Aujourd’hui, j’ai décidé de vous raconter mon histoire d’agression sexuelle. Pour plusieurs raisons ; vous aider si jamais vous êtes confronté•es à ce problème, mais également pour m’aider à surmonter tout cela, je l’avoue.
J’ai décidé de tout expliquer dans les moindres détails, et de vous donner mes conseils si un jour vous devez échouer à votre commissariat de police pour ces raisons (et je ne vous le souhaite pas !).
Cet homme-là, mon meilleur ami
Cet homme, c’était un de mes meilleurs amis. Je l’ai connu au collège, c’est-à-dire il y a environ dix ans. On est devenus plutôt proches, on déconnait pas mal. Un jour, juste avant mon bac (promo 2012, représente !), on a eu des relations sexuelles. Rien de sérieux, c’était clair entre nous ; nous resterions amis. Et nous sommes restés amis.
Notre relation de plan cul aurait pu se poursuivre, si le hasard n’avait pas fait que j’avais ENFIN réussi à séduire le mec qui me tapait dans l’œil depuis quelques mois. Je suis donc devenue la petite amie d’un de ses meilleurs amis, et donc, logiquement dans une relation monogame, je n’ai plus refait frotti frotta avec mon pote depuis.
Cet homme-là, j’ai passé des vacances d’été avec lui, des Nouvel An ensemble à faire la fête, de nombreuses soirées à manger, boire, bavarder, déconner. On avait un bon feeling. Tous mes potes étaient amis avec lui. C’est le genre de type avec un humour graveleux, noir, du genre à déconner sur sa propre décadence. Et moi, ça me faisait beaucoup rire.
Il s’était construit une fausse réputation de type louche et glauque, ce qu’il n’était pas véritablement. C’était pour déconner. J’aurais voulu que ce soit vraiment pour déconner.
L’agression sexuelle
Au début de cette année, je suis partie en Erasmus. Les choses de la vie étant ce qu’elles sont, j’ai rompu avec mon copain que j’avais pécho à la fin du lycée (mais si, suivez un peu). C’était difficile pour moi, atroce pour lui. Notre ami, cet homme-là, nous a tellement aidés. Il était toujours là pour nous soutenir, chacun de notre côté. Et surtout, surtout ; il était le seul ami très proche de mon ex qui se soit inquiété de moi, malgré ma position de grande méchante qui a rompu. Et ça, ça m’a touchée plus que n’importe quoi.
Les choses se tassant au bout d’un moment, il a commencé à flirter avec moi. Il était perdu ; il avait clairement envie de s’amuser avec moi, mais avait peur de « trahir » mon ex. Ça tombait bien, je n’étais pas franchement intéressée, et surtout, à l’étranger. Ça m’a fait rire alors je l’ai laissé tenter sa chance avec ses messages lourds de sens via Facebook. Je suis du genre à flirter pour déconner avec tout le monde. J’aurais voulu que ce soit vraiment de la déconne pour lui aussi.
Et puis, comble du hasard, je me suis trouvée un petit ami vers la fin de mon échange universitaire. C’était sérieux, on comptait rester ensemble malgré la distance. Quand je suis finalement rentrée en France, j’ai contacté cet homme-là pour lui annoncer la nouvelle.
Il m’a dit que je ne saurais pas résister cinq minutes à l’homme viril qu’il était.
Il a rigolé et m’a dit que ça ne tiendrait jamais. Que je ne saurais pas résister cinq minutes à l’homme viril que lui était. Ça m’a agacée, alors je lui ai dit que s’il avait du courage, il essayerait et il verrait bien si je n’étais pas sérieuse. J’aurais voulu qu’il réalise que je n’en avais pas besoin à ce moment-là.
Nous avons décidé de nous revoir. Depuis ma rupture difficile, depuis mon départ à l’étranger, je ne l’avais pas vu. Nous n’étions pas du genre à nous voir toutes les semaines ou à se parler tous les jours sur Facebook. Mais j’avais envie de le revoir, ça faisait longtemps. Nous avons donc rapidement décidé de manger ensemble un midi, fin août.
Je me pointe donc le jour-dit avec une bouteille de rouge. Tout se passe très bien, on parle, on déconne, on boit, on mange. Je suis vraiment ravie de le revoir. À la fin du repas, nous migrons vers son canapé et causons musique. Forcément, c’est un sujet qui me passionne alors je suis emballée. Un petit coup dans le nez également, mais pas bourrée. Et là, tout bascule.
Mon ami se rapproche soudainement de moi, un air extrêmement sérieux sur le visage. Il tente de m’embrasser. Je rigole, un peu perdue et étonnée, et le repousse en lui disant que je ne suis pas intéressée par cela. Il ne s’arrête pas pour si peu. Il devient extrêmement proche, essaye de me toucher, de m’attraper, de m’embrasser. Je le repousse comme je peux. Je crois à la blague. C’est mon meilleur ami. Il doit forcément me faire une blague.
Sauf que la blague a duré un temps qui m’a semblé interminable. Il me touche, tente de me déshabiller, de m’embrasser dès qu’il le peut. Je suis à la fois choquée et stupéfaite. J’ai beau le repousser, plus ou moins agressivement, cela ne l’arrête pas et il revient à la charge. Il met ses mains sous mon t-shirt, le relève, expose ma poitrine.
Je ne porte pas de soutien-gorge au quotidien, c’était plutôt facile. Il me bloque, allongée sur ses jambes, regarde mes seins, me regarde. Cela me gêne énormément. J’essaye de me cacher avec mes mains mais il est fort et m’en empêche. Il rigole et me demande pourquoi je me cache. Je ne sais même plus ce que j’ai bafouillé. Puis il met sa main dans ma culotte. Il regarde mon pubis et se moque de la manière dont je m’épile. Je suis mortifiée et j’essaye de protéger mon intimité au mieux.
Ça ne m’a pas traversé l’esprit de le frapper et de partir en courant. Je lui faisais confiance.
La situation était très étrange. D’un côté, j’étais stupéfaite de ce qui se passait, et surtout, qu’il ne s’arrête pas. De l’autre, c’était mon meilleur ami, et je me sentais toujours en sécurité et à l’aise avec lui. Ça ne m’a pas traversé l’esprit de le frapper et de partir en courant. Je lui faisais confiance.
Par moment je me débattais, par moment je me roulais en boule et tentais juste de me protéger. Je ne saurais absolument pas dire combien de temps cette agression a duré. Pour moi, il a tenté de me toucher pendant environ une heure, mais peut-être que ma réalité était déformée. Il me touchait les fesses, me donnait des fessées. Il me maintenait fermement, je ne pouvais pas m’enfuir.
À un moment où je me sentais extrêmement acculée, faible, sur le point d’être victime de viol, j’ai fondu en larmes. Il a immédiatement arrêté et m’a consolée. Il s’est excusé. Il ne savait pas que c’était si important pour moi. J’étais tellement rassurée qu’il arrête et qu’on oublie tout ça. Je voulais juste parler d’autre chose et enterrer ça, ne plus jamais en reparler.
Mais non.
Trois minutes après, il recommence à vouloir me toucher et m’embrasser.
Quand je n’ai plus eu aucun autre argument en stock, j’ai rappelé mon ex à son bon souvenir. Ce sont les deux seuls moments où il a daigné retirer ses mains de mon corps pour quelques secondes : quand j’ai pleuré et quand je lui ai parlé de la présence masculine omnipotente de ma vie. Super.
Je me débats, je me protège. Il est fort. Je finis au sol, maîtrisée sans aucun problème. Et puis il se moque. Me dit que je dois apprendre à me protéger, que je vais finir par être violée. Très drôle.
Tout ça se finit de manière assez étrange. L’heure tourne, il doit partir. Je suis soulagée, je me rhabille et je me tire d’ici. Sur la route, je me sens tellement heureuse et libre. J’ai échappé au pire, j’en suis consciente.
Et puis, les problèmes de la vie quotidienne me revenant en pleine face, je laisse tout ça de côté. Mon ex refuse de me répondre pour me rendre mes affaires, ce qui m’irrite au plus haut point. Je demande à tout le monde de m’aider. Seul cet homme-là est efficace et me sauve de la situation. Je suis reconnaissante. Mes sentiments envers lui sont plus que contraires.
De l’agression au dépôt de plainte
Quand tous mes soucis se tassent, je décide d’aborder le sujet avec lui via Facebook. Je veux comprendre. J’ai besoin de savoir pourquoi il a fait ça, pourquoi il n’a pas arrêté. Ce qu’il en pense. S’il regrette ou pas. La mécanique qui l’a poussé à agir ainsi. J’aurais pu lui pardonner, oublier si la discussion avait été concluante.
J’y repense constamment, et lui, on dirait qu’il est déjà passé à autre chose.
Je tente d’ouvrir la discussion. Il est très distant. On dirait qu’il s’en fiche complètement. Il me dit qu’il « ne sait pas » pourquoi il a agi comme ça, qu’il a juste été « instinctif ». Que cela l’a « plus amusé qu’autre chose ». Je suis éberluée. J’y repense constamment, et lui, on dirait qu’il est déjà passé à autre chose. Ça me vexe, ça m’énerve. Je lui dis qu’il m’a agressée sexuellement et que je ne reviendrai plus jamais chez lui seule. Il ne daigne même pas me répondre.
Et puis, j’essaye d’oublier. J’y arrive. Mais par périodes, la situation me revient en pleine face. Mon meilleur ami. Il va peut-être toucher mes amies. Ou n’importe qui d’autre.
Je décidé d’en parler à l’une de mes proches. Elle est perdue, choquée, comme toutes les personnes à qui j’en ai parlé par la suite. Personne ne peut comprendre que cet homme-là ait agit ainsi, moi la première. On lui faisait tous une confiance aveugle. Le plus dur aura probablement été d’en parler à mon copain et, surtout, à mon père. C’était probablement un des pires moments de ma vie.
Mes amies les plus proches me convainquent de porter plainte, mais il me faudra plusieurs semaines de réflexion pour franchir le pas. Cet homme-là étudie dans une filière d’excellence. Il a galéré pour en arriver là, et je le sais pertinemment. Je sais qu’un casier judiciaire peut ruiner sa vie. Comment puis-je détruire la vie de mon meilleur ami ?
Environ deux mois après les faits, je décide finalement de porter plainte. C’est une amie qui m’a dit quelque chose qui a fait le déclic dans mon esprit :
« Ce n’est pas toi qui ruine sa vie, c’est lui qui s’arrange tout seul comme un grand pour la ruiner lui-même. »
Ça m’a fait un électro-choc. Quelques jours plus tard, je suis allée au commissariat.
J’avais lu sur Internet qu’il fallait porter plainte dans la ville de l’agression. C’est faux. Vous pouvez porter plainte de n’importe où.
Même si l’agression s’était déroulée à un autre endroit, je suis allée dans le commissariat de ma ville d’origine parce que c’était pratique pour moi. C’était irréel, j’étais un peu perdue. Et ce commissariat est particulièrement glauque. Ça fiche déjà les boules en arrivant, on se croirait en prison.
Je me suis donc pointée, accompagnée d’une de mes meilleures amies.
Et là, la policière qui m’a accueillie était extrêmement gênée. Elle m’a dit que c’était un crime qui devait être pris en charge par des fonctionnaires formés de la brigade des mœurs, or ils ne travaillent pas le week-end dans leur commissariat. Elle ne savait pas quoi faire. J’ai senti qu’elle ne voulait pas que je parte. Je pense qu’elle avait peur que je perde la motivation de porter plainte. Elle s’est entretenue avec ses collègues, tous aussi gênés de la situation. Puis on m’a demandée si cela ne me gênait pas de porter plainte auprès d’un homme.
Personnellement cela ne me dérangeait pas, j’ai donc accepté. Ce policier prenant déjà la plainte de quelqu’un, nous avons patienté. Et mon tour est venu.
Ce fonctionnaire n’était clairement pas formé. Je pense qu’il était dérouté et stressé de la situation, il ne savait pas trop comment faire, mais il a essayé de son mieux. Il était plutôt brusque au début. Je n’ai pas apprécié certaines de ses remarques. Quand je lui ai dit quand les faits se sont déroulés, il m’a demandé pourquoi j’avais attendu tellement longtemps avant de porter plainte. Pourquoi je n’avais pas déposé une main courante le jour-même. Que si on attend, les souvenirs sont moins détaillés. Qu’il fallait que je sois plus claire et précise sur certains points.
Cela m’a irritée mais j’ai gardé ça pour moi-même et j’ai répondu du mieux que je le pouvais. Au fur et à mesure de l’entretien, il s’est détendu. J’ai expliqué qui était cet homme-là pour moi, ce qui s’était passé, tous les détails dont je vous ai parlé. Il mettait une grande barrière émotionnelle entre nous deux, ce qui m’a beaucoup aidée à ne pas ressentir trop de choses. Je disais froidement ce qui m’était arrivé, il l’écrivait froidement sur son ordi. C’était plutôt simple.
Et après le dépôt de plainte ?
À la fin du dépôt de plainte, il m’a expliqué la procédure. Cet homme-là serait convoqué dans quelques semaines au commissariat de police de sa ville pour donner sa version des faits. S’il approuve mes dires, fin de l’histoire. Sinon, nous serons convoqués tous les deux pour une confrontation de nos deux versions. Et si nous ne nous mettons toujours pas d’accord sur les faits, cela peut aller jusqu’au tribunal.
Je voulais dire moi-même à cet homme-là que j’avais porté plainte, plutôt qu’il le sache dans une lettre administrative. Ma mère m’a conseillé de ne surtout pas le faire. Cela pourrait lui laisser du temps pour se préparer une défense, pourquoi pas avec un avocat. Elle m’a expliqué qu’il valait mieux le prendre par surprise autant que possible.
J’ai toujours du mal à réaliser que je ne le verrai plus jamais.
Je l’ai supprimé de mes amis Facebook. J’ai toujours du mal à réaliser que je ne le verrai plus jamais. Plus jamais il ne cuisinera pour moi. Plus jamais nous ne parlerons de nos derniers plans cul. Tout ça, c’est fini. C’est un sentiment étrange, et plusieurs de mes amis le ressentent également.
Et aujourd’hui ?
Maintenant, j’attends que la police fasse son travail. Je suis extrêmement curieuse de voir s’il va nier les faits ou non. J’ai la chance d’avoir de nombreux amis derrière moi, ainsi que ma famille. On est tous choqués, affligés, mais on veut avancer et que cet homme-là paye pour ce qu’il a fait. Et cela me fait également peur. Je veux qu’il paye, clairement, d’une manière ou d’une autre. Mais j’ai peur que la justice lui trouve des excuses pour réduire ou annuler la plainte, en raison de sa jeunesse, de son statut d’étudiant ou que sais-je.
Je voulais passer le message sur madmoiZelle, à toutes les personnes qui ont été agressées, violées, comme dans la majorité des cas, il s’agit probablement d’une personne très proche de vous. Cette personne ne vous respecte pas. Vous pouvez faire quelque chose.
Surtout, ne restez jamais dans le silence. Parlez-en à votre plus proche confident. C’est difficile, mais c’est un tel soulagement que d’être cru•e, écouté•e. Faites-le pour vous libérer. Et ensuite, peut-être que vous trouverez l’envie, et surtout le courage d’agir.
Mais surtout, surtout, ne restez pas dans le silence. Ne restez pas dans le déni.
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