Le prénom a été modifié
La dernière fois qu’Amélie a fait l’amour avec son copain, c’était le matin du jour où nous nous sommes rencontrées. La dernière fois qu’elle l’a fait avec un autre, c’était dix jours plus tôt.
La jeune femme a de quoi bousculer les préjugés : c’est une grande brune à lunettes de vingt-deux ans originaire de Charente, et elle est étudiante en master. Elle est un peu timide et avec sa voix douce, elle n’est pas du genre à se faire remarquer. Elle décrit avec franchise sa sexualité :
« Je suis déviante… ça, je le dis ironiquement. Plein de gens me l’ont dit de manière méchante, du coup maintenant je me suis approprié le terme. Par rapport à la norme, j’ai clairement une sexualité déviante. Mais qu’est-ce que la norme au fond ? »
Autour d’un verre, elle m’a confié sa vie sexuelle de son enfance à aujourd’hui, de la frustration à la sérénité.
Masturbation à neuf ans et premiers désirs
Amélie avait aux alentours de neuf ans la première fois qu’elle s’est touchée. Ça pouvait être avec des coussins, des doudous, des objets sur lesquels elle pouvait s’appuyer et se frotter. Parfois, elle le faisait seule. D’autres fois, elle était accompagnée.
« C’est des années plus tard que je me suis rendu compte que je faisais des jeux super sexuels avec ma voisine du même âge : on se faisait des massages, on jouait au docteur de manière un peu poussée…
Donc on peut dire que d’une certaine manière, j’ai commencé avec une meuf. »
Aujourd’hui, Amélie se définit comme bisexuelle. Pourtant, jusqu’à ses dix-huit ans, elle n’a ressenti que du désir hétérosexuel.
« Quand j’étais en première, à seize ans, j’avais une amie très proche. Aujourd’hui, je suis persuadée que sans avoir été attirée par elle… j’en étais très amoureuse. »
À sa majorité, elle déménage à Paris. Elle est encore vierge et décrit cette période comme celle des grandes découvertes…
Paris à dix-huit ans : « J’ai demandé à ce mec de me baiser »
Les premiers mois sont paisibles pour Amélie : elle est logée chez une proche. C’est en déménageant dans une chambre étudiante qu’elle décide de se prendre en main.
« Très honnêtement, j’en avais marre d’être vierge. Depuis mes quinze ans, je me disais tous les ans que cette année serait l’année de mon premier copain, de mes premières expériences, et toujours rien.
Là, je me suis dit clairement qu’il fallait donner un coup de pouce au destin et je me suis inscrite sur Adopteunmec.
J’ai rapidement rencontré ce mec à qui j’ai demandé explicitement de me baiser. J’avais confiance en lui. Le jour J, j’étais stressée mais je me sentais en confiance : je savais que je pouvais dire « stop » à tout moment. Depuis, on est ensemble. Ça fait cinq ans. »
Dès le début, ils s’accordent sur le fait d’être en relation libre. Elle explique ça par une soif d’expériences nouvelles, une peur de finir par n’avoir connu qu’un seul mec. Alors elle enchaîne rapidement, sans trop savoir où elle va.
« Un mois après lui, j’ai rencontré un autre type sur Internet qui a fini par me violer. J’ai eu plusieurs premières fois ce jour-là : première pilule du lendemain, premier test de grossesse et puis j’ai fini par porter plainte… sale histoire.
J’ai un peu l’impression d’avoir connu le pire et le meilleur des sites de rencontre. Aujourd’hui, je préfère me dire que ça m’a appris la vie. Ça m’a appris à dire « non », à éviter d’aller chez le mec directement. C’est malheureux mais je ne serais pas ce que je suis sans ça. »
« Être en couple libre demande beaucoup de travail sur soi »
Aujourd’hui, Amélie vit avec son copain et se sent sereine. Elle admet pourtant que ce mode de vie n’est pas forcément facile.
« Être en couple libre demande beaucoup de travail sur soi, mais pour moi ça vaut le coup. C’est un équilibre à trouver. On pourrait croire que ça fragilise, mais ça nous rapproche : si on revient toujours vers l’autre après être allé•e ailleurs, c’est parce que c’est bien lui ou elle qu’on aime. On se dit tout. Pour nous, ça serait l’équivalent de se tromper que d’aller coucher avec quelqu’un d’autre sans se mettre au courant.
Aujourd’hui, je ne sais pas si je pourrais revenir à un mode de vie monogame. Peut-être avec un autre, et encore, j’aurais peur de le tromper presque par inadvertance. C’est tellement devenu ma norme que j’aurais du mal à m’en défaire. »
Le couple libre, c’est aussi des anecdotes auxquelles on ne pense pas forcément.
« Il y a un mois, j’ai couché avec un gars et la capote a glissé. Du coup, maintenant, ça fait un mois qu’avec mon copain on doit utiliser une protection en attendant de faire des tests. C’est arrivé deux ou trois fois depuis qu’on est ensemble, c’est un peu relou mais c’est important ! »
Amélie et les autres amant•es…
Concernant le couple libre, je me suis surtout interrogée sur des questions pratiques : comment fait-elle la connaissance de ses amant•es ? Comment se passent les rencontres ? La première chose dont elle m’a parlé, c’est de son groupe d’ami•es particulier.
« J’ai deux meilleurs amis, ce sont ceux avec qui je couche le plus régulièrement quand je ne suis pas avec mon copain. Avec eux et d’autres potes, on forme un groupe mixte de dix personnes. Beaucoup sont bi•es et même si tout le monde n’a pas couché avec tout le monde, c’est le cas de beaucoup d’entre nous…
On se fait souvent des week-ends ensemble dans une maison de campagne, et parfois on baise. Ce n’est jamais non plus une énorme partouze. Il y a eu une fois où on était six du groupe à baiser, c’est tout. On le fait rarement à plus de trois ou quatre.
Avec d’autres amant•es, j’ai une partouze de prévue mais je crois que c’est plus un running gag que quelque chose qui va vraiment avoir lieu… »
Quand elle ne fait pas la connaissance de gens via ses ami•es, elle passe par des sites de rencontre mais aussi par les soirées étudiantes. Elle a notamment fait partie des faluchard•es et m’a parlé des week-ends organisés qui dérapaient très vite.
La jolie brune a également mentionné quelques visites dans des clubs libertins. Elle ne s’est pas étendue sur ce point mais a glissé que c’était là qu’elle avait fait ses premiers plans à trois avec une fille.
Le monde du BDSM
Amélie se décrit comme soumise mais ne se sent pas à sa place dans le milieu du BDSM parisien…
« J’aime bien le bondage, mais je suis plus dans une phase d’exploration depuis des années. J’ai l’impression qu’à Paris, c’est un monde fermé, élitiste. Pour certain•es, si tu te ne prends pas de la cire chaude sur toi, tu n’es pas une vraie.
J’ai du mal à me sentir légitime dedans. C’est un milieu de gens aisé•es, de Parisien•nes. Ces moments-là me rappellent que je suis originaire de Charente. »
Heureusement, la jeune femme ne s’arrête pas à ce milieu dans lequel elle se sent mal à l’aise.
« Dans l’intimité, je pratique le BDSM avec des jouets, genre des cordes. J’aime qu’on m’attache, qu’on me fasse un peu mal… J’en suis à un moment où dès que je cherche l’étape au-dessus, j’ai l’impression que c’est trop pour moi. En même temps, ma limite n’était pas la même il y a quatre ans, elle n’était pas la même non plus il y a deux ans. Ça va peut-être encore évoluer. »
Amélie va bientôt avoir vingt-trois ans et elle se sent sereine
Il y a quelques mois, Amélie a contribué au site Bonjour Madame qui propose une photo de fille nue par jour. Elle raconte :
« Je l’ai fait pour me faire plaisir. D’habitude, je me trouve pas très jolie et là je me trouvais bien. J’ai eu un rapport difficile à mon corps jusqu’à il y a pas longtemps. Là, c’était une question d’empouvoirement et… pour me la péter un peu aussi ! »
Aujourd’hui, quand je lui demande où elle se situe par rapport à sa sexualité, l’étudiante répond de manière sereine.
« J’ai une sexualité que j’assume et un corps que j’aime.
Pendant longtemps, j’étais dans une compétition : je voulais aller voir ailleurs autant ou davantage que mon copain, faire toujours des trucs fous… Aujourd’hui, j’ai trouvé mon rythme et j’ai compris que je pouvais laisser ma libido suivre son cours sans être tout le temps dans la surenchère.
Finalement, je ne suis pas si sexuelle que ça. »
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Les Commentaires
@LaBeletteMasquée : ah mais à titre personnel je suis bien d'accord, depuis que je ne traîne plus qu'avec des gens ouverts et que j'ai arrêté les magazines féminins lambda, je respire mieux. Par contre, au niveau de la société, les injonctions sont quand même hyper présentes et assez, je sais pas, précises. Il faut être en couple avec un mec cis, ne pas en changer trop souvent, coucher souvent (uniquement avec lui), tester plusieurs positions, pratiquer la pénétration vaginale, la fellation est devenue quasi-obligatoire aussi, et si tu pouvais ajouter la sodomie à la liste ça serait cool, quant à la bicuriosité, ce qui est "encouragé" c'est la version qui sert à exciter les mecs (tu as le droit si tu es jeune et que c'est qu'une passade quoi). Pour les hommes c'est à peu près pareil sauf qu'il ne faut pas être pénétré (bouh, pas bien) et que tu as le droit de coucher à droite à gauche.
C'est vrai que les applis de rencontre, les pubs pour des sites comme Adopte un mec donnent l'impression que ça devient trop hype d'avoir un plan cul dans chaque ville. Je suis pas certaine que ça se vérifie pour tant de gens que ça, et quand bien même ça ne ferait qu'ajouter une petite variation au modèle dominant (t'as le droit aux coups d'un soir, mais les figures imposées ne changent pas).
Je trouve ça très pénible et hypocrite au point d'en devenir drôle.