quotidien sont pour moi bien plus importants que glisser un bulletin dans une urne (même si ça ne m’empêchera pas de le faire dimanche).
Le futur de notre pays dépend également de nos faits et gestes du quotidien, que ce soit en s’engageant dans des associations, en filant un coup de main à des ami·es ou des inconnu·es ou encore en faisant attention à notre consommation… »
Et toi, comment te sens-tu à l’approche de cette élection ? Est-ce que ton choix est fait ? Viens en parler dans les commentaires !
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*On écrit « toutes » car nous sommes en majorité (mais pas exclusivement) des femmes, et que le féminin n’est pas excluant. On applique simplement une règle de majorité.
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