Rares sont les films d’horreur à faire leur chemin jusqu’aux Oscars, l’académie leur préférant les drames sociaux, les biopics ou à l’extrême rigueur les comédies musicales.
Pourtant (et bien qu’ils ont prodigieusement boudé notre Palme d’or, Titane, cette année), en 2021, les Oscars ont prouvé leur nouvel intérêt pour le genre en sélectionnant Post Mortem, du réalisateur Péter Bergendy, pour représenter la Hongrie en 2020 dans la catégorie « meilleur film étranger ».
Verdict : ce long-métrage, le second à avoir été projeté à Gérardmer dans le cadre de la compétition officielle, vaut-il 115 minutes de votre précieux temps ?
Post Mortem et les fantômes de la guerre hongro-roumaine
Tomas (excellent Viktor Klem) aurait pu mourir au front.
Plongé dans une sorte de coma après l’explosion d’une grenade, il a même été jeté dans une fosse, sur une pile de cadavres. Heureusement, un vieil homme l’a vu respirer, et l’a extirpé de son tombeau.
Tomas est donc un rescapé qui porte les stigmates de la guerre sur son corps.
Revenu du front, il retrouve son travail de photographe post mortem — qui consiste, comme son nom l’indique, à photographier des défunts. Une pratique a priori étrange mais souvent demandée par les familles des morts, qui posent à leurs côtés pour immortaliser leur amour une dernière fois.
Émouvant ou cafard, à vous de voir.
Au détour d’une foire itinérante, Tomas fait la rencontre d’Anna (touchante Fruzsina Hais), une petite fille dont il est persuadé qu’il a vu son visage dans un rêve lorsqu’il est revenu d’entre les morts.
Anna lui confie que dans son village, des dizaines de gens ont succombé à la grippe espagnole — quand ils n’ont pas été tués au front.
Parce qu’il est persuadé que quelque chose le relie à cette enfant, Tomas accepte de l’accompagner dans son village, pour prendre des photos des défunts. Mais lorsqu’il arrive, une odeur de mort plane sur le bourg, commune à nul autre endroit…
Les parents ont si peur que la faucheuse s’empare de leurs enfants qu’ils les coiffent de sacs de pommes de terre, pour cacher leurs visages. Enfin : n’ont-ils vraiment peur que de la mort, ou craignent-ils plutôt les fantômes qui réveillent Tomas dès sa première nuit ?
Alors que le photographe présume en effet que des fantômes se sont emparés de la ville, il en a la confirmation lorsqu’il voit de mystérieuses ombres apparaitre sur les clichés qu’il prend.
Avec Anna, qui en pince sévèrement pour lui, le survivant tente de comprendre ce que veulent ces morts qui hantent les vivants.
Post Mortem, une première moitié convaincante
C’est étonnant : les deux premiers films projetés au festival de Gérardmer 2022 ont peu ou prou la même structure. Comme Eight for Silver, de Sean Ellis, Post Mortem s’ouvre sur une scène de guerre, fait un bond dans le temps, se perd en chemin et envoie ses protagonistes trouver refuge dans une église vers son dernier tiers.
Dernier point commun : aucun des deux, bien qu’ils aient chacun des qualité, n’est parvenu à créer le frisson qu’on espérait.
Pourtant, la première moitié de Post Mortem a de quoi susciter la curiosité. L’argument du photographe posthume fonctionne, et colore le film d’une peinture sinistre.
Par ailleurs, le décor du long-métrage de Péter Bergendy a de quoi captiver. Le cinéaste a en effet choisi de filmer un village décharné dont les maisons en toit de chaume ne parviennent pas, en dépit de leurs courbes séduisantes, à réchauffer l’atmosphère.
Le théâtre idéal pour d’éventuelles infamies fantomatiques.
Sincèrement, la mayonnaise commence par prendre, et délivre non seulement des enjeux captivants, même si peu novateurs (des fantômes qui veulent passer vers l’au-delà, on en a déjà soupé des milliers), mais aussi une rigueur dans la mise en scène qui force l’admiration.
Ainsi, une attention toute particulière est portée au placement des corps, au déplacement des fantômes et aux positions des morts qui sont pris en photo, ce qui rend le film très photographique, voire carrément pictural.
On pense notamment à une scène brillante où Tomas entre dans une grange et découvre une masse formée des corps des morts, emmêlés à la perfection, comme dans une étreinte. Splendide !
Post Mortem, gâché par son mauvais rythme
Malheureusement, la seconde partie du film s’enlise dans un cloaque lassant, du fait de la redondance de ses scènes.
Lors du visionnage, on s’est même fait la réflexion qu’une bonne moitié des séquences finales n’étaient absolument pas nécessaires et ne faisaient qu’alourdir considérablement le rythme…
On se serait notamment bien passé des dizaines de lévitations des villageois, qui sont si nombreuses qu’elles finissent par nous faire l’effet d’un pet de mouche — ce qui est quand même un comble pour un film d’horreur.
Résultat : l’expérience est longue, et on est tenté de piquer du nez. Dommage pour un film qui avait si bien commencé, et aurait pu être un grand de son époque.
Post Mortem n’a pas encore de date de sortie mais devrait être distribué dans l’année qui arrive. Faites-vous donc votre propre opinion !
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Je trouve cependant que mentionner l'époque à laquelle se déroule le film aurait été un petit plus pour cet article. On devine qu'il s'agit du contexte post première Guerre Mondiale grâce à l'évocation de la grippe espagnole, mais glisser une date ou un repère historique au début de l'article aurait permis de mieux comprendre. Au début je pensais qu'il s'agissait de la 2e et ça ne collait pas avec les photos post mortem. Enfin bref, ça serait cool si vous pouviez mettre un petit repère historique dans les premières lignes de la description du film. Merci